Après trois ans passés au SGRMH et plus d’une décennie à arpenter les salles de handball, Charlotte Satgé a choisi de dire stop en fin de saison. Les blessures, sa passion du hand, les rencontres et l’envie de passer à autre chose, l’ex-capitaine des « Noir et Rose » dit tout avant de partir vers de nouveaux horizons avec malheureusement, une dernière blessure pour conclure.
Trois ans après avoir quitté ton Sud natal et tant aimé, l’heure arrive de laisser la Bretagne derrière toi. Quelles émotions te traversent ?
Ce n’est pas tout à fait pareil mais il y aura aussi beaucoup d’émotions, de larmes, forcément. Quand j’ai quitté le sud pour la première fois de ma vie, en laissant tous mes proches, ce n’était vraiment pas facile, il y avait de l’appréhension mais j’ai été si bien accueillie ici que je me suis très vite sentie très bien et à l’aise.
En trois ans ici, j’ai vécu tant de belles choses sur comme en dehors du terrain que je me sens un peu Bretonne d’adoption, désormais. Je me suis fait ici des amies pour la vie, bien au-delà du sport, qui resteront. La région, elle, est magnifique et si je ne sais pas aujourd’hui où je vivrais ensuite, il y a réellement débat aujourd’hui entre ici et chez moi !
Le rideau désormais tiré sur ta carrière après cette ultime blessure à l’épaule contre Noisy, que souhaites-tu faire ?
Depuis que j’ai commencé les jobs d’été, plus jeune, j’ai mis de l’argent de côté, petit à petit, avec ce souhait et ce rêve ancré en moi de voyager. Je prépare un tour d’Asie qui débutera en septembre, avec mon copain, et le souhait de découvrir de nombreux pays, de vivre cette aventure qui m’a toujours animée. J’aurais aimé terminer sur les terrains mais c’est ainsi…
Que retiens tu de ces années passées sur les terrains ?
Beaucoup d’émotions, personnelles comme collectives, un accomplissement dans la pratique du sport, la performance, le fait d’être parvenue à évoluer jusqu’en deuxième division alors que cela était loin d’être acquis au départ pour moi. On m’avait toujours fait comprendre qu’avec mon gabarit, ce ne serait pas simple.
En venant faire mes études ici à Rennes, j’ai eu la chance de pouvoir intégrer le SGRMH. Avant, je n’avais évolué qu’en Nationale Une au mieux et j’arrivais chez les « Roses » pour évoluer avec la N1 et peut-être, challenger une place dans le groupe de D2. Je suis parvenue à m’y faire une place, même à devenir capitaine, ce qui restera quelque chose de fort.
« Je n’oublierai jamais le match disputé à la Glaz Arena »
Des victoires ou des défaites ressortent-elles instantanément, en regardant dans le rétro ?
Il y a eu ces maintiens, avec les victoires comme les défaites ressenties de façon décuplées. Je n’oublierai bien sûr jamais le match disputé à la Glaz Arena. Je m’étais fixé comme challenge d’y prendre part, de rentrer sur ce parquet même si je n’avais que très eu de temps de jeu dans les jambes. J’étais dans le dur, avec toutes les blessures.
Mes parents, qui m’ont toujours accompagnée et suivie tout au long de ma carrière, étaient là. Le moment était idéal pour leur dire merci à tous les deux, pour tout ce qu’ils m’ont offert. Pouvoir entrer fut quelque chose d’indescriptible pour moi. Ce moment restera à part, au chaud.
Je n’oublie pas non plus la défaite à domicile contre Bègles et la terrible blessure de ma pote Manon Sol, qui se fait les croisés alors qu’elle revient d’une rupture à l’autre genou. C’était terrible et on m’a alors confié le brassard. Il y avait une vraie fierté dans ce moment compliqué : voir cette confiance que l’on me donnait et à la fois une immense tristesse pour ma pote. Ce mélange-là restera aussi un moment très fort.
Appréhendais-tu de raccrocher pour de bon les baskets, de quitter la scène…
Cette question m’a longtemps hantée, je me suis très souvent demandé qui je deviendrais le jour où j’arrêterai. Où trouverai-je l’adrénaline de la compétition, des objectifs, des émotions fortes ? Moi sans le hand, qu’est ce que cela pouvait donner ? J’ai fini par trouver les réponses au gré de discussions et de temps passé avec des proches qui vivent tout cela dans le sport sans pour autant être dans la compétition, dans un collectif. Le sport peut devenir un plaisir sans contrainte, sans entraînement, tout en se challengeant soi-même, en repoussant ses propres limites. Une fois cela compris, j’étais prête.
Prête à dire stop, après une troisième année en Bretagne vraiment difficile ?
Clairement, je pense que cette saison a été la pire de toute ma carrière sur le plan personnel. Blessures, rechute, pépins, rééducation et à chaque fois, se remettre à fond dans la rééducation, la récup’, tout donner pour revenir et de nouveau, être arrêtée… La dernière blessure au mollet a été celle de trop, celle où j’ai senti que mon corps m’envoyait des stops que je ne pouvais plus ignorer…
Sans parler de la dernière à l’épaule fin avril… Avant Saint-Grégoire, j’avais déjà eu les deux croisés, d’autres blessures sérieuses. J’ai déjà des séquelles qui resteront à vie et je ne pouvais pas aller plus loin, abimer plus encore mon corps. Je n’ai que 27 ans, toute une vie qui est encore devant moi et quand je vois mes parents qui continuent de s’éclater au travers du sport à la soixantaine, cela me donne l’envie d’en faire de même.
En continuant ce rythme de folie entre travail en alternance, études et entraînement, puis compétition le week-end, je sentais bien que ce n’était plus possible. Sans compter que pour être joueuse pro ou semi-pro, contrairement au sport masculin, il faut se battre aussi hors du terrain…
« Dans le sport féminin, il faut aussi se battre hors du terrain… »
C’est-à-dire ?
Si le club a toujours été attentionné vis-à-vis de moi comme des autres joueuses, ce ne fut pas le cas en dehors. Je n’ai bénéficié d’aucun aménagement d’emploi du temps, ni par mon école d’ingénieurs, ni par mon employeur. Mon activité sportive n’a pas été considérée comme une activité professionnelle et je devais assumer effectivement sans aide.
Je suis dégoûtée d’avoir eu à me justifier de pratiquer le hand au haut niveau. Il y a encore beaucoup à faire pour la reconnaissance des statuts semi-pro ou pro chez les filles, une fois que nous sommes hors du terrain. Néanmoins, je retire aujourd’hui une fierté d’être allée au bout de moi-même, de mes capacités et de n’avoir jamais dérogé à mes principes et mes valeurs. J’ai réussi à jouer en D2, je suis même devenue capitaine alors que je ne l’imaginais pas.
A l’heure du départ, on distribue les mercis mais aussi les dossiers. Tu n’y couperas pas…
Pour ce qui est des remerciements, je ne vais pas citer tout le monde car cela prendra trop de temps et je ne veux oublier personne. Je ne peux cependant pas omettre de glisser un merci tout particulier à Julien Tessier, notre kiné, avec qui j’ai passé beaucoup trop de temps cette année et qui a toujours été adorable et d’un soutien précieux, comme un ami, dans tous ces moments très difficiles. Question dossier, je suis prise de court mais il y en a tellement (rires)…
En bonne supportrice de l’OM que tu es, il y a forcément quelques chambrages possibles ?
Ah si vous me parlez de foot, là, évidemment, il y a de quoi faire. Déjà Anaëlle Fontaine qui est une fervente supportrice du Stade Rennais… mais aussi du PSG ! A un moment, ce n’est pas possible, dans la vie, tu n’es pas à la fois pour l’un et l’autre mais bon avec elle, tout est possible (rires) ! C’est devenu une amie pour la vie, tout comme Eden Dumoulin, qui a été mon pilier ici.
Elles sont capables de dingueries que vous n’imaginez même pas… Je retiens aussi les petits foot mis en place le lundi soir à l’entraînement pour s’échauffer. Emma Seddiki et Mathilde Mélique, c’était quelque chose ! « Matou » avait les deux mains sur le terrain question hand, mais au foot, elle n’avait aucun pied !
Question bonne humeur, je pense aussi à JP (ndlr : Jean-Paul Sagnal, entraîneur des gardiennes) et sa bonne humeur communicative et à toutes les joueuses que j’ai côtoyées ici, avec une mention pour Lili Herenger, qui était fantastique dans la vie d’un groupe comme en dehors, à l’image de tout un club qui restera gravé dans mon cœur.