Dans le monde du sport, les transferts sont un moment à part. Qui recruter ? À quel poste et à quel prix ? Si les joueurs et les clubs sont des acteurs identifiés, l’agent de joueur agit dans l’ombre. Nous avons échangé avec trois d’entre eux, Xavier Kapfer (volley), Louis Trohel (basket) et Cyril Viudes (hand) à la découverte d’un métier souvent imaginé, rarement raconté.
« Il faut d’abord passer une licence d’agent. Il y a beaucoup de droits français et internationaux. On apprend aussi à connaître le fonctionnement des instances. Si tu détiens cette licence, tu peux travailler », introduit Xavier Kapfer, agent sportif licencié à la Fédération Internationale de Volley-Ball et ancien capitaine emblématique du Rennes Volley 35. Dans une licence qui se divise en deux parties, la seconde permet de se spécialiser dans un domaine. Si théoriquement, il est possible pour un agent d’exercer sur plusieurs sports, Louis Trohel, agent de joueurs affilié à la Fédération Française de Basket-Ball et lui aussi ancien joueur dans la capitale bretonne à l’Union Rennes Basket, tempère : « Selon moi, c’est trop risqué d’aller vers d’autres sports. Je suis passionné par le basket et c’est important de se spécialiser. D’autant plus quand il faut apprendre et maitriser les différents règlements fédéraux ». Une licence qui n’est cependant pas obligatoire partout, comme nous l’explique Cyril Viudes, exerçant dans le handball et licencié à la Fédération Française de Handball : « Concernant le handball, il n’y a que la France qui exige d’avoir une licence en Europe. Ce n’est pas vraiment réglementé dans les autres pays ».
Des disparités et des spécificités qui peuvent expliquer, en partie, la méconnaissance de la profession. Si nos intervenants ont tous pratiqué dans leurs sports respectifs avant de devenir agents de joueurs, tous ont souhaité mettre en avant cette connaissance du terrain : « C’est aussi la possibilité de rester dans un milieu que nous connaissons bien. Il faut se réinventer en fin de carrière et avoir une réflexion sur la suite. Quels bagages avons-nous ? En tant qu’ancien joueur, j’ai une certaine connaissance du handball et c’est plus facile au moment d’échanger avec les clubs, notamment lorsqu’ils ont des demandes spécifiques », poursuit Cyril Viudes, ancien pivot de Toulouse et Saint-Raphaël.
Xavier Kapfer : « Quand tu es agent, tu découvres aussi la pression des enjeux et pourquoi les clubs font tel ou tel choix »
Pourtant, tous n’étaient pas prédestinés à suivre cette voie. C’est le cas de Xavier Kapfer : « Je voulais continuer dans le volley mais je ne voulais pas être entraineur. D’une certaine façon, je ne voulais pas avoir la même vie que quand j’étais joueur. On m’a d’abord proposé d’être manager d’un club et l’idée m’a séduite, mais ensuite, j’ai voulu représenter des joueurs plutôt qu’une institution. Finalement, c’est ma femme qui m’a convaincu de devenir agent ».
Au moment d’embrasser cette reconversion, le réseau tissé durant la carrière est un avantage, tout comme le relationnel et l’investissement. S’il est possible de « commencer plus bas en allant taper aux portes des clubs », comme nous l’explique Louis Trohel, il concède également que « c’est plus difficile de cette façon ». Ancien joueur de Nationale 2, l’agent de basket s’est davantage développé au sein de sa structure. Ce qui lui a aussi permis de « viser des joueurs plus haut ». Les joueurs justement. Contacté pour l’occasion, le capitaine du REC Volley, Philippe Tuitoga, nous parle de sa relation avec ses agents : « J’ai connu mon premier agent via un ami. Nous nous sommes vus lors de plusieurs soirées et je lui ai finalement demandé ses services. Il devait parler de moi hors d’Île-de-France. Avec le temps, c’est aussi devenu un ami. Nous nous appelions de temps en temps pour prendre des nouvelles et j’en profitais pour lui soumettre mes souhaits pour l’année suivante. Être dans une ville agréable et le fait d’évoluer dans une bonne salle sont des choses importantes par exemple ». Une relation de confiance nécessaire pour collaborer, mais qui ne se fait pas d’un claquement de doigts. Xavier Kapfer va dans ce sens : « Quand tu veux signer un joueur, il faut d’abord faire connaissance et montrer des exemples. Ensuite, s’il signe, tu ne peux pas devenir meilleur ami immédiatement, ça se construit au fur et à mesure. Quand tu es agent, tu découvres aussi la pression des enjeux et pourquoi les clubs font tel ou tel choix. J’essaie d’expliquer cette partie-là à mes joueurs. Quand tu es volleyeur, tu ne penses qu’au sportif ».
Après plusieurs années avec le même agent, « Pippo » décide alors de changer de représentant : « Mon deuxième agent était davantage porté sur le côté financier et il faisait en sorte de trouver les meilleurs clubs, et c’est aussi ce que je voulais à cette période. Il prenait les propositions et ensuite je choisissais. Ça comprenait notamment l’appartement et le salaire, et lui bien sûr, il prenait sa commission. Néanmoins, je trouve que ça manquait parfois de transparence. Après, c’est quand même bien pratique d’avoir un agent quand on veut partir à l’étranger, il faut être logique. Dorénavant, je n’ai plus d’agent et je pense que ça arrange largement les clubs car ça enlève la commission. Il y a toujours une histoire d’argent en fond ».
Une bonne relation primordiale avec les clubs, même si chacun défend ses intérêts : « Dans le handball, ça va. Après évidemment, il y a des clubs qui râlent quand il faut rémunérer des agents, mais ils auraient aussi moins d’offres sans nous », détaille Cyril Viudes.
Louis Trohel : « J’arrive à en vivre très correctement mais il y a aussi de l’investissement »
De son côté, Bastien Demeuré, entraîneur adjoint à l’Union Rennes Basket, nous éclaire sur la relation entre les clubs et les agents : « La relation est bonifiée quand le joueur progresse. Les agents te le rendent derrière en parlant de ton club à certains joueurs et à l’inverse, si ça se passe mal, ils ne vont pas forcément te mettre en avant. C’est important d’avoir une bonne relation avec eux. Cela peut arriver qu’il y ait des coups bas, avec par exemple un joueur qui signe ailleurs, mais côté club, les dirigeants peuvent aussi décider de ne plus travailler avec tel ou tel agent. En basket, tu ne peux pas travailler sans agent sur les quatre premiers échelons. C’est une sécurité pour les joueurs et c’est indispensable. Dans notre sport, ce sont des contrats assez courts donc ça crée aussi moins de problèmes ».
Un travail de fond pour être en contact avec les différents clubs de l’hexagone et en dehors, mais aussi avec les joueurs. Louis Trohel, spécialisé sur les marchés belge et français, raconte : « En plus de la France et de la Belgique, je me déplace également à l’étranger pour voir mes joueurs. Même cet été, je suis allé sur quatre compétitions sur lesquelles mes joueurs évoluent. Tu prospectes aussi à ce moment-là. J’arrive à en vivre très correctement mais il y a aussi de l’investissement ». Et ça, ce n’est pas Xavier Kapfer qui dira le contraire, en conclusion : « La clé, c’est d’aller sur le terrain et de ne pas rester sur son ordinateur. Tu ne comptes pas tes heures et quand tu voyages, ce n’est pas du tourisme. Nous pouvons très bien en vivre mais il y a beaucoup d’appelés pour très peu d’élus ».