Titré pour la deuxième fois en trois ans, le REC Rugby retrouvera la Nationale la saison prochaine ! Au terme d’un exercice historique, les Rennais n’ont jamais vacillé, sûrs de leurs forces et de leurs convictions. Le 4 mai 2025 s’inscrit ainsi dans l’histoire du club, inscrivant un peu plus encore la capitale bretonne sur la carte de France de l’ovalie.
« Une équipe ne se façonne pas en six mois ». Ces mots de Kévin Courties, prononcés après la défaite contre Langon l’an dernier en demi-finale de play-off, n’étaient pas posés au hasard et ont trouvé écho, un an plus tard. A l’époque, l’élimination et la déception furent difficiles à encaisser, à la hauteur des ambitions perdues dans le pack langonnais. Ce jour-là, tout a changé : « Le début de notre saison est là (lire en pages 6-7) », nous confie Kévin Courties.
Quelques ajustements plus tard, avec les renforts Clément Cavalière, Eneri Lotawa, Thibault De Sousa ou encore Johann Grundlingh ajouté à un groupe plutôt stable, l’histoire était en route. Le REC Rugby a vu juste avec une base de travail très intéressante et « l’idée de ne pas tout révolutionner, de travailler non pas plus mais mieux ».
De l’ouest à l’est
Pour cela un nouveau groupe de N2, avec des déplacements toujours plus lointains, amenant même le club rennais dans la poule Est, oui oui, et même au-delà des frontières jusqu’en Suisse, avec le Servette de Genève au programme ! En coulisses, avec l’appui des collectivités, le club continue de se structurer avec la rénovation des terrains extérieurs du complexe sportif Robert Launay, en attendant la refonte des vestiaires, et plus globalement la capacité d’accueil du site, prévue d’ici 2028.
Niveau jeu, Kévin Courties, pas du genre à se reposer sur ses lauriers avec le titre de meilleure attaque acquise la saison passée, peut s’appuyer d’entrée sur une animation offensive offrant quelques garanties, sans parler de finalité : « Le jeu offensif a été notre leitmotiv pendant la saison et 75% de nos essais ont été inscrits sur nos possessions. C’est un secteur de jeu que nous avons réussi à faire progresser, mais nous allons encore essayer de l’optimiser la saison prochaine. Je sais que nous pouvons produire encore davantage. »
Une marge déjà constatée l’été dernier, qui s’est réduite au fil des mois et des victoires, entassées comme des petits sentons dans la collection sous vitrine dans le salon. La saison, sans loupé, l’indique : le REC a marché sur la Nationale 2, remportant 17 matchs sur 22 lors de la phase de poule malgré plus de 16.000 km avalés en déplacement : « Là aussi, nous sommes en tête du classement, ironisait Kévin Courties après le titre dûment glané face à Niort.
Alexandre Guéroult : « De base, quand tu t’aimes très fort, c’est incassable »
Ce dénouement, c’est aussi et avant tout le salaire d’un dur labeur mis en œuvre par un groupe de garçons soudés, unis, prêts à laisser un bras, une jambe ou quoi que ce soit sur le terrain pour le copain, le camarade. Le cœur des hommes, celui qui pousse à fermer les yeux mais à y aller, sans craindre l’impact, l’erreur, en défiant la peur et en méprisant le regret.
Des garçons avec la Bretagne chevillée au corps, devenus Bretons qu’ils soient Sud-Africain, Parisien ou Portugais. En porte-drapeau, forcément, pour sa dernière saison en « Noir et Blanc » après 15 ans de bons et loyaux services, le capitaine porteur du Penn Bazh, Alexandre Guéroult, n’en démord pas : « Ce qui a fait la différence, c’est peut-être le cœur. Dans cette équipe, il y a une âme qui est très particulière et je pense que c’est ça qui fait basculer les rencontres. Déjà, de base, quand tu t’aimes très fort, c’est incassable. »
La première partie de saison s’est ainsi déroulée sans grande frayeurs, ni grands frissons, mais avec le sentiment que le XV rennais, en mission, ne laissera que de très rares miettes à ses visiteurs. Ceux-ci seront réduits à venir espérer un bonus défensif au Vélodrome, repartant tous battus de la capitale rennaise.
« Pendant une demi-heure, ils se sont tous tiré dessus à balles réelles, mais dans un réel souci de progression, de gommer les défauts, et de changer de mode »
Le collectif prend forme et les victoires s’accumulent, mais il manque un petit quelque chose. En ordre de marche, le REC Rugby marque une première fois les esprits lors de la reprise début janvier. Opposé à son dauphin Orléans, l’une des trois seules équipes à l’avoir fait chuter jusqu’ici, Rennes s’impose et prend seul la tête du championnat. Un fauteuil de leader qu’il ne perdra que le temps d’un match en retard contre Aubenas, reporté fin janvier en raison de l’état du terrain.
En février, un match fait pourtant tout basculer. Si la victoire appelle la confiance, elle peut aussi endormir dans un certain confort et aveugler sur les dangers à venir. Pas de risques avec ce groupe-là qui, au lendemain d’un carton face à Bédarrides, sollicite une réunion mise au point auprès du staff. Requête acceptée : « Pendant une demi-heure, ils se sont tous tiré dessus à balles réelles, mais dans un réel souci de progression, de gommer les défauts, et de changer de mode », rembobine Kévin Courties.
Décidés à prendre leur destin en main et surtout, à ne pas se contenter de contenus qui ne suffiraient pas en phase finale, les Récistes passent alors en mode ultime : « Ils ont eu mal une fois et ne voulaient pas le revivre, et nous non plus. » Le Stade Métropolitain, contre qui le REC réalise l’un de ses matchs les plus aboutis, en fait les frais la semaine suivante et s’incline chez lui devant un REC que plus rien, dès lors n’arrêtera.
Le REC invaincu à domicile
Jusqu’au bout, le REC s’applique, s’implique, appuie là où ça fait mal chez des adversaires pour qui le gain de quelques mètres est à payer au prix d’une dépense physique forcément facturée un peu plus tard. Parfaitement au point tactiquement, techniquement, disposant d’un jeu au pied varié sous la botte de Quentin Lalarme et Benjamin Noble notamment et d’un facteur X ultra-décisif sur son aile, Clément Cavalière, la bande d’Alex Guéroult ne vacille pas.
Ni les blessures, ni les longs déplacements ne vont tiquer un groupe où même ceux qui ne jouent pas sur le terrain tiennent un rôle important et valorisé de tous. L’invincibilité d’un an et demi à domicile en témoigne, le REC n’a pas envie de rigoler et le prouve ensuite en phase finale, lors du quart de finale remporté contre Valence d’Agen avant de ne faire qu’une bouchée de Vienne en demi-finale, avec la manière, à Châteauroux.
La finale, dans la dynamique et l’impression générale laissée par le REC tout au long de la saison, ne devait ainsi pas échapper aux joueurs du nouveau président Eric Du Mottay, investi en janvier à la succession de Jean-Marc Trihan, grand architecte de ce REC devenu si fort, pendant neuf saisons et demie et désormais vice-président.
Niort, pourtant, avait probablement et les ingrédients et la recette pour gâcher le banquet de fin de saison rennais, mais non. Après l’accueil des joueurs par les supporters, et certains joueurs non retenus, preuve de l’état d’esprit habitant ce groupe, l’échauffement, les regards, la concentration et l’impression générale dégagée, malgré un stade plutôt Rouge et Noir, laissait à croire au meilleur.
Le bouclier semblait avoir déjà choisi son camp
Le bouclier, installé avant la rencontre devant l’entrée des joueurs du REC Rugby, semblait avoir déjà choisi son futur propriétaire. Malgré une entame compliquée, bien que choisie, avec l’option de subir la furia niortaise, agrémentée de deux cartons jaunes, les joueurs de Kévin Courties font le dos rond avant de mettre leur patte progressivement sur le ballon et sur une rencontre qu’ils ne lâcheront jamais.
Une force tranquille n’empêchant pas les nombreux supporters présents de se ronger les ongles, et logiquement récompensée. Comme un symbole, le seul essai de la finale côté rennais est l’œuvre de l’inépuisable talonneur Alex Fau, auteur d’une immense saison. Insubmersible, intraitable, quel que soit l’adjectif, celui-ci colle au REC Rugby version 2024-25.
Un nouveau titre, une ligne de plus et une histoire en marche, encore à ses premiers émois, comme pour ancrer un peu plus Rennes sur la carte rugbystique française. L’histoire raconte que la fête a été doucement entamée dans les entrailles de Tonnellé, stade du centre-ville tourangeau mais bien plus consommée et partagée une fois rentrés à Rennes, à la maison, selon le souhait de joueurs qui jusqu’au bout, auront, guidés par leur staff sur le chemin, décidé de leur destination.
Les réactions d’après-finale :
Alexandre Guéroult, capitaine du REC Rugby
« Ça été très compliqué. Nous avions préparé cette finale et on était conscients des grosses qualités de Niort. Une équipe très solide et hyper structurée. En toute honnêteté, nous en avions peur, comme de Vienne en demie. On savait que le bras de fer serait long, qu’il fallait être patient et que leurs vingt premières minutes étaient souvent très costaudes.
Nous avons laissé passer l’orage, nous avons rebondi puis martelé toute la fin de première période. Nous accentuons en deuxième période et ça finit par payer, car nous prenons l’ascendant devant. C’était le pari et la stratégie a marché pour nous. Ce qui fait la différence, c’est peut-être le cœur. Dans cette équipe, il y a une âme qui est très particulière et je pense que c’est ça qui fait basculer les rencontres. Nous sommes plusieurs à devenir pères en même temps.
Nous avons grandi, certains depuis six ans, moi ça fait quinze ans que je suis là. J’ai connu des générations et des générations. Quand nous vivons des choses comme ça, ça se ressent sur le rugby. Les liens étaient incassables. Comment rêver mieux qu’une sortie sur un titre de champion de France, un deuxième qui plus est ? Ce que j’ai aimé cette année, c’est que la logique a été respectée et les deux premiers de poule se sont retrouvés en finale. »
Alexandre Fau, talonneur et auteur du seul essai du match
« Avec l’expérience, qui arrive en même temps que les années, je trouve que ce qui se passe le dimanche est le reflet de ce qui se passe en interne durant la semaine. Pour moi, le point de départ de cette belle aventure a été notre voyage de fin de saison dernière à Magaluf. Ça a créé des liens et ça en a renforcé d’autres déjà présents. Au fur et à mesure de la saison, tout le monde s’est impliqué à sa manière et a donné de sa personne pour le collectif.
Sur les phases finales, c’est parce qu’on s’aimait plus que tous ceux que nous avons joués que nous avons gagné. Bien sûr, rugbystiquement, nous avons beaucoup travaillé, mais je crois de plus en plus à la force collective, surtout dans notre sport. Mon essai vient récompenser le travail de tout le pack, comme souvent quand je marque ! J’ai revu plein de fois les images de l’essai, nous étions tous possédés.
Je pense que la finale bascule à ce moment-là et la différence de langage corporel entre Niort et nous est frappante. Ils ont compris et nous aussi. Pour les autres essais de la saison, j’essaye juste d’être le plus possible au service de l’équipe. C’est aussi ce que j’essaye de faire ressortir de mes prises de parole. Le seul moyen d’y arriver, c’est à travers la mise à disposition de ces compétences. Le fait que je marque en essayant d’être le plus altruiste au quotidien est une preuve que cela fonctionne ».
