Le Stade Rennais sauvé par le Gone ?

Décidément, rien ne se passe jamais comme prévu au Stade Rennais ! Cela a-t-il son charme ou cela devient-il exaspérant ? Une fois de plus, en cours de saison, le club breton doit se réinventer et repartir de l’avant. Après la démission du coach, Julien Stéphan, place à Bruno Genesio, qui veut voir les Rouges et Noirs renouer avec l’envie.

La conférence de presse d’après-match de ce Rennes-Nice (1-2) sentait la poudre. Il y avait dans l’air cette électricité des soirs d’orage. L’odeur du souffre. Julien Stéphan avait plus que la mine des mauvais jours, celle d’un jour sans lendemain. Les joueurs ont rendu les armes, ce soir-là, à leur maître artificier et un départ devenait, dans la tête du technicien breton, l’inévitable dernier levier. Sa démission était annoncée par ses propos du soir.

Ce fameux levier si souvent évoqué, que des confrères s’amusaient à imaginer dans une salle secrète, à l’abri des regards, dans les souterrains de la Piverdière. Le sous-sol, certaines performances rennaises sont à y ranger. L’équipe a semblé alimenter ses propres doutes semaine après semaine, jusqu’à atteindre le point de non-retour. Si remontée à la surface il doit y avoir, ce ne sera pas avec Julien Stéphan, désormais monument historique du club, mais avec un nouvel attelage 100 % lyonnais. Bruno Genesio a pris la tête de l’équipe jusqu’en juin 2023, si tout va bien. Il retrouve Florian Maurice (directeur sportif) avec lequel il avait évolué comme joueur puis travaillé pendant trois ans à l’OL.

Les origines du nouveau duo opérationnel sur le terrain ont amené certains supporters inspirés à renommer le SRFC « Stade Rhônais » ou « Olympique Rennais ». Drôle mais tout de même facile et éloigné de la réalité. Et quand bien même : la moitié du palmarès du club rhodanien ne serait-elle pas la bienvenue en Bretagne ?

Genesio : « L’équipe doit retrouver du plaisir »

Rapides et prompts (c’est bien ce qui est exigé d’un directeur sportif et d’un président), Florian Maurice et Nicolas Holveck l’ont été pour réagir à ce coup d’arrêt quelque peu inattendu. La tournure des évènements devenait inquiétante mais Julien Stéphan conservait un certain crédit (voir pages 10-11). Il était dit que cette saison 2020-21 serait difficile mais aussi instructive. Avec la Ligue des champions au programme des Rouges et Noirs, une première dans l’histoire du club. Avec l’éclosion d’Eduardo Camavinga et tous les feux médiatiques braqués sur lui. Avec les états d’âmes du meilleur attaquant de la saison dernière, M’Baye Niang, jamais revenu dans le projet. Sans oublier les départs, dans les ultimes jours du mercato, d’Édouard Mendy et de Raphinha, des éléments pas toujours réguliers durant l’exercice précédent mais importants (on appréciait le rôle joué dans le vestiaire par le premier et l’imprévisibilité sur le terrain du second). Le champ d’action était clairement miné.

Le triumvirat Holveck-Maurice-Stéphan a vécu, après avoir essayé de trouver la ou les solutions. Le mercato, loué à l’automne, n’a pas donné satisfaction, loin s’en faut. Mais il relevait d’une responsabilité collective. Ne restait-il pas un dernier coup de collier à donner ensemble ? La question divise les observateurs, moins les supporters. Julien Stéphan ayant jugé que non, un nouveau trio est désormais en place et un nouveau discours est privilégié pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être.

Lors de sa conférence de presse de présentation, l’ancien coach des Gones (54 ans), choisi par l’actionnaire principal et la direction aux dépens de Jocelyn Gourvennec et Lucien Favre, a fait bonne impression. Il était aux côtés de Florian Maurice et de Jacques Delanoë, présent en remplacement de Nicolas Holveck, hospitalisé depuis début mars en raison de problèmes de santé. Celui qui avait dirigé l’OL de 2015 à 2019 est apparu serein. Et bien décidé à retrouver ses sensations en Ligue 1, après un départ difficile à l’OL (suivi d’un passage par la Chine revigorant). Ce discours-là était clair, précis et plein de franchise. Pas de révolution mais des ajustements. « Il ne faut pas oublier que le football est un jeu. Avec des enjeux sportifs et financiers, bien sûr, mais ça reste un jeu, un plaisir. L’équipe doit retrouver du plaisir, de l’enthousiasme, et ne pas être obnubilée par le résultat, la finalité. »

Une équipe qui a perdu de sa spontanéité et de sa folie, à l’évidence. Mais son nouveau responsable ne se montre pas inquiet. Il sait ce qu’il veut. « J’aime que mon équipe possède le ballon, oui, mais il est important parfois, de provoquer des ruptures, de prendre des risques, quitte à souffrir d’un certain déséquilibre. » Ce qu’il préconise, c’est une guérison par le jeu, par l’audace, avec des garçons qu’il connaît, pour certains, comme Clément Grenier (« que j’ai eu en formation ») ou Romain Del Castillo (« que j’ai lancé en Ligue 1 et qui a, depuis, parcouru bien du chemin »).

La partition est propre, parfaitement maîtrisée, validée par Florian Maurice. Les deux hommes l’assurent : cette relation qui les lie depuis longtemps facilitera l’adaptation en Bretagne du successeur de Julien Stéphan, réduite à son minimum. La gestion du futur mercato se fera sur la même longueur d’ondes. Reste les supporters, si importants dans le passé de Bruno Genesio (tout ne fut pas simple pour lui). Il a déjà émis le souhait de « rencontrer les représentants des groupes de supporters. Ils font pleinement partie du club. On a besoin d’eux, il n’y a pas d’équipe sans supporters. Du souvenir que j’ai, ce sont de vrais fans qui poussent leur équipe. Mais je sais que ce sont les résultats qui vont définir notre relation. »

Cela ne coûtait rien et ça apporte un peu de crédit et de sympathie, au mieux, ou laisse un peu de temps, au pire, à un homme touché dans sa chair par les banderoles virulentes et les actions de certains Bad Gones, souvent injustes. Il avait été repoussé au bout d’un an, essentiellement en raison d’un prétendu manque de charisme. À Rennes, le challenge sera ardu vis-à-vis du public, au-delà d’une hypothétique qualification européenne. Et pour cause : il s’agit de remplacer le populaire Julien Stéphan. Dans les cœurs, cela risque de relever de l’impossible. Dans les résultats, un peu moins…

Des chiffres qui parlent

En Ligue 1, Bruno Genesio présente de vraies garanties. En trois saisons et demie à l’Olympique Lyonnais, il a terminé second, 4e puis 3e à deux reprises. Il a par ailleurs atteint les demi-finales de Ligue Europa. Sur la scène européenne, il a réussi quelques coups d’éclat, dont une victoire prestigieuse sur la pelouse de Manchester City, face à Pep Guardiola, s’il vous plaît. Sur le marché actuel, il était difficile de trouver mieux. Ajoutez à cela le deuxième meilleur pourcentage de victoires en Ligue 1 (55 %, 101 victoires pour 36 nuls et 47 défaites) et la capacité de former et de révéler, dans un passé lointain comme dans un passé récent, de nombreuses valeurs sûres (Grenier, Lacazette, Ferri, Gonalons, Umtiti, Aouar, N’Dombélé, Mendy et bien d’autres).

Même sans trophée, le CV tient largement la route. Le Stade Rennais tient là un homme capable d’emmener un groupe avec lui, de fédérer, tout en valorisant la formation et en apportant une expérience concrète du haut niveau. Anthony Faure, spécialiste de l’OL pour Le Parisien, interviewé sur notre site après l’arrivée du nouvel entraîneur , croyait à sa réussite : « Il saura mettre les joueurs dans les meilleures dispositions. Rennes est un très beau club, de par la région, l’actionnaire, le stade, la ferveur qui monte depuis quelques années. Ils (Florian Maurice et Bruno Genesio) ont un beau défi à relever. Ils sont capables de réussir. Si pour Rennes, ce choix est cohérent et très intéressant, l’inverse est encore plus vrai ! »

Le tandem a trois bons mois devant lui pour poser les bases d’un renouveau et pourquoi pas attraper l’Europe, encore jouable. Aucune équipe ne semble aujourd’hui incontournable pour les 5e et 6e places. « Séduit par (sa) rencontre avec M. Pinault père », l’ancien Gone veut s’inscrire dans la durée au sein d’un club qui, petit pied de nez du destin, avait précipité sa chute à Lyon il y a quasiment deux ans, un soir de demi-finale de Coupe de France. Un soir d’ivresse que la communauté rouge et noire revivrait volontiers, que le coach vienne de la capitale des Gaules ou de la planète Mars…