A la rencontre de l’impeccable Monsieur Lettens

Il est grand, gardien et ponctuel. Des qualités chevillées au corps d’un joueur à la carrière passée en vitesse accélérée depuis trois ans. Décrit comme très méthodique et plein de petites habitudes par ses proches et amis, Jef Lettens, 28 ans, continue de grimper avec l’envie de terminer en beauté l’aventure cessonnaise en juin prochain.

On le sait, pour être gardien au handball, il faut ce petit grain de folie, cette quasi-inconscience pour se jeter tête la première en opposition face à des colosses de 100 kilos obsédés par l’idée de marquer, quitte à transpercer le gardien qui est en face. A l’opposé de Vincent Gérard ou de Rémy Desbonnet, portiers de Starligue plus qu’expressifs et à la folie omniprésente, Jef Lettens, lui, arbore sang-froid, maîtrise et calme : « Je suis très scolaire dans ma façon d’être, je reste plutôt tranquille et je suis toujours concentré » détaille-t-il. « Je suis plus fort quand je suis serein dans les buts, c’est ma manière d’être. Je ne m’occupe pas trop de ce qui se passe autour ou de défier l’attaquant sur pénalty. Je préfère maitriser ce que je sais faire ». Véritable passionné de son sport et de son poste, il aborde la chose de manière quasi mathématique : « J’étudie mes adversaires mais ça ne me permet pas de tout arrêter! C’est dans ma nature, dans ma préparation. Je regarde toujours des images avant le match, j’essaie de comprendre les systèmes. Ma mère m’a toujours dit quand tu étudies et apprends quelque chose, il ne faut pas l’apprendre une fois ou deux fois mais trois fois. C’est ainsi que l’on mémorise et retient les choses. Pour performer, je dois me sentir à l’aise, connaître mon adversaire. Je fais un gros travail en dehors des entraînements »

Pourtant, l’actuel numéro 1 dans les buts cessonnais n’a pas toujours évolué dans les buts ! Originaire d’Hasselt, chef-lieu de la province de Limbourg près de la frontière hollandaise et de Maastricht, ne rejoint les cages qu’à dix ans, quand le coach demande si quelqu’un veut bien se sacrifier et y aller. Plutôt à l’aise entre les bois, le grand blond aux chaussures strapées n’en ressortira plus « Je devais avoir un petit quelque chose pour ça » s’amuse-t-il. A tel point qu’il va rapidement franchir toutes les étapes jusqu’au poste de numéro 1 dans son club formateur de l’Initia Hasselt : « Dès que j’ai commencé à m’entraîner et à jouer sérieusement, c’était mon objectif et je l’ai atteint dès que l’âge me l’a permis, à 16 ans ». Avec sérieux et implication, il franchit les étapes, y compris avec les sélections jeunes belges. Malgré son âge, Jef Lettens sait qu’il devra faire plus que les autres pour répondre à ses ambitions : « Très tôt, j’ai compris qu’il fallait faire des sacrifices et travailler pour arriver tout en haut. Je suis quelqu’un qui avance en se fixant toujours des objectifs. Aujourd’hui encore je fonctionne encore comme ça. Quand j’étais jeune, mon objectif était d’intégrer l’équipe Une de mon club, puis ensuite, celle de la sélection belge, ainsi de suite… J’ai réussi et j’ai passé six ans en équipe première, comme gardien numéro 1. C’est mon fonctionnement qui va ainsi. »

Rapidement, la rencontre avec Yérime Sylla, nommé sélectionneur des Red Wolves, fait basculer les choses et accélère le mouvement : « Yérime m’a repéré et a fait de moi son numéro 2 en sélection. Puis ensuite, lors d’un match international en Belgique, il a fait venir son ancien agent et ami, Yannick Gers. Grâce à Yannick et au « pari » de Fabien Courtial, j’ai pu rejoindre Saran ».

Engagé par Saran, Jef Lettens quitte sa Belgique natale, emmenant avec lui celle qui va bientôt devenir sa femme, bien connue aujourd’hui du public du Saint-Grégoire Rennes Métropole Handball, Judith Franssen : « Nous nous sommes rencontrés à Hasselt, où elle est venue conjuguer sa pratique du handball avec ses études de kiné, comme moi. Nous avions 19 ans. Cela fait plus de huit ans que nous sommes ensemble. » Un chien, Lou, vient de se joindre à l’aventure, histoire de rassurer le couple notamment lors des déplacements : « C’était rassurant pour nous deux et aujourd’hui, nous faisons d’immenses ballades avec lui. En Bretagne, les jolis coins ne manquent pas ! ». Le couple s’adapte sans souci à la vie française, vivant une superbe aventure humaine à Saran. Là-bas, bien plus qu’une année parfaite sur les parquets avec une montée en D1 (la seconde consécutive pour le club !), c’est un véritable groupe de potes qui reste dans le cœur et l’esprit de Jef : « Je pense que c’est rare dans une carrière de tomber dans un groupe pareil. J’ai gardé six ou sept amis, bien au-delà du handball là-bas. Nous n’étions pas les meilleurs individuellement sur le terrain mais nous étions très forts tous ensemble. Ce fut une aventure formidable ! »

L’humain, Jef l’a retrouvé également en arrivant à Cesson il y a deux ans, en 2016 pour faire la doublette avec Kévin Bonnefoi. Après une première saison passée à observer, jouer et apprendre les exigences de la Starligue, l’ancien portier saranais trouve plus de temps de jeu avec la blessure de son coéquipier (parti à Montpellier en juin dernier). L’arrivée de ses compatriotes et amis belges Thomas Bolaers, Simon Ooms et Arber Qerimi donne un petit accent belge à une équipe qui vit néanmoins une saison compliquée, avec un maintien obtenu au forceps. Malgré cela, ses prestations de haut vol à Nantes, Dunkerque ou face à Montpellier permettent de découvrir un Jef Lettens qui crève l’écran à l’automne et tape dans l’œil de nombreux clubs, au courant de sa fin de contrat en 2019. La sélection pour le All Star Game de février 2018, pour occuper la place de gardien de but chez les joueurs « étrangers » de Lidl Starligue, vient conforter le HBC Nantes de miser sur Jef Lettens à partir de la saison 2019-2020. 

Avec la Champion’s League, notamment, en ligne de mire, une nouvelle marche se présente devant un gardien au gabarit impressionnant 1.94 m qui a beaucoup travaillé pour en arriver là ! « Je suis heureux de toujours réussir à passer un cap et j’en ai passé plusieurs depuis mon arrivée en France. Mais je suis exigeant avec moi-même et je vise toujours plus haut ! Je suis arrivé sur le tard et je sais que je dois beaucoup travailler pour continuer de progresser ». 

Intronisé numéro 1 par le nouveau coach et ancien gardien international Christian Gaudin, Jef Lettens sait qu’il est attendu pour sa dernière saison cessonnaise. « Le coach est très exigeant. Il veut de la précision, de la concentration, de la rigueur. Il n’hésite pas à t’engueuler si ça ne va pas ». Pour faire la paire cette saison, un nouveau gardien est arrivé, en la personne d’Alexandru Buçataru, « un excellent choix et un garçon travailleur, calme, doté d’un gros potentiel ». Les gardiens au hand, sont-ils concurrents, amis ou simples coéquipiers ? Amenés à être inter-changés au cours du même match, la concurrence est exacerbée mais nuit-elle à la concentration du joueur, au discernement sur sa propre performance ? Là encore, Jef Lettens se pose et analyse tranquillement les choses : « La semaine, on donne le meilleur pour être le titulaire mais le jour du match, on ne forme plus qu’un ! Il faut être solidaire, s’encourager, montrer que l’on est là pour l’autre. Nous l’avons déjà dit, c’est un poste à part. Avec Alexandru, nous échangeons en anglais mais aussi dans les attitudes et les regards. Les bons résultats, c’est tous ensemble que nous les aurons, pas chacun de son côté ».

Une fois ceux-ci validés, l’ancien d’Hasselt s’en retournera pendant les fêtes retrouver sa famille en Belgique, retrouver ses deux petits frères (Ward et Juul) pour de longues soirées loin du hand : « L’un est en médecine et sportif à sa manière…surtout pour la bière ! (rires). Le second est plus attiré par la culture, les voyages et étudie en communication. L’éloignement d’eux, de mes parents ? Je le vis bien mais j’ai besoin quand même d’être au contact avec eux, avec mes amis en Belgique. C’est dur de revenir ici en janvier mais il faut retourner au boulot. Un boulot cependant, qui, je ne l’oublie jamais, reste une passion ! ». Une passion qui l’accompagne même à la maison, où sa demi-centre de future épouse est à même de débriefer ses prestations ! « Nous ne parlons pas que de hand à la maison, heureusement, sinon, ça partirait de travers… ». Pas le genre de la maison pour autant, soyez en sûrs !

Julien Bouguerra