L’arrivée du technicien argentin soulève bien des questions à court et moyen terme. Est-il l’homme de la situation, Stade Rennais compatible ? Peut-il durer dans le temps et avec quels moyens ? S’adaptera-t-il au contexte local ? Zoom sur un mariage explosif à l’avenir rempli d’incertitudes.
« J’aimerais que ce soit une caricature hélas, je suis comme ça… » Lorsqu’on lui demanda, en conférence de presse de présentation, si l’image volcanique et impétueuse qu’il traîne depuis des années est justifiée, Jorge Sampaoli, 64 ans, ne se défile pas : « C’est ma manière à moi de vivre le football, de le transmettre. » Place donc aux cent pas le long de la touche, aux gesticulations, à un regard perçant et une voix posée, qui s’essaie même au français en conférence de presse, tel un pas vers son nouveau dessein breton.
Le choix Sampaoli, priorisé par Arnaud Pouille et Frederic Massara au détriment d’Habib Beye, en permanence « sponsorisé » par le milieu mais toujours sans club depuis la fin de son aventure au Red Star, interroge. Jusqu’ici, parmi les 14 entraîneurs du Stade de l’ère Pinault, seuls Laszlo Bölöni et Vahid Halilhodzic n’étaient pas Français mais néanmoins fortement influencés par le football hexagonal dont ils connaissaient tous les rouages.
Avec Jorge Sampaoli, place au premier sud-américain à la tête de l’équipe, à l’entraîneur le plus vieux choisi par les actionnaires mais aussi, à la personnalité la plus clivante. Connu en France depuis son passage à l’OM (février 2021 – juin 2022), il y a laissé un souvenir contrasté. D’un côté, les résultats furent plutôt bons, avec une qualification en Ligue des Champions et une équipe qui a connu son plus fort taux de victoires au XXIe siècle avec 36 victoires en 66 matchs (54%), mieux que Bielsa ou Deschamps.
Mattéo Guendouzi : « En tant que joueur, tu as envie que ça fonctionne avec lui »
Côté style, en revanche, on fut très loin de la patte Bielsa, dont l’homme est pourtant présenté en héritier, avec un football pragmatique, parfois expérimental tactiquement et fluctuant, plus dans l’adaptation que dans le dogme pur et dur. Chez nos confrères de So Foot, Mattéo Guendouzi rembobine pourtant le script d’un film parfait avec le technicien argentin : « J’ai vite adhéré à l’homme, qui est toujours derrière ses joueurs, qui essaie toujours de tirer le maximum d’eux, et honnêtement, en tant que joueur, tu as envie que ça fonctionne avec lui, car il met tous les ingrédients pour », explique l’international français.
Il détaille ensuite la dimension collective prise avec Sampaoli de l’OM de l’époque : « On a pris énormément de plaisir avec sa philosophie de jeu. On avait le contrôle, on se sentait plein de force, mais ça passait par énormément de gammes répétées la semaine à l’entraînement. Chaque joueur savait exactement où il devait se positionner.
Avant de recevoir le ballon, chacun savait où les autres étaient sur le terrain, quels espaces il fallait attaquer. On a presque, parfois, su jouer les yeux fermés et on sentait que ça pouvait frustrer certains adversaires de ne pas réussir à nous récupérer le ballon, d’être obligés d’être repliés dans la surface. On a tous pris collectivement énormément de plaisir, mais individuellement, surtout, beaucoup de joueurs ont progressé. »
Pas une mince affaire avec des garçons ne se connaissant pas ou peu
La promesse a de l’allure, à lire les mots du milieu de terrain de la Lazio mais le chemin paraît terriblement long et encombré dans la capitale bretonne pour parvenir à pareilles déclarations dans quelques semaines. Les repères collectifs ne sont pas là, personne ne sait vraiment où il sera le meilleur et ou pire, s’il sera dans le onze de départ tant personne, depuis août, ne s’est octroyé cette certitude de par au moins une régularité à défaut de briller.
Le matériel est certes là pour le nouveau coach rennais, le Stade n’étant pas Le Havre ou Montpellier question effectif, mais pour autant, est-il en état de bien fonctionner ? C’est là que réside tout le travail d’un entraîneur qui doit d’abord laver les têtes et remettre tout ce petit monde en bon ordre de marche. Pas une mince affaire avec des garçons ne se connaissant pas ou peu. Côté joueurs, un mois et trois matchs en Ligue 1 pour prouver que quelque chose est encore possible avec eux, face à Saint-Etienne, Nantes puis Angers.
Côté staff, la perspective de passer décembre puis de repenser les articulations d’un effectif n’ayant pour le moment pas encore connecté. En conférence de presse, la direction rennaise comme le coach argentin assuraient et assumaient le fait de se préparer à être actifs sur le marché des transferts, déjà très animé l’été dernier. C’est indispensable, à condition de faire beaucoup mieux.
Le mercato, et après ?
A ce jour, aucune des recrues estivales ne s’est avérée être un vrai renfort sur la durée et si personne n’est à condamner, faute de temps passé en « Rouge et Noir », personne aujourd’hui ne peut prétendre à être indispensable, voir titulaire en puissance. Le sujet mercato sera donc capital, en janvier, pour définir la feuille de route écrite par Jorge Sampaoli et son staff. A Marseille, le sujet avait cristallisé les relations au point de sonner la fin de l’histoire.
A l’époque, dans l’équipe, l’entraîneur le plus tatoué de Ligue 1 racontait : « Le président a dit qu’il ne pourrait pas foncer tête baissée sur le marché et qu’il avait l’intention d’attendre la fin de la fenêtre estivale. Cette proposition ne me convenait pas. J’avais besoin de joueurs le plus rapidement possible afin de constituer l’équipe. » Pas là pour plaisanter, ni écorner le bilan d’une carrière plutôt réussie, le natif de Casilda sait ce qu’il veut, et devrait rapidement définir où il veut aller.
Aux joueurs désormais de prendre leurs responsabilités
Venu à Rennes avec un contrat de 18 mois, pourra-t-il pour autant s’inscrire dans la durée quand on connaît le contexte rennais et ses rebondissements réguliers ? Pas sûr, et pas avec cet effectif-là en tous cas… En juillet prochain, un nouveau projet sera mis en route, et son écriture a déjà commencé. Avec quels auteurs et quel fil directeur ?
Il est bien trop tôt pour être affirmatif dans la réponse à cette question primordiale mais la seule certitude est que l’histoire ne pourra exister que par un redressement immédiat d’une situation bien mal engagée. Un CV comme celui de Jorge Sampaoli n’est pas celui d’une équipe jouant le maintien et ça, c’est l’une des rares certitudes actuelles. Aux joueurs désormais de prendre leurs responsabilités après avoir vu président, directeur sportif et entraîneur tous remplacés en moins de six moins…