Kabir et Rennes, une histoire qui vaut la « Pene » d’être vécue !

S’il n’a pas été le plus grand joueur par la taille (1,88 m) à fouler le parquet de la salle Colette Besson, Kabir Pene a laissé une empreinte de géant dans l’histoire de l’Union Rennes Basket, le club de son cœur. Personnalité à part, il est l’un de ces anciens toujours très proches de l’équipe. Mais pas que !

L’Union Rennes Basket brille aujourd’hui sous les lumières de la Nationale 1 et entrevoit un avenir radieux, peut-être en Pro B, à moyen terme. Les feux des projecteurs, Kabir Pene, 36 ans, les entrevoit lui aussi. Non plus des parquets, dont il est retraité depuis deux ans, mais des bureaux de la salle Colette Besson où il travaille désormais, avec ses collègues membres du bureau ou du staff de l’URB. Un rôle différent de celui qui a fait sa renommée mais tout aussi important. « Je suis actuellement chargé du développement de l’engagement et ambassadeur du club, explique-t-il. J’ai des missions sur différents terrains – relationnel public et privé, partenariats sportifs, etc. – et beaucoup de rendez-vous à honorer. Il m’arrive d’être à la salle jusqu’à 22 heures mais ce n’est plus pour soigner mon adresse aux shoots ! »

Le premier joueur recruté par Pascal Thibaud à Rennes, en 2012, fêtera bientôt ses dix ans de présence en Bretagne. « C’est une chance et un grand honneur d’avoir travaillé avec lui. On a pris beaucoup de plaisir ensemble et on a développé une belle complicité, avait déclaré Pascal Thibaud à « Ouest France » la veille du dernier match de son joueur, le 5 mai 2018 contre Laval. Il a tellement apporté à l’équipe, en termes de cohésion et d’état d’esprit. C’est l’un des principaux acteurs du club. Il s’est, de plus, énormément investi dans tous les projets extra-basket qui ont vu le jour au fil des ans. »

Pas du genre à regretter le passé mais toujours enclin à en faire une force, le joueur explique : « Ici, j’ai trouvé une famille, tout simplement. Rennes et l’URB sont devenus ma maison. Je suis très heureux dans cette ville et dans ce club et j’ai envie de rendre tout ce que j’ai reçu, sur le parquet et en dehors. » Sa carrière en Ille-et-Vilaine, riche de deux montées en N1 et d’un titre de sportif professionnel rennais de l’année, en 2014, s’était achevée à l’Académie du basket breton. Elle lui a laissé beaucoup de beaux et de grands souvenirs. Plus que ses passages dans le monde professionnel, à Clermont, Le Puy, Vichy ou Feurs.

Il y a bientôt trois ans, il avait fallu tourner la page. « J’avais réfléchi à la fin de ma carrière en amont. Tout était parfaitement préparé, y compris le fait d’arrêter. C’était le bon moment et je n’ai retenu que le bonheur de l’instant, le partage avec le public. Et puis les projets qui suivaient m’interdisaient de me retourner. » À Colette Besson, l’ex-meneur de jeu a été particulièrement gâté. « J’ai profité, tant que je le pouvais, du fait d’être sur le terrain. J’ai vécu de superbes émotions. Il y a eu les montées, même si la seconde s’est moins bien passée en termes de cohésion sur et en dehors du terrain. Cela avait débouché sur une redescente immédiate et frustrante. Il y a aussi eu Bercy, des victoires inoubliables, des déplacements de folie avec les copains. Et puis la satisfaction d’avoir pu accompagner, sur la fin, l’émergence de joueurs aujourd’hui indiscutables dans notre effectif. »

« Transmettre, c’est une vraie fierté »

La notion de transmission, si précieuse et pas toujours mise à l’honneur au moment de ranger ses baskets, l’international sénégalais la cultive avec passion. « Passer le témoin à des mecs sains, désireux d’apprendre et qui deviennent patrons sur le terrain à leur tour, c’est une vraie fierté. Ils rendent aux anciens, dont je fais partie, tout ce que nous avons pu leur offrir. Ils font briller les couleurs du club. Après, vous savez, au-delà d’un match gagné ou perdu, ce que l’on garde, ce sont les larmes, les sourires et les potes. Le sport façonne les hommes. Il nous fait grandir, bien plus qu’un trophée ou un palmarès. »

Ne comptez pas sur Kabir Pene pour tirer la couverture à lui et se gargariser de telle ou telle performance éblouissante, ce n’est pas le genre du bonhomme ! Lui retient surtout les rencontres humaines faites à l’URB. « Je me suis enrichi en côtoyant tout le monde. Chaque échange m’a apporté quelque chose, il y a eu un vrai partage. Et de l’URB est née l’association Ya Thi’Breizh, notamment. » Cette association travaille autour de la santé, de l’éducation, de l’environnement, du sport et du développement dans la commune natale de l’ex-joueur de l’URB, Thiès, au Sénégal. Elle est désormais connue et admirée de tous à Rennes.

Crédits photos : Benoît Rozec

Il s’agit sans doute là de sa plus belle victoire. « En 2014, nous avons créé cette passerelle entre Thiès et Rennes. Elle fonctionne toujours et nous continuons de développer de nombreux projets. Cela comprend la construction d’un terrain de basket, des potagers dans les écoles et un partenariat entre la faculté de médecine de Rennes et Thiès. Deux filles et deux garçons des groupes de jeunes que nous accompagnons ont été appelés en équipe nationale U18 du Sénégal. Un autre jeune joue maintenant à Blois, en Pro B, un autre en Espagne, et deux filles ont obtenu une bourse pour aller aux USA. Sans parler du matériel scolaire, sportif et médical. Je n’oublie pas la bibliothèque municipale qui a transmis un message et touché plus de 10 000 enfants dans les écoles et les clubs du département. »

Après sept ans d’existence, l’association compte près de 60 bénévoles. Elle continue de collecter des fournitures scolaires, du matériel sportif et médical et des livres, régulièrement envoyés dans la ville natale d’un Kabir Pene qui refuse de se mettre trop en avant. « Aujourd’hui, je me tiens un peu en retrait. Je me concentre surtout sur les interventions dans les écoles. Je suis tout cela avec beaucoup d’attention mais je laisse à mes ‘‘soleils’’ le soin de mener les opérations. Ce que Ya Thi’Breizh est devenu est formidable ! Cela montre l’élan de solidarité, l’ouverture d’esprit et le sens du partage qui prévalent dans une ville comme Rennes. Ce projet fait aussi la fierté de l’URB qui a pu, à la faveur du match aux couleurs du Sénégal, favoriser le rayonnement de l’association. Et ce n’est pas fini ! »

« Quand tu rames, lorsque tu es porté par le vent, tu fais rire les crocodiles »

Kabir Pene multiplie les rencontres avec les équipes locales, renforçant les liens entre l’URB et ses nombreux clubs satellites. Cette relation va au-delà des partenariats. Tous deviennent de véritables acteurs du projet visant à encourager la pratique d’un basket de haut niveau à Rennes. Pene est le trait d’union entre ce haut niveau, vécu et visé par l’équipe fanion, et le basket amateur, de quartier ou même débutant. Disponible et toujours désireux de partager son expérience, Kabir est une merveilleuse « vitrine » pour une URB au sujet de laquelle il ne tarit pas d’éloges.

« Ce club a contribué à faire de moi l’homme que je suis. J’ai une dette envers lui. Quand on me demande un conseil, que ce soit un joueur ou un dirigeant, j’essaie d’apporter quelque chose, d’être pertinent. Je tiens à ce que les nouveaux qui arrivent ici aient le même état d’esprit que tous les acteurs du club. C’est la qualité numéro 1 pour s’épanouir à Colette Besson, avant même le talent. C’est le projet global de l’URB qui doit être défendu et respecté. J’ai coutume de dire que l’Union Rennes Basket est ma mère et que celui qui se marie avec elle devient mon père. Et là, attention : pas question que l’on insulte ma famille ! »

Le haut niveau, oui. Mais il n’oublie pas d’aller à la rencontre d’une jeunesse qui ne demande que de l’attention. « J’ai beaucoup œuvré pour le projet ‘‘URB dans la Cité’’ lors de sa conception, avec Pascal Thibault, Patrick Morel et les dirigeants. J’ai réalisé que certains gamins à Rennes n’avaient jamais été dans le centre-ville ! Pour certains, la connaissance de la ville s’arrête au Centre Alma. Les actions que nous menons dans les quartiers servent à apporter notre soutien. On veut proposer du basket aux jeunes mais pas seulement cela. On veut ouvrir un dialogue, on veut développer des activités, on veut créer une connexion autour des valeurs du sport. »

Kabir Pene a développé, par ailleurs, un intérêt pour l’action politique et sociale. Au point de s’engager auprès de Nathalie Appéré lors des dernières élections municipales. « Au départ, j’avais hésité à figurer parmi les colistiers car j’avais un autre projet, qui m’aurait éloigné de Rennes. Mais ça ne s’est pas fait. J’ai donc pu être sur le terrain avec les équipes pendant la campagne, notamment Nathalie Apperé, Frédéric Bourcier et d’autres colistiers. Quand on est au contact de la population, on comprend le sens de l’action politique. »

La politique dans l’action et le dialogue, plus que dans les étiquettes et les grands discours : tel est le credo de l’ancien meneur de jeu. « Il y a une vraie volonté de faire des choses autour du sport à Rennes. Si je peux aider à l’avenir, d’une manière ou d’une autre, je le ferai. Je suis prêt à discuter de cela. Nos jeunes ont besoin du sport et tout ne se résume pas au haut niveau. C’est une locomotive importante mais il faut ajouter les wagons, en défendant les valeurs du sport et en privilégiant une implication sociale. J’ai essayé d’apporter ma plus-value en tant qu’ancien sportif. Aujourd’hui, cela donne des projets comme ‘‘URB dans la Cité’’ ou les actions menées par le CPB et le REC Rugby, par exemple. Ils doivent être suivis d’autres initiatives, soutenues humainement et financièrement. La notion de communauté rennaise prendra encore plus de consistance avec des actions concrètes et productives sur le terrain. Si je peux participer à cela, je serai là et j’agirai toujours en concertation avec ceux qui veulent avancer vers un objectif commun. Ma grand-mère disait : ‘‘Quand tu rames, lorsque tu es porté par le vent, tu fais rire les crocodiles.’’ »

Que ce soit à Colette Besson ou dans une future carrière en politique, Kabir Pene a l’envergure pour être l’un des hommes forts du sport rennais. Il le répète à l’envi : « Je ne vis et je ne fais pas tout cela pour ma pomme mais pour me mettre au service de ceux qui ont besoin d’aide ou de conseils. Je ne demande qu’à partager mon vécu. Et j’ai envie de faire avancer les choses. » La présidence de l’URB pourrait-elle devenir une ambition ? « Sincèrement, le titre ou le rôle que l’on a sur le papier importe peu. Nous travaillons tous côte à côte, avec la volonté de développer le club et ses satellites. On agit dans ce sens au quotidien. Il s’agit d’être le plus solide possible pour progresser sereinement demain. L’organisation est horizontale, tout ne repose pas sur une hiérarchie verticale. Moi, je donne tout ce que je peux donner dans les missions qui me sont confiées. Olivier Perez est un merveilleux président et un homme exceptionnel. Le titre inscrit sous votre nom compte moins que votre action. Celle de chacun, du président aux bénévoles, est indispensable à l’autre pour avancer. On le voit encore plus dans la période actuelle. Le public et nos nombreux bénévoles les soirs de match nous manquent terriblement. Cela montre toute la place et l’importance qu’ils ont. À l’URB, le tout est supérieur à la somme des parties. Le but est d’être prêt et ambitieux pour les beaux jours qui, j’en suis certain, reviendront très bientôt. »