La culture de l’instant en a eu pour son grade ! Alors que de nombreux observateurs voyaient l’Europe impossible ou presque fin avril après un énième revers à l’extérieur ultra-décevant à Montpellier, les « Rouge et Noir » sont allés chercher le meilleur strapontin, le mieux adapté, pour terminer quatrièmes et composter un sixième billet européen de rang au bout d’une saison aux mille visages !
La délivrance ce samedi 3 juin aux alentours des 23 heures était à la hauteur de l’attente mais aussi du stress engendré. L’angoisse de passer à côté de l’embarquement pour l’Europe, de ne pas avoir un passeport à jour pour voyager de nouveau aux quatre coins du Vieux Continent, comme lors des cinq dernières années. Déjà obligé de forcer son destin en réussissant un « Perfect » sur ses quatre derniers matchs, avec un retard au soir de la 34ème journée de huit points sur Monaco et quatre sur Lille, le Stade Rennais n’a pas tremblé et profité au passage d’un alignement des planètes avec le naufrage princier et l’inconsistance lilloise au moment de conclure. Avec, comme un symbole, Benjamin Bourigeaud en double buteur à Brest, comme pour ravir on ne peut plus les supporters rennais, ravi de tout oublier et tout effacer avec les émotions d’un final réussi. La fameuse culture de l’instant dira que tout va bien, Madame la Marquise, mais l’histoire ne fut pas si simple, loin de là, au-delà du dénouement heureux et mérité.
Cette saison restera donc comme celle de nombreux records, avec un Stade Rennais qui continue de grandir, à son rythme. Celui du nombre de points, 68, qui bat le précédent de 66, datant…d’un an, soit la preuve du très bon travail réalisé par Bruno Genesio, meilleur entraîneur du SRFC à la moyenne de points. Record aussi, du nombre de victoires sur une saison, avec 21 succès contre 20 la saison passée. Record, enfin, du nombre de matchs sans défaite, porté à 17 à l’automne dans une période où les « invincibles » ont offert par instants la perspective d’aller chercher, pourquoi pas, une saison du calibre de celle des « Sang et Or », espoir éteint par une coupe du Monde ayant coupé un élan exceptionnel.
Trop de points perdus face au Top 8
Avoir goûté à tant de victoires et de bonheur jusqu’en novembre a forcément ouvert les appétits, et le régime sec appliqué après le Mondial avec des résultats en dents de scie à parfois mené à de petites indigestions, rendant bien difficile une critique juste et objective de la saison rennaise chargée en contrastes au-delà de l’issue idyllique de Brest, le 3 juin dernier.
Capable de battre le PSG à deux reprises, sans concéder de but, le Stade Rennais a néanmoins butté face au top 8 de Ligue 1 : zéro pointé contre Lens, un point face à l’OM, trois contre Monaco, un face à Lille, trois contre Lyon et trois contre Clermont, soit 17 points au total sur 42 possibles… Il a aussi connu des ratés où la manière laissa fortement à désirer à Reims, Clermont, Lorient, Toulouse, Nice et Montpellier. Sur le volet de l’amertume, impossible d’omettre l’aventure européenne, parsemée ici et là d’un vrai goût d’inachevé, avec les deux remontadas subies face à Fenerbahçe et surtout, l’élimination en barrages face au Shahktar Donetsk, ensuite balayé par Feyenoord en huitièmes de finale (7-1) tout en ayant proposé d’excellents passage à l’image de la première mi-temps de rêve proposée en Turquie face au Fener.
Le trio Cloarec -Maurice-Genesio a rempli son objectif de qualification européenne en renforçant un peu plus encore l’identité de l’équipe.
Souffler le chaud et le froid, voici ce à quoi les amoureux du Stade Rennais ont été habitués cette saison. Comme après un triste nul à Auxerre où Bruno Genesio lui-même eut des mots durs pour réveiller ses joueurs ou à Montpellier, dans un match perdu en supériorité numérique… A contrario, une très grande fierté, légitime, était ressentie après les victoires face à Paris ou Monaco, lors de l’avant-dernière journée dans un match à enjeu maximal ou lors des victoires dans les derbies remportés face à Nantes et Brest, avec l’importance que l’on sait pour le dernier disputé à Françis Le Blé.
Les émotions, positives comme négatives, sont le moteur même de la passion qui lie un supporter, un suiveur, à son club. Elles n’ont pas manqué, grâce notamment au jeu proposé par Bruno Genesio, l’homme qui ne faisait pas ou très peu de matchs nuls, qui aime marquer un but de plus que l’adversaire. Une philosophie gagnante, même si parfois un peu perdue en route lors des passages à trois axiaux, qui continue de convaincre et qui doit perdurer, au-delà d’une quelconque période sans points, comme tous les clubs en connaissent. Pour avoir su rester droit et uni quand le bateau tanguait sur le terrain des résultats, le trio Cloarec -Maurice-Genesio a rempli son objectif de qualification européenne en renforçant un peu plus encore l’identité de l’équipe et en validant sa politique sportive orientée sur un alliage expérience-jeunesse. Celui-ci a ses avantages, comme l’explosion de gros potentiels comme Jérémy Doku, Adrient Truffert, Warmed Omari, Désiré Doué, Lorenz Assignon ou Jeanuel Belocian pour ne citer qu’eux, assurant la pérennité financière du club à court et moyen termes. Il a aussi ses limites, avec parfois, un manque de vécu qui ne s’achète pas dans les moments clés où le Stade Rennais aurait sans doute pu mieux se sortir d’affaire avec un poids des années plus élevé, comme le concéda à plusieurs reprises Bruno Genesio. Si ce bémol est un prix à payer pour vivre chaque année pareille saison, gageons que la communauté « Rouge et Noir » signera sans problème pour les mêmes émotions la saison prochaine, avec si possible, une petite épopée européenne ou en coupe de France pour ajouter la touche de frisson supplémentaire. Oui, l’exigence est désormais partie intégrante d’un club installé à la table des grands du championnat.