Handball – Cesson : Axel Oppedisano – Romaric Guillo : « Le poste de pivot, il a fallu apprendre à l’aimer »

Rencontre avec les pivots du CRMHB.
Interview croisée avec Romaric Guillo et Axel Oppedisano. @Crédit photo : JRS

Ils n’ont pas la même taille de maillot mais la même passion ! Avec Edgar Dentz, ils vivent leur vie de pivot au CRMHB, avec tout ce que cela implique de bobos, souffrance mais aussi plaisir d’offrir ! Pour le JRS, le duo se livre sur un poste à part pour mieux le comprendre, avec la générosité qui les caractérise.

À quel moment devient-on pivot, poste de souffrance, de sacrifices, de don aux autres ?

Romaric Guillo : Me concernant, c’est au pôle que l’on m’a positionné là. Avant, j’avais joué dans les buts, car j’étais déjà grand puis sur la base arrière. Mirko Perisic m’a placé à ce poste et a dû me trouver adapté. Mon physique a défini mon poste et il a fallu apprendre à l’aimer. Avant d’arriver là, je donnais et prenais moins de coups, c’est sûr !

Axel Oppedisano : Je n’ai pas non plus choisi de devenir pivot. J’ai joué un peu partout, même à l’aile et c’est en U18 qu’Edu, mon coach à Nice, a choisi de me positionner là, sans doute par l’énergie que je mettais sur le terrain et que je dégageais. Aux entraînements, face aux vieux briscards, j’en ai surtout pris « plein la tronche » au départ, j’étais clairement un punching-ball. J’ai appris en prenant les coups, à la dure mais j’ai beaucoup bossé et je me suis enrichi ainsi. Après, quand j’étais en attaque, je m’arrachais pour le moindre ballon, cela m’a forgé.

Ce poste implique une sorte de résilience, avec un travail de l’ombre colossal, des coups à prendre…

R.G : La notion de combat est omniprésente, avec tout ce qu’elle comporte de courage, de respect aussi et de force. Cet apprentissage véhicule aussi des valeurs comme le fair-play, qui devient une évidence quand l’adversaire est à la hauteur et se donne aussi pendant 60 minutes. Le combat est aussi sur les autres postes, les valeurs de respect découlent directement de ces duels à répétition.

« La notion de combat est omniprésente, avec tout ce qu’elle comporte de courage, de respect aussi et de force. »

A.O : Il y a un côté maso dans la mesure où nous sommes obligés de nous faire mal pour être utiles. Un block, un glissement, se retourner brutalement dans des positions inconfortables, c’est tout ça, notre boulot ! Se sacrifier pour ouvrir un espace pour les copains, aller au charbon ramasser un ballon improbable, c’est aussi notre rôle. Pivot, c’est 95 % de don à l’équipe et 5 % pour soi. Alors quand on peut marquer ou se faire plaisir, il faut le faire !

R.G : Un point important aussi est à souligner, rarement évoqué : nous jouons à l’envers par rapport aux autres, dos au but et face au jeu. Quand le demi-centre annonce une combinaison et donne une direction gauche ou droite, nous devons penser à l’inverse, et vite ! Cela se travaille dès le pôle mais il y a un travail de synchronisation dans l’espace avec les autres à réussir. Le pivot doit faire vite, fort et aussi réfléchir en permanence à sa position dans l’espace.

Vous avez des physiques diamétralement opposés. Vos styles sont-ils aussi différents ?

R.G : Pour ma part, je suis moins dans la bagarre, de par mon gabarit. Je prends néanmoins beaucoup de coups, notamment dans les hanches, le dos, avec ma taille. En revanche, je dois gérer les distances, mon positionnement avec précision, pour pouvoir être au bon endroit. Oui, c’est plus simple pour moi d’attraper un ballon aérien mais encore faut-il que je sois bien placé… Quand je vois ce que réalise Syprzak à Paris, c’est le pivot parfait pour un tel gabarit. Ultra-efficace et toujours dans le bon rythme au bon endroit.

A.O : Le combat, j’adore cela et de par mon gabarit, atypique en pro, je sais que je vais en avoir à chaque match, où je dois beaucoup bouger et jouer des coudes pour me faire ou faire de la place.

R.G : Il le fait remarquablement bien et croyez-moi, pour une défense, un pivot comme Axel en face n’est pas un cadeau ! Le mouvement idéal, c’est gratter un ballon bas, forcer la faute du défenseur et réussir à marquer en se retournant. But et exclusion, c’est le combo parfait !

Comment vous définiriez-vous, sur et en dehors du terrain ? Romaric, décris nous Axel et inversement…

R.G : Axel est un pivot plutôt polyvalent, qui peut offrir plusieurs options. Il est dans le glissement et dans le jeu de position et son centre de gravité très bas rappelle forcément Mathieu Lanfranchi, avec qui la comparaison est inévitable. Il est capable de trouver de la place dans un tout petit espace. Après, pour ce qui est du joueur, au quotidien et comme un match, c’est un bosseur acharné, qui ne lâche rien.

Il est impressionnant, surtout quand on sait qu’il n’a commencé le hand qu’à 16 ans. A cette époque, j’étais déjà pro (rires) et son parcours est épatant. Il passe toutes les étapes avec succès car c’est un bourreau de travail. Il était capitaine à Nice quand il est parti, ce n’est pas un hasard. Ce qui lui arrive aujourd’hui est totalement mérité.

A.O : Venant de Romaric, de tels mots sont touchants ! Je suis très admiratif de Roma, de son parcours, les clubs et championnats qu’il a connus. Quand tu vois le palmarès, tu dis « ok, je me tais, j’écoute ». Pour ce qui est de son jeu, je suis parfois envieux, il a juste à lever le bras pour récupérer les ballons et joue très juste.

En défense, il est parmi les meilleurs et sait parfaitement gérer ses efforts. Quand je suis arrivé, je le regardais aux entraînements, je gardais une distance imposée par Romaric et je n’osais pas non plus aller vers lui, car il ne vous laisse pas facilement entrer dans son cercle (rires) !

Axel Oppedisano : « J’en ai surtout pris « plein la tronche » au départ, j’étais un punching-ball »

Il est d’abord dans l’observation, a besoin de voir quel mec vous êtes. En revanche, ensuite, ce n’est que du bonheur ! A ses côtés, on ne peut que progresser, l’affronter à l’entraînement est aussi kiffant que douloureux. A table, on rigole aussi, surtout quand on parle beurre demi-sel avec Dany Mosindi ! C’est un vrai bonheur d’évoluer avec lui !

R.G : L’histoire du beurre demi-sel, c’était assez dingue, ceux qui étaient à table à Chambéry s’en souviennent encore ! Axel, c’est un super mec, au-delà du joueur, un déconneur jamais à court pour chambrer, mais qui fait les choses dans l’ordre, avec du respect des gens, du travail. Comme j’aime aussi qu’on me chambre, nous nous sommes trouvés.

A.O : Je vous le dis, c’est un capitaine idéal, un mec pour qui on va au combat, sans réfléchir ! Il est un leader naturel, et sait parfaitement être sérieux quand cela est nécessaire et relâcher le truc à d’autres moments. C’est naturel chez lui. A le voir, quand son crâne est bien rasé, brillant, il est impressionnant, fait même peur mais en vrai, Romaric, c’est un amour, un mec qui fédère un groupe avec un regard.

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Où pouvez-vous encore progresser l’un et l’autre ?

A.O : J’ai encore beaucoup à apprendre et à faire. J’aimerais gagner un peu plus de temps de jeu en défense, poser des problèmes au coach pour cela et m’améliorer sur cet aspect du jeu. Je dois aussi gagner en précision et en efficacité sur mes shoots, je me trouve un peu en deçà cette saison et je travaille dur pour y arriver. Ce n’est pas un souci physique ou moteur, peut-être l’envie de trop bien faire mais il faut que je marque quand je dois marquer !

R.G : Aujourd’hui, je suis sur la fin de ma carrière, que j’arrête en juin et je veux partir la tête haute, laisser mon club de cœur le plus haut possible, avec sérénité et le sentiment du devoir accompli. Pour cela, j’essaie de capitaliser sur tout ce que j’ai pu vivre dans ma carrière, de le mettre à disposition des copains et de profiter de chaque match, sans calculer. Après, il sera temps de se calmer un peu…

« Aujourd’hui, il n’y a pas un matin où je me réveille sans douleur et c’est aussi pour cela qu’il faut dire stop, à un moment ou l’autre. »

Les douleurs sont-elles toujours des « amies » du quotidien ?

R.G : Sincèrement, je pourrais tourner aux antalgiques quotidiennement tant elles sont là, oui. On en demande énormément à nos corps et cela se paie, à la longue. Aujourd’hui, il n’y a pas un matin où je me réveille sans douleur et c’est aussi pour cela qu’il faut dire stop, à un moment ou l’autre. Je ne suis pas si vieux et je compte bien faire du vélo avec mes enfants après. Dominic Klein, après sa retraite, me disait que la vraie différence dans son après-hand, était surtout de ne plus avoir mal le matin en se levant…

A.O : Je suis moins âgé et j’ai moins de matchs que Romaric dans les pattes mais la douleur, oui, elle est là. On a tous nos bobos que l’on porte et on fait avec mais oui, le sport à ce niveau-là laisse des traces. Après, on apprend à vivre avec. Le sport de haut niveau, ce n’est pas bon pour la santé.

Quel est votre rapport avec le but, le fait de marquer. Est-ce important à vos yeux ?

A.O :  A Nice, je marquais beaucoup, je tirais les sept mètres, c’est quelque chose que j’aime oui mais cela passe toujours après le résultat collectif, la prestation de l’équipe. Néanmoins, si dans un match que nous remportons, j’ai fait 3/7, une fois la victoire célébrée avec les copains, je sais que je ne vais pas être satisfait et retourner le truc dans tous les sens. Ce n’est pas obsessionnel comme pour un buteur mais je veux bien faire le taf !

R.G : On m’a dit toute ma carrière que j’étais avant tout un défenseur. Des « Romaric est nul en attaque », j’en ai entendu (rires) ! Maintenant, je m’attache surtout à faire du mieux possible chacune des tâches que j’ai à accomplir, que ce soit devant ou en défense. Si je marque, tant mieux et il y a deux ans, ce n’était pas si mal. Ce n’est pas là-dessus que l’on m’attend, même si je prends aussi beaucoup de plaisir à jouer en attaque.

« Romaric, c’est un capitaine idéal, un mec pour qui on va au combat, sans réfléchir ! »

Ces derniers temps, le coach a choisi, justement, de vous utiliser chacun uniquement sur une moitié de terrain. N’est-ce pas frustrant ?

R.G : Sincèrement, tant que l’équipe performe et gagne, moi, je n’ai rien à dire, je fais ce que demande le staff. En octobre, cela a plutôt bien marché alors pourquoi changer ? A mon âge, je ne suis plus dans l’obsession de jouer tout le match, de compter mes minutes mais plutôt de rendre utile à l’équipe chacune d’elle passée sur le terrain. Et puis j’ai quelques remontées de balle sympas à jouer ! Pour Axel, c’est peut-être frustrant car il défend peu mais je suis sûr de ce qu’il va répondre…

A.O : Romaric a tout dit, et nous l’avons dit avant, le pivot est avant tout au service de l’équipe et je ne vais pas bouder ou faire la tronche si je ne défends pas. A moi de faire ce qu’il faut pour que le staff me mette en défense. Sébastien et Yann me donnent beaucoup de temps de jeu, me font confiance, alors ce n’est pas moi qui vais l’ouvrir. La frustration ressentie, quand elle est là, doit être moteur pour faire encore mieux.

Comme de coutume, terminons avec les dossiers l’un sur l’autre, si vous avez cela en stock ?

R.G : Axel a la particularité d’avoir un sosie dans chaque ville, c’est assez étonnant.

A.O : C’est vous qui le dites, ça, c’est loin d’être flagrant !

R.G : Et surtout, il arrive enfin à accorder les couleurs de ses habits, à mettre les bons hauts avec les bons bas. C’est mieux. C’est aussi le seul de l’équipe à avoir fait un jeu télé, 100 % Logique.

A.O : J’y ai été nul. Je n’ai répondu qu’à quatre questions et Pauline, ma compagne, 16…

R.G : Je n’aurais pas répondu à une seule je pense (rires) !

A.O : Sur Romaric, il n’y a pas un truc précis. Il me suffit de le regarder, en dehors du terrain, pour avoir envie de rire. On rigole vraiment souvent, même s’il nous saoule un peu avec sa Bretagne. Romaric Guillo, c’est l’ambassadeur rêvé pour le centre Bretagne, Pontivy et Quiberon ! Pour un mec venu du sud comme moi, c’est vraiment marrant à vivre.

Signature de l'auteur, Julien Bouguerra.