Arrivé il y a onze ans à Rennes où il évolua trois ans à Cesson avant de rejoindre le CPB, Emmanuel Marty, 28 ans, va retrouver sa région occitane l’été prochain tout en laissant son équipe dans le premier tiers du classement. Petit coup d’œil dans le rétro à quelques semaines du départ avec déjà, de l’émotion et le bonheur affirmé d’avoir vécu tout cela.
Au chaud dans le premier tiers du classement, le CPB vit une saison beaucoup plus tranquille que l’an passé. Qu’est ce qui a changé entre ces deux saisons ?
La première raison, c’est l’essence même du sport dont la vérité varie d’une saison à l’autre. L’an passé, nous n’avions pas été épargnés par les blessures, la dynamique était plus compliquée. Cette année, nous avons connu un vrai rebond, c’est vrai, nous avons redoublé de travail et nous nous sommes remis en cause, moi le premier. Les apports des recrues enfin, sont primordiaux. Tanguy Cherel a apporté son expérience et sa sérénité.
Il rassure notre jeunesse avec sa qualité et son calme, et la paire sur la base arrière avec Hugo, qui revenait aussi, a stabilisé notre formation. Nous avons aussi connu moins de pépins physiques, Alex Vu est revenu à son meilleur niveau tandis qu’Hugo Fayard, alias « la faille », a réussi une grosse saison en pivot. Avec tout cela mis bout à bout, voilà une vraie belle saison que nous allons essayer d’achever le plus haut possible.
Peut-on dire que l’anomalie était de retrouver le CPB Hand en bas de tableau l’an passé ?
Peut-être, oui, même si notre classement était celui qu’il devait être. Après, s’il s’agissait d’une anomalie, je dirais qu’elle a fait du bien, malgré tout, car elle a permis de redéfinir le plaisir de gagner, la difficulté de construire une victoire. Peut-être l’avions nous un peu perdu, entre le passage d’une génération à une autre et l’acceptation d’être dans cette poule géographique plutôt que sur la poule « Elite » de N1.
Quelque part, cela a peut-être été un mal pour un bien avec une vie pro et une vie handball aujourd’hui plus facile à vivre et à concilier de par des déplacements moins lointains et éprouvants. Pour l’avoir vécu, je vois bien que cela apporte plus de fraîcheur sur la durée. Il a fallu digérer mais aujourd’hui, nous avons trouvé notre rythme et notre place, et surtout, retrouvé cette joie et ce plaisir de gagner, tout en mesurant à sa juste valeur la difficulté d’y parvenir.
« Quand plusieurs arbitres te font la même remarque… »
A titre individuel, qu’as-tu changé dans la méthode et ton coaching ?
J’ai pris, je pense, en maturité. Il a fallu aussi prendre du recul, notamment dans ma relation aux arbitres. Plusieurs duos m’ont mentionné que j’étais sans doute trop virulent, qu’ils se sentaient agressés. J’étais peut-être encore trop joueur dans l’âme et il est vrai que je ne suis pas vraiment passif sur mon banc. Quand plusieurs arbitres te font la même remarque, tu te remets en cause et comprends que quelque chose doit changer. Je m’y suis attaché.
Côté groupe, j’ai compris comme nous le disait souvent Pierre Le Meur que faire un choix, c’est exclure. La gestion d’un groupe senior et de ses égos, ce n’est pas simple mais il faut faire adhérer les garçons. J’ai d’ailleurs une grosse pensée pour Marin Legendre, un gamin que nous avons vu passer des jeunes au groupe N1, qui ne sera pas conservé l’an prochain.
Ce n’est jamais simple de « décider ». Mais pour revenir à la saison, le groupe a très bien fonctionné, respecté les choix et nous avons pu développer de nouvelles tactiques, notamment la défense étagée et sortir de notre zone de confort. Après, l’audace ou les « coups » ne sont validés que par un groupe qui adhère. Un coach qui décide tout seul, qui n’a pas ses gars avec lui, ne peut pas réussir.
As-tu douté à l’issue de ta première saison compliquée à jouer le maintien ?
J’ai surtout beaucoup appris. Sur moi, sur le hand, dans ma relation aux autres. Quand tu es coach, tu es jugé en permanence, par ceux qui connaissent mais aussi ceux qui ne connaissent pas… Il y a eu des matchs où les joueurs m’ont indiqué que je m’étais trompé, que les choix faits, ce n’était pas moi.
Cette franchise et cette qualité de relation font avancer. La confiance entre nous tous était là, joueurs, staff ou dirigeants, et dans les victoires d’aujourd’hui se trouvent sans doute aussi quelques défaites de l’an passé. J’ai eu des soutiens écrits et oraux des joueurs et croyez-moi, ça compte !
Pourquoi as-tu choisi de quitter le CPB à l’issue de ta deuxième saison à la tête de l’équipe une ?
Avant toute chose, je veux remercier le Cercle de m’avoir fait venir après trois années passées à Cesson, de m’avoir aidé à me construire professionnellement, en me donnant durant mes huit années passées ici une mission différente chaque saison. J’ai vraiment pris goût au coaching, avec notamment un déclic avec l’équipe U15 féminine.
J’ai su que je deviendrais entraîneur avec elles. A côté de cela, j’ai aussi pu rencontrer beaucoup de jeunes, j’ai pu intervenir dans les quartiers, à la prison des femmes. J’ai appris, beaucoup, vu la vie de tous les jours, grandi comme coach, mais aussi comme homme, au fur et à mesure. Pour tout cela, je serai éternellement reconnaissant au club et à tous ceux qui m’y ont fait confiance.
Pour ce qui est des raisons de mon départ, je dirais simplement que je quitte une famille de cœur pour rejoindre ma famille de sang. J’ai envie de retrouver mon sud natal, mes proches et j’avais aussi besoin de cette période et cette zone d’imprévu. Je quitte Rennes aujourd’hui mais c’est évidemment devenu ma maison et je vais suivre le CPB de très près, même à distance.
Peux-tu nous ressortir quelques grands moments de ta belle aventure rennaise ?
Il y en a tellement… Les déplacements déjà, à l’évidence, quand j’étais joueur, c’était dingue. Celui pour jouer Rodez avec ensuite une soirée à Toulouse est resté dans les mémoires. Thomas Ruellan ne m’en voudra pas mais ce soir-là, les gauchers avaient vraiment été nuls (rires) ! Les trajets en avion, c’était aussi quelque chose et certaines caisses noires resteront aussi magistrales. Après si l’on parle des mecs les plus dingues ou drôles, Olivier Laz me vient évidemment en tête, avec son humour potache mais aussi son importance dans un groupe.
Dans son style, Gautier Morvan était aussi assez fort ! En gars parfait, mon Gwendal Thouminot est là mais manque quand même un peu de muscles. Le plus fort, c’était Nicolas Lemonne. Que j’ai été heureux de ne pas être ailier ! Ceux-ci, sur un entraînement, pouvaient ne pas marquer un seul but. Sur les tirs de loin, je ne comprends toujours pas comment il faisait…
Quel joueur avec qui tu as joué aurais-tu détesté avoir face à toi ?
En mode énervant, JB Laz, c’était quelque chose et aujourd’hui Antoine Le Berre qui niveau chambrage, est un cas. Ces deux-là parlent, parlent et franchement, il valait mieux que je joue avec eux (rires) !
« Le club reste fidèle à sa culture de former et promouvoir ses éducateurs. Lucas est un super mec. »
Ton passage à Cesson te laisse quelques souvenirs impérissables ?
J’ai peu joué, je n’avais pas le niveau, tout simplement, pour évoluer en Starligue mais j’ai 7 ou 8 feuilles dans l’élite. J’ai mis mon premier et seul but contre Sélestat donc forcément, ça ne s’oublie pas ! Je me souviens aussi d’un énorme fou rire sur un match à Caraty. J’avais peu d’entraînement avec l’équipe et Ragnar Oskarsson, qui était l’adjoint de Yérime Sylla, vient m’expliquer une dizaine d’enchainements en dix minutes à peine avant le match.
Autant vous dire que ça ressortait aussi vite que ça entrait. J’entre en jeu, j’ai le ballon, une combinaison est annoncée. Je vois Sylvain Hochet qui démarre et quitte l’aile mais je lui envoie quand même le ballon, qui finit péniblement en touche… Là, je me suis vraiment demandé ce que je faisais là…
Un dernier mot sur la suite dans le handball, tant sur ton successeur, Lucas Vax que sur tes projets personnels sur les terrains ?
Concernant Lucas, le club reste fidèle à sa culture de former et promouvoir ses éducateurs. Lucas est un super mec, on a eu l’occasion de bosser ensemble et il a pu venir avec le groupe sur certains matchs, afin de s’imprégner de ce vestiaire. Je ferai mon maximum pour lui donner un maximum d’informations et de clés mais je sais qu’il va très bien se débrouiller.
Comme il l’a dit, il est prêt. C’est un autre style mais je suis convaincu qu’il a tout pour réussir. Pour ce qui me concerne, j’envisage peut-être une petite pause handball et coaching, sauf si une opportunité venant avec un projet pro se présentait. J’aimerais bosser dans une enseigne de sport et découvrir la vie active hors sport.
Je n’exclus pas non plus de revenir sur le terrain, si cela est conciliable et même s’il faudra bosser dur pour retrouver le niveau ! L’un de mes meilleurs potes coache Balma en N3 et nous nous sommes toujours dit qu’il serait sympa, un jour, d’évoluer ensemble. Alors nous verrons bien…