Les fans d’humour décalé se souviennent inévitablement de l’Instant norvégien, des Robins des Bois. Natif d’Elverum, Hakon Ekren n’est lui pas venu en Bretagne pour rigoler et compte bien marquer de son empreinte la Glaz Arena et pourquoi pas, le championnat. Attendu comme dépositaire du jeu cessonnais, l’occasion est belle pour lui de franchir un nouveau palier.
A l’instar de son compatriote Birger Meling, qui vient de quitter le Stade Rennais pour Copenhague, Hakon (prononcez Ooo-kone) Ekren n’est pas gêné avec la notion d’intégration ! Affable, parlant impeccablement le français, courtois et un brin déconneur, même s’il attend de connaître un peu mieux le vestiaire breton pour savoir qui taquiner, le nouveau demi-centre des Irréductibles a tout pour plaire dans son nouveau club. Et réciproquement : « J’arrive dans un club au-dessus de ce que j’ai connu en France, confirme l’intéressé. Ici, il y a tout pour bien faire, progresser et j’ai hâte de découvrir le public. J’aime jouer avec lui lors des matchs, le sentir à nos côtés. La vie à côté du handball me paraît très plaisante, j’ai déjà pu visiter Saint-Malo, le Mont Saint-Michel, découvrir la côte, c’est très sympa. »
Une adaptation éclair et déjà réussie, ce qui est une vraie bonne nouvelle, même si le garçon n’est pas venu faire du tourisme en Bretagne. Un environnement aussi différent, à coup sûr, d’Elverum, où naît Hakon il y a 29 ans, petite ville de 20.000 âmes, au sud-est de la Norvège proche de la frontière suédoise. Forêt, temps sec et enneigé rythment ainsi l’enfance du garçon rapidement au chaud dans les gymnases : « J’ai toujours fait du handball, j’y suis venu assez naturellement. Dans la famille, mes deux frères y ont joué à bon niveau, mon père en amateur et mon oncle a été pro. Ma mère, elle, a été championne de Norvège au lancer de javelot et mon grand-père au lancer de disque. »
Les bras prédestinés à prendre de l’épaisseur, la tête bien faite, le cocktail est tout désigné pour filer vers le handball, dans la ville natale s’il vous plaît, évoluant dans l’élite norvégienne, dont il est le club le plus titré. Un club où évolua aussi récemment un certain Luc Abalo : « Ce fut une fierté, un grand bonheur d’évoluer dans ma ville, chez moi. En Norvège, cependant, le niveau est élevé sur trois à quatre clubs, mais pour le reste, c’est un peu moins le cas. J’avais le souhait de vivre une expérience à l’étranger. Là-bas, les sports de neige comme le biathlon ou le ski dominent le reste. Après six ans avec l’équipe fanion en D1, plusieurs titres, j’ai choisi de partir pour grandir. »
La connexion entre Nicolas Tricon, alors coach de la JS Cherbourg et le coach d’Elverum, crée le contact et l’agent du joueur se charge du reste. En route pour la France !
« Je veux m’imposer en Starligue ! »
A l’été 2019, Hakon déboule ainsi dans le Cotentin et change de vie : « J’avoue, ce n’était pas évident au départ. J’ai été bien accueilli mais c’est compliqué d’aller faire ses courses, de se faire comprendre quand on ne parle pas un mot de français. Je m’y suis mis assez vite mais il y a eu un stop, avec le Covid six mois plus tard. Je suis reparti pour le confinement chez moi, à Elverum. Quand je suis rentré, il y avait toutes ces règles, on restait tous chez soi, il n’y avait pas de public, ça n’a clairement pas été facile… »
Avec 46 matchs disputés chez les Mauves, le demi-centre norvégien, qui a évolué avec Sagosen en équipes jeunes de Norvège, s’adapte au hand français et fait sa place en Proligue. Sélestat le repère et le recrute, en 2021, avec son compère Kristian Erstad, arrivé un an plus tard à Cherbourg à ses côtés après être aussi passé par Elverum : « On se suit depuis un bon moment ! Cela crée des liens, forcément, nous nous entendons bien et avons aussi beaucoup d’automatismes sur le terrain. Dans la vie de tous les jours, aussi, nous avons aussi passé pas mal de temps ensemble, même s’il fallait s’adapter. Nous allons aussi beaucoup vers les autres, c’est indispensable pour bien s’intégrer. »
Dans l’Est de la France, Hakon Ekren passe deux nouvelles saisons assez dingues. La première se termine par des Playoffs inattendus, où Sélestat, cinquième de la saison régulière, valide une montée surprise, mais aussi compliquée à assumer ensuite : « Nous sommes arrivés en Starligue sans être préparés pour cela, le recrutement fut tardif et notre effectif très jeune, trop sans doute pour réussir à survivre dans l’élite. En première partie de saison, je crois que nous perdons huit fois avec un ou deux buts d’écart, mais nous perdons… Le retard était trop important même si nous avons fait une très belle poule retour. »
Au cours de celle-ci, les Alsaciens viennent climatiser les Irréductibles à la Glaz, pour la reprise (28-29) : « Ce match reste un immense souvenir, nous avions tout donné et arraché la victoire sur le fil. L’ambiance était très belle et à ce moment-là, j’avais déjà signé à Cesson… »
Une signature qui ne l’empêche pas de faire étalage de sa qualité de vision de jeu, de ses passes cachées, d’une vraie capacité à prendre les décisions sans tergiverser. Le pragmatisme à la norvégienne, une recette parfaitement maîtrisée, désormais au service du CRMHB : « Mon ambition en venant en France était claire : m’imposer en Starligue. A Cesson, je suis impressionné chaque jour par la qualité de mes coéquipiers, de nos séances, il y a vraiment matière à très bien faire cette saison. »
Très attendu pour son profil jusque-là non pourvu dans l’effectif breton, Hakon Ekren reste serein, imperméable à la pression : « Pour le moment, je ne suis pas encore à 100%, la faute aux restes d’une blessure au grand pectoral, mais j’ai hâte d’être totalement prêt, afin d’attaquer, bien sûr, mais aussi de défendre. Je veux tout donner pour mes couleurs et j’ai hâte de gâter les copains en bons ballons. Je préfère largement une passe décisive à un but. Nous avons de très bons tireurs, je pense que nous avons de très belles choses à vivre. » Celles-ci seront sûrement partagées avec les collègues en après-match et dans le Sud du côté de Toulon, où Elise Skinnehaugen, compagne du joueur, a signé en LBE, rejoignant aussi l’élite française du handball : « C’est déjà moins loin que la Norvège », s’amuse le joueur, désireux aussi de faire découvrir à ses nouveaux coéquipiers quelques spécialités norvégiennes : « Je compte bien initier les gars à l’Akevit, une petite liqueur d’alcool norvégienne que boivent les anciens chez nous, après un repas bien chargé et bien gras. Nous aurons quelques petites occasions. J’aime aussi cuisiner et j’attends les gars sur la console. Je joue beaucoup avec mes amis norvégiens en réseau, je suis entraîné. » Reste à savoir si au moment de jurer ou de chambrer, le joueur choisira sa langue natale ou le français. De quoi vivre de sacrés instants norvégiens !