Son histoire d’amour avec le rugby brétillien n’est donc pas finie. Expatrié dans la charmante Sarzeau dans le Morbihan, Yann Moison a repris du service en ce début d’année 2023 aux côtés de Martin Lagarde. Un retour sur les bords de touche aussi inattendu qu’apprécié. Entretien.
Six ans et demi après avoir quitté Beuffru, vous revoici de retour au Rheu. Peut-on même dire « à la maison » ?
A la maison, je ne sais pas mais je m’y sens bien, entouré de gens que j’aime, ça, c’est certain. Je suis un affectif, je fonctionne beaucoup avec cela et quand le président Julien Kervarrec, que j’ai entraîné, m’a contacté, je n’ai pas hésité longtemps, surtout que je retrouvais aussi Martin Lagarde et Anthony Quemerais, que j’ai eus en jeunes puis en seniors. Si ça n’avait pas été eux, franchement, je ne revenais pas…
En quoi ce club est-il particulier à vos yeux ? A-t-il changé depuis votre denier passage ?
J’ai passé beaucoup de temps ici, alors oui, des têtes ont changé, forcément, mais l’identité et l’ADN sont toujours là, intacts, transmis de génération en génération avec des joueurs qui deviennent dirigeants et ainsi de suite. Je pense que Le Rheu est le seul club du secteur où l’on ressent une telle culture rugby. Les couleurs sont là, de nombreuses photos sont affichées dans le club house, témoins des époques qui défilent. Ces visages sont garants de l’Histoire. Il y a une notion d’héritage qui est précieuse et palpable et si le club a évolué, avec le synthétique, de nouveaux vestiaires et plein d’autres choses, il n’a pas changé dans son âme, dans ses valeurs de combat et de partage. A la question “est-ce qu’il doit changer ?”, franchement, je n’en suis pas sûr, ce qui n’empêche pas du tout d’évoluer et de progresser.
La progression doit-elle se caractériser par une montée à terme en Fédérale Une ?
On ne va pas se mentir, même si cela ne plait pas toujours, en constatant que lors des deux dernières années, 38 clubs de F2 sont montés en F1. Avec la refonte des divisions, celle-ci correspond aujourd’hui à la Fédérale 2 où nous nous affrontions avec le REC. Nous devons revenir à ce niveau de jeu-là, y prétendre en prenant le temps d’être prêts pour y être compétitifs. Pour cela, la formation reste au centre du débat mais reste aussi un domaine où performer relève de l’exploit.
C’est-à-dire ?
A ce jour, sur le bassin rennais, la vérité, c’est que nous avons à peine 80 joueurs en U18… Que voulez-vous faire dans ce cas-là ? Sortir des joueurs est ultra compliqué, ou alors en post formation mais on voit qu’il s’agit avant tout d’un problème de culture. En Bretagne, le rugby existe mais n’est pas culturel, et sincèrement, ça ne changera probablement pas. Cela n’empêche pas de bosser, et plutôt bien, que ce soit à Rennes, chez nous ou ailleurs. Faire très bien avec très peu, c’est fort. Mais ce n’est sans doute pas suffisant à long terme.
En parlant de Rennes, votre départ s’est opéré en toute discrétion. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez quitté le REC ?
Les choses se sont faites progressivement. Au moment du Covid, j’ai eu un échange avec Jean-Marc Trihan, le président, où je lui ai expliqué que j’envisageais d’aller vivre à Sarzeau et que je ne pourrais plus, par conséquent, être aussi présent au quotidien. Or le poste de manager nécessitait d’être là à plein temps. Je sentais qu’on basculait sur un fonctionnement qui n’allait plus me convenir, d’autant que je suis toujours resté professeur à la Fac, afin de ne dépendre que de moi-même. Il m’a proposé de prendre la direction sportive. J’ai accepté et bossé sur ce poste deux ans mais le terrain me manquait, ce n’était pas pareil et le constat fut le même en fin de saison 2021-2022, avec un besoin pour le club de quelqu’un à 100 % opérationnel au quotidien. Nous avons alors décidé d’arrêter là, au moment où le club remportait le titre de champion de France.
Ressentez-vous une frustration de ne pas avoir été de ce moment historique ?
Je mentirais si je disais le contraire. Bien sûr, c’est frustrant, c’est dur mais j’étais surtout très heureux pour les joueurs, les dirigeants, tout ceux qui ont œuvré pour ce moment magnifique. Ce n’est pas rien, d’être champion de France au cours d’une carrière. Je suis parti en bons termes avec le staff et les dirigeants.
Pas avec celui qui était votre adjoint, Kévin Courties ?
J’ai sans doute ma part de responsabilité dans ce qui s’est passé, mais probablement que je ne suis pas le seul. Le passage de témoin ne s’est pas bien passé, c’est ainsi. Quand Jean-Marc m’a demandé si Kévin était prêt à prendre la suite, je lui ai dit que oui, sans hésitation, qu’il pouvait y aller. J’ai un côté ours, oui, je ne m’ouvre pas facilement et là, j’ai été blessé, très malheureux humainement. Malheureux, le mot est fort car nous étions ensemble depuis 2012 (ndlr : au Rheu puis au REC). Je crois qu’il ne faut jamais oublier d’où l’on vient, nos parcours, afin de garder le cap et d’entraîner en toute humilité. Ce sont les joueurs qui font les entraîneurs et non pas l’inverse. Pour autant je leur souhaite vraiment d’aller chercher une grosse fin de saison, avec le maintien.
Revenons au Rheu. Votre retour est-il uniquement temporaire sur cette fin de saison ou à plus long terme ?
Pour le moment, je vis au jour le jour. Je suis là pour être adjoint de Martin, avec la charge des trois-quarts. Je le répète, je suis venu car ce sont eux qui m’ont appelé, Julien, Martin, Anthony, notamment. C’est l’amitié qui nous lie et qui donne l’envie de faire 260 km aller-retour trois fois par semaine pour les entraînements et de repasser mes week-ends en bord de terrain, même si j’avais pris goût aux week-ends de repos. Je peux vous dire où se trouve chaque radar ou station essence (rires) ! Là, je commence à connaître tous les prénoms, à retrouver les sensations et nous verrons bien la suite… L’objectif, c’est d’aller chercher la quatrième place et de ramener des phases finales à Beuffru. Le reste, nous le verrons en temps et en heure. J’ai 54 ans et la notion de plaisir, de construction, seront la priorité sur les orientations que nous prendrons. Mais pour le moment, place au jeu.