JRS54 – Velo – Warren Barguil « En mission pour une victoire d’étape sur le Tour ! »

A 30 ans, le coureur natif d’Hennebont, leader de son équipe Arkea Samsic aux côtés de Nairo Quintana, attaque avec le plein de confiance les dernières semaines avant un Tour de France 2022, synonyme d’ambitions personnelles et collectives. Au cœur de sa préparation en Espagne, en Sierra Nevada, avant les courses bretonnes lui tenant à cœur, il s’exprime sans langue de bois.

Comment juges-tu le début de saison, collectivement et individuellement ?

Il est très bon, l’équipe n’a jamais aussi bien marché. L’objectif commun d’accéder au statut de formation UCI World Tour nous porte tous et chacun met le meilleur de lui-même pour l’atteindre. Il n’y a pas de « petites courses » et nous sommes focus pour faire les meilleurs classements possibles sur chaque épreuve sur lesquelles on est engagés. Nous sommes tous très satisfaits de ces premiers mois de la saison 2022 mais il reste encore beaucoup à faire. Nous n’avons jamais été aussi près d’atteindre notre ambition, de toucher au but, c’est très stimulant.

Le fait d’être arrivé au début de l’aventure, alors que beaucoup s’interrogeaient de ton choix initial, est une fierté de plus aujourd’hui  ?

Oui mais pour moi, il n’y avait aucun doute. C’est très motivant, valorisant et passionnant d’être au début d’une aventure, d’en vivre toutes les évolutions. J’ai toujours eu confiance en Manu (Emmanuel Hubert, ndlr), dans le staff et le fait surtout de courir avec les couleurs de la Bretagne chevillées au corps, c’était énorme pour moi.

Tes performances actuelles sont très bonnes, avec notamment deux victoires sur le GP Indurian et la Tirreno Adriatico. Quelle a été ta préparation et comment vois-tu la suite ?

Nous réfléchissons toujours aux meilleures stratégies pour performer en fonction des capacités de chacun. Je suis d’habitude plus performant un peu plus tard dans la saison mais tant mieux si cela arrive tôt cette année. J’ai un peu changé de registre sur le plan individuel, où nous choisissons au mieux chaque course. Les deux victoires ont été acquises sur des courses d’une journée, qui sont très difficiles à remporter car dépendantes de nombreux paramètres. Il faut notamment être OK le jour J. La prépa physique a été importante et ces deux victoires donnent beaucoup de confiance. Sur la Flèche Wallonne, je fais 9e, un bon résultat mais je n’étais pas forcément bien. Sur Liège-Bastogne-Liège, j’ai eu des allergies tout au long du mois d’avril, j’espérais la pluie, en bon Breton, nous avons eu le soleil. Tout cela permet en tous cas de monter en régime.

Avec la perspective, bien sûr, de l’objectif de l’année, le Tour de France ?

C’est LA grande course, on ne peut pas le nier. Le plateau est exceptionnel, le niveau également. Il faut voir le niveau des jeunes qui arrivent aujourd’hui sur le circuit, c’est du très lourd. Gagner une étape n’est pas donné à tous, c’est un très gros objectif et nous le porterons en espérant l’atteindre, en donnant tout. Il faudra déjà passer les quatre premières étapes sans casse et ensuite, viser une victoire. Nairo visera le général. Pour ma part, je serai en mission pour aller chercher une étape.

Que penses-tu des nouvelles technologies ? Le cyclisme évolue à vitesse grand V…

Il y a une évolution perpétuelle, il faut suivre le mouvement, c’est ainsi. C’est vrai que, pour avoir connu l’époque des courses sans oreillette, je peux avoir certaines préférences en termes d’émotions. Aujourd’hui, tous les jeunes sont équipés de capteurs, connaissent la moindre statistique de performance dès leurs premiers tours de roue. Je suis de ceux qui pensent que la technologie empiète sur le terrain de l’instinct, des émotions. Il faut que le cyclisme reste un plaisir, un jeu, qu’on ne soit pas obsédé par le résultat, qui est une conséquence du jeu et non pas uniquement l’objectif. Quand je vois mon petit frère évoluer, il prend encore le vélo comme un jeu mais tous ces outils dénaturent un peu le sport, quel qu’il soit. Rien ne remplacera jamais une course sans oreillettes, où la tactique du coureur et sa capacité à saisir l’instant offrent des émotions décuplées. Je vis néanmoins avec mon temps, et toutes ces avancées sont dans l’intérêt des courses et du résultat, peut-être moins des émotions.

Tu es sur le circuit depuis près de dix ans. L’envie et le plaisir sont-ils toujours des moteurs aussi inspirants ?

Clairement, oui ! Je suis resté quelqu’un de très simple, qui aime le vélo, l’effort, le travail d’équipe mais aussi être avec les collègues en préparation, à refaire le monde autour d’un Uno ou un Monopoly le soir venu. J’ai une belle vie, un entourage qui me permet cet équilibre et je n’éprouve ni lassitude, ni fatigue. Le jour où l’envie et le plaisir ne seront plus là, il faudra réfléchir à ce que je veux vraiment… Moi, j’ai toujours autant le sourire et le bonheur d’être là où je suis, vraiment !

Tu es l’un des leaders de l’équipe mais pour autant, te mues-tu parfois en coéquipier ?

Cela m’a été inculqué dès mes débuts où j’ai appris à passer d’un rôle à l’autre mais surtout, à le faire avec entrain, détermination et l’envie d’aider les autres. Peu de leaders d’équipes acceptent cela, je pense mais j’ai toujours grandi avec ça, avant même d’être moi-même un leader. J’ai aidé Matîs (Louvel) cette saison, je roule pour Nairo. C’est du donnant-donnant et pour recevoir de ses coéquipiers, il faut avant tout savoir donner.

Après le Tour, viendra la Vuelta et peut-être, dans les années à venir, l’idée de t’aligner sur le Giro…

Le programme de fin de saison n’est pas encore définitif. Le Giro, en revanche, reste un objectif, une envie très forte. Je n’ai jamais eu l’occasion de le disputer et Emmanuel sait combien j’aimerais y prendre part. La victoire sur le Tirreno Adriatico m’a conforté sur mon envie de rouler en Italie et j’espère que nous pourrons nous y engager très bientôt.

Quand tu dis « nous », tu sous-entends avec Arkea Samsic ? Etes-vous bien partis pour prolonger ?

Il me reste encore un an de contrat, nous discutons et tout le monde semble tourné vers l’envie de continuer ensemble. Ici, je suis chez moi, en Bretagne, dont je représente les couleurs. Ce n’est pas rien pour moi, comme je le répète souvent, cette région, c’est mon pays, c’est toute ma vie. Je me vois encore un bon moment dans le peloton alors nous verrons bien mais pourquoi changer quand on se sent bien ?

En dehors du vélo, quelle place occupe le sport dans ton quotidien ?

Je suis un grand passionné d’automobile, j’adore ça et j’ai démarré une petite collection. Je rêve aussi de disputer le Paris Dakar, de prendre part à des courses. Pour l’après-carrière, je me vois bien me lancer dans le triathlon. J’aime aussi beaucoup le foot, je ne rate pas une occasion d’aller encourager mon club de cœur, le FC Lorient mais j’ai été très impressionné et j’ai beaucoup aimé assister à Rennes – Monaco en avril dernier. Tout est top au Roazhon Park, l’ambiance, l’équipe et l’atmosphère autour de l’équipe. Ils ont réalisé une très belle saison et c’est une très belle nouvelle pour la Bretagne. En rugby, j’ai aussi forcément un œil sur ce que fait Vannes et enfin, j’ai pu rencontrer Franck Camas et l’emmener rouler avec moi. J’ai aussi pu me rendre sur le bateau de Luke Berry, Arkea Paprec. Je voue une grande admiration pour les navigateurs, ils sont très impressionnants !