Ce sont deux légendes du CRMHB qui ont tiré leur révérence il y a un mois, tournant une page majeure de l’histoire du club. Désormais tous les deux installés dans le Morbihan, ils ont accepté de jeter un œil dans le rétro et d’ouvrir la boîte à souvenirs d’une décennie et demie passée de handball.
Quel a été l’impact du handball sur vos vies et qu’a-t-il changé ?
Romain BRIFFE : J’ai baigné depuis petit dans le sport et dans le hand, puisque mon père était entraîneur à un bon niveau, tout en étant prof d’EPS, tout comme ma mère. Le handball m’a appris beaucoup de choses, comme l’importance de savoir jouer avec et pour les autres. J’avais du mal, jeune, avec la notion d’échec et le collectif te permet de mieux gérer cela.
Cela a sans doute aussi façonné mon caractère, ronchon quand ça ne me plaît pas mais en revanche bosseur. Le handball, ce sont surtout de nombreuses rencontres, des amis pour la vie. Avoir mené, et réussi – malgré bien du monde à m’avoir dit que ce serait impossible – mes études de kiné et ma carrière de front, m’a permis de rester frais dans la tête. J’avais deux mondes très différents dans lesquels j’évoluais, des centres d’intérêts différents et un équilibre ainsi conservé.
Romaric GUILLO : Le premier impact est familial, avec des voyages pour moi, mais surtout pour Nolwen, ma compagne et nos enfants. La Pologne en plein Covid, c’est une vraie expérience ! Nous avons connu des moments que seul le sport de haut niveau pouvait offrir. Je mesure d’ailleurs l’importance du hand sur ma vie dans ce moment actuel où j’arrête.
Moi je l’ai choisi mais je vois bien que pour ma famille, mes proches, mes amis, c’est particulier et un peu dur de savoir que c’est fini. Au-delà de ça, cet univers m’a appris à repousser mes limites bien sûr, à m’imposer une rigueur, une discipline pour réussir et durer. J’ai rencontré des personnes incroyables, des champions incomparables alors que je pouvais aussi m’imaginer un destin en départementale où j’aurais sans doute été heureux. Je n’ai jamais rêvé d’être pro, alors, avoir vécu ça, franchement…
Quel regard portez-vous sur votre carrière et nourrissez-vous quelques regrets ?
R.B : J’ai croqué dans ce qui m’a été offert mais je suis peut-être parti un peu tard de Cesson. Il y avait des sollicitations mais c’est ainsi et j’ai beaucoup apprécié mon passage à Chambéry. Je suis heureux quand je regarde ma carrière, je me dis que j’en ai bien profité, que j’ai pu vivre de très belles histoires avec les publics du Phare et ici, à Cesson.
Il y a eu la demi-finale de coupe de la Ligue avec Cesson, la victoire en finale avec Chambé. L’équipe de France ? Sincèrement, quand on voit les générations qui y ont évolué… Pour les regrets, je dirais, sans faire offense à ceux que j’ai eus, de ne pas avoir croisé un entraîneur qui me pousse plus, m’amène encore plus haut et puisse me faire partager un vécu du très haut niveau. Avoir une relation forte, pour me bousculer, même si bien sûr, chacun des entraîneurs que j’ai eus m’a apporté et fait grandir.
R.G : J’ai zéro regret, clairement. L’équipe de France ? Sincèrement, je n’y ai même pas pensé. Je ne me suis jamais mis d’objectif « personnel » et j’ai toujours été guidé par des ambitions collectives. A partir de là, impossible d’avoir un regret quelconque.
Il me manque peut-être une belle épopée ou aventure avec Cesson, comme un parcours en coupe où un gros truc à jouer en première partie de classement, depuis notre retour avec Romain. Nous avions envie de vivre ça. Il y a aussi la déception d’avoir perdu la finale de Ligue des Champions avec Nantes, contre Montpellier. Mais d’y avoir participé, déjà, ce n’était pas vraiment programmé au départ…
Auriez-vous imaginé l’un et l’autre les carrières que vous avez réalisées, après avoir débuté presqu’au même moment ?
R.G : Quand je suis arrivé au Pôle, Romain était déjà chez les grands, je le regardais avec des grands yeux. Les mecs qui étaient là avaient déjà un vécu de fou, je me sentais tout petit. Il y avait deux mondes entre eux et moi. Romain était déjà très fort et la suite n’a fait que confirmer ce qui était déjà une évidence.
R.B : Quand j’ai vu Romaric au Pôle, c’était au moment de la mode des grandes tailles. On en a vu plein des golgoths qui n’ont finalement rien fait par la suite, mais Romaric était différent. Ce n’était pas un « grand mou » qui subit mais déjà, un soldat. La qualité, il l’avait et son tempérament de guerrier aussi. Tout ce qu’a eu « Roma », il l’a mérité et est allé le chercher. Le travail paie et il l’a prouvé.
Le monde du handball va-t-il vous manquer ? Que ce soit les matchs, l’ambiance, l’entraînement ?
R.G : Sincèrement, nos corps vont surtout respirer un peu… On va suivre les résultats des copains, avoir un œil sur ceux de Cesson, forcément, mais ma façon de vivre le handball, c’était d’y jouer, tout simplement. Tout ce qui se passe en dehors du terrain, les paillettes tout cela ou les commentaires sur les réseaux comme il y en avait beaucoup à Nantes, franchement, ça me passe au-dessus. Déjà, joueur, je ne regardais pas, alors maintenant…
R.B : Le handball, c’était surtout les copains. Tout le monde se connaît, on se croise pendant dix ans, quinze ans, d’un club à l’autre. C’est ça qui est plaisant. Il y a des amitiés et du respect. Ce côté de se retrouver, se croiser me manquera peut-être, oui, le côté humain. Le reste en revanche, non… Les entraînements, la répétition des efforts, les déplacements, tout ça au bout de tant d’années peut lasser et faire que ce sport qui était ta passion devient au bout d’un moment simplement ton travail.
Je quitte un club et un sport, une partie de ma vie où je me suis régalé mais sans regrets, avec l’envie de croquer dans tout un tas de nouveaux projets. Je réaliserai sans doute dans quelques semaines que c’est bel et bien fini. A la rentrée, je vais garder un œil sur les copains et évidemment, sur mon petit frère qui va continuer sa route. Avoir pu jouer avec Benjamin, mon grand frère, et Mathéo, le petit, restera une chance et quelque chose à part.
Quiz décalé :
Le look le plus improbable :
R.G : Forcément, Axel Oppedisano. Un jour, Javier Borragan l’a croisé à la braderie de Cesson et nous a dit le lendemain à l’entraînement qu’il était déguisé en Picky Blinder… On était morts de rire, en lui expliquant que non, il n’était pas déguisé !
R.B : On ne peut pas oublier Arnaud Tabarand, sur le week-end caisse noire, qui est arrivé en boîte de nuit en pantacourt et chaussures de rando. Heureusement que nous avions réservé…
Le plus fort avec qui vous avez évolué :
R.B : Maxime Derbier ! C’était une machine de guerre, assez incroyable à l’entraînement où il pouvait faire tout ce qu’il voulait avec son corps. Un mutant ! Après je citerai aussi Yann Genty, avec qui j’ai joué à Cesson et Chambéry. Un style unique jamais vu ailleurs.
R.G : A Cesson, Romain, c’est la grande classe et Hugo Kamtchop-Baril. En dehors, Kiril Lazarov. Un regard de tueur, un joueur hors-pair et une crème en dehors.
Le joueur qui aurait mérité mieux ?
R.G : Celui qui me vient, c’est Hugo Kamtchop-Baril. Franchement, sa dernière saison à Cesson, c’est une machine de guerre. C’est mon avis mais si l’équipe de France n’est pas cadenassée comme elle l’a toujours été, il doit y être, il éclatait tout et franchement, il le méritait. Et regardez, malgré deux grosses blessures au genou, il est revenu à un très bon niveau…
R.B : Max Derbier, de nouveau. Avec le potentiel qu’il avait, vraiment, il aurait pu aller encore plus haut, j’en suis convaincu.
Le joueur aux superstitions les plus marquantes ?
R.B : José Hernandez Pola, un joueur cubain passé au club au début des années 2010. Il avait plein de rituels comme mettre de la poudre blanche dans ses chaussures, allumer une bougie vaudou dans les vestiaires, porter un bandeau toujours de la même couleur. C’était un sacré choc des cultures !
Un pétage de plomb marquant ?
R.G : A Kielce, lors d’un match de coupe d’Europe perdu à Porto, le coach Dujshebaev nous a balancé une chaise en pleine tête. De quoi marquer les esprits !
R.B : J’en ai vu pas mal des coachs s’énerver, balancer des trucs mais niveau mise en scène et comédie, Yérime Sylla était très fort…
Votre pire moment vécu sur un terrain ?
R.B : Ce sont les blessures, celles que l’on subit mais aussi celles auxquelles on assiste. C’est toujours compliqué. Le match contre Aurillac, au Palais des Sports, avec un joueur qui se fait une fracture tibia ouverte. Des gens se sont évanouis en tribunes, c’était horrible.
R.G : Le choc avec l’arbitre d’Arnaud Tabarand en coupe de France à Istres, c’était très impressionnant et terrifiant. Arnaud ne se souvenait pas sur le moment du nombre d’enfants qu’il a… Après, en dehors de ma carrière pro, mon pire souvenir est encore au-delà de ça, avec le décès à l’entraînement sur le terrain d’un coéquipiers, à Pontivy. C’était notre pivot, Rodrigue, je revenais du pôle pour m’entraîner le vendredi soir et il est tombé, comme ça, devant nous… Cela restera le pire moment de ma carrière, qui te marque à vie.
