Pour que la fête soit réussie, le résultat prime, l’animation d’avant-match également mais tout cela n’est possible qu’avec un dispositif sécuritaire parfaitement au point. Fait rare, le Stade Rennais nous a ouvert ses portes et a permis de tout savoir de l’organisation en la matière avec son Stadium Manager, Pierre Juhel. Des arrêtés préfectoraux à l’installation des stadiers, vous saurez tout !
Stadium Manager et directeur sûreté et sécurité au sein d’un club de Ligue 1 : voici deux « titres » que vous portez et qui vous laissent peu de temps pour profiter de l’ambiance du Roazhon Park…
C’est en effet une mission très chargée, avec beaucoup de responsabilités et une organisation importante. J’ai la chance d’être très bien entouré, avec des équipes compétentes et efficaces dans un club où heureusement, l’ambiance générale est bonne, que ce soit en interne ou avec les supporters notamment. Travailler ici, au Stade Rennais, est une chance mais demande beaucoup d’implication avec un résultat final pour le moment très positif en termes de sécurité pour tous.
Vous êtes arrivé il y a trois ans en provenance de Lorient. Quelles sont vos missions et l’organisation de vos semaines ?
Avec toutes les équipes dédiées au sujet, il s’agit d’assurer la sécurité et la sûreté de l’ensemble de la rencontre, dans et autour du stade, afin que tout le monde passe un bon moment. Dans la semaine, le match est l’aboutissement, la finalité mais il se prépare bien en amont, notamment au stade, dont le club est locataire. Le nettoyage d’après-match mais aussi l’installation avant est de notre ressort.
Tout doit être prêt à bien fonctionner. Ma mission est de réduire au maximum possible les risques et imprévus, qu’aucune faille ne soit décelable ou identifiée en vue d’un quelconque problème mais aussi, de préparer le terrain pour Julien et l’équipe évènementielle, ainsi que d’optimiser au mieux l’accueil de l’ensemble des supporters.
« Les arrêtés sont généralement l’aboutissement d’une réflexion collégiale entre toutes les parties où chacun défend ses intérêts et non la décision d’un seul homme »
La problématique des déplacements des supporters adverses est ainsi au cœur de vos prérogatives ?
Bien évidemment. On le voit, c’est aujourd’hui un sujet brûlant en France mais il faut savoir que les décisions et organisations des matchs se font largement en amont. Pour le derby face à Nantes, par exemple, la première réunion a eu lieu trois semaines avant le match. Au cours de celle-ci, est jaugée le niveau de « tension » du match, les animosités entre les deux camps, les restrictions – quand elles ont vocation à être posées – à envisager.
Autour de la table, il y a beaucoup de monde, près de 25 personnes, en présentiel comme parfois en visio pour les clubs visiteurs. On trouve ainsi des représentants de la Police Municipale, Nationale, de la Gendarmerie, des pompiers, le Sous-préfet la plupart du temps ou l’un de ses représentants, le Référent supporters, Julien Boucher chez nous, le Référent du club visiteur, deux représentants des clubs, ainsi que des personnes de la Ville de Rennes, de Kéolis, pour l’organisation des transports, un représentant de la LFP et enfin, un autre de la DNLH (Division nationale de la Lutte contre le hooliganisme).
Une seconde réunion, pour ce derby, a aussi eu lieu en début de semaine précédant la rencontre. Celle-ci valide et affine tout ce qui a été décidé et mis en place lors de la première réunion et scelle définitivement le cadre du match.
C’est à ce moment-clé que sont décidés les arrêtés contre les déplacements de supporters ?
Ceux-ci sont généralement l’aboutissement d’une réflexion et d’une discussion collégiale entre toutes les parties énoncées, où chacun défend ses intérêts, et non pas la décision d’un seul homme. L’historique des affiches est pris en compte, les situations sportives, les alentours du stade sécurisés et là aussi, l’anticipation est le maître-mot.
Jamais ces décisions ne sont prises uniquement pour pénaliser les groupes de supporters et tout est fait pour éviter d’en arriver là, du moins pour ce que je connais ici à Rennes. Nous avons d’ailleurs eu peu de restrictions cette saison, dans l’ensemble et ce y compris pour nos visiteurs. Le but de tout cela, il faut le garder en tête, est que le match se dispute dans les meilleures conditions de sécurité, avec la meilleure volonté des deux clubs et ce, en dialoguant avec les supporters.
« Il est hors de question de censurer ou de choisir les messages des supporters, à partir du moment où ceux-ci sont exprimés sans insulte ni diffamation »
Ceux-ci sont ainsi les seuls absents de cette réunion, malgré la présence d’un référent. Quelles sont vos relations à Rennes avec le RCK ?
Nous avons la chance, ici, d’avoir un dialogue permanent avec les différents groupes de supporters. Au sujet de ceux-ci, ils nous envoient toujours les éléments en amont, une semaine avant, pour les valider. Que ce soit des éléments graphiques ou des banderoles à messages, plus ou moins forts, nous en sommes toujours avisés et validons avec eux, on laisse aussi une très large place à leur expression.
Il est hors de question de censurer ou de choisir les messages, à partir du moment où ceux-ci sont exprimés sans insulte ni diffamation. Cette souplesse s’inscrit dans ce respect réciproque et il paraît inconcevable au club de priver ses supporters de leur liberté d’exprimer avec leurs mots leurs sentiments, positifs ou négatifs.
Vous êtes ainsi au fait de toute action du kop, bien avant le début du match…
Oui et c’est indispensable. Nous ne pouvons pas laisser de place à l’inconnue, que ce soit pour des banderoles ou des mouvements de foule. Nous essayons même, avec Julien Boucher, d’accompagner les animations, surtout quand il s’agit d’événements positifs. Cela passe par la musique, la mise en place des agents de sécurité. Tout est en place, à l’image des tifos et banderoles qui sont entrés dans le stade la veille ou le jour même, ceci encadré par nos équipes.
Après, nous avons positionné à des points stratégiques des hommes sur le terrain, avec qui je suis en lien permanent, référents sécurité, capables de prendre le pouls, de sentir la situation et le niveau de tension. Quand le RCK a, par exemple quitté sa tribune face à Toulouse, un simple encadrement a suffi, sans débordement. Il n’y avait pas d’agressivité, ni de mauvaises intentions chez eux et tout s’est déroulé sans problème, même si nous n’étions pas prévenus pour autant. C’est une manière, de leur part, de nous rendre la confiance que l’on place en eux.
Il y a aussi, bien entendu, le sujet de la sécurité des individus. Comment s’opère-t-elle le jour J ?
Il y a le sujet des supporters visiteurs, de nouveau, pour qui nous avons désormais mobilisé la totalité du parking de l’Ecluse du Comte. Il était indispensable de ne plus tout mélanger, entre VIP, invités, presse et cars des visiteurs et cela permet aujourd’hui de diriger dans les meilleures conditions les différents convois. Aujourd’hui, pour un match de Ligue 1, nous mobilisons 400 agents d’accueil et 200 de sécurité, avec quatre sociétés dédiées à cela.
L’acheminement des supporters vers le Roazhon Park est aussi, évidemment, un sujet. Aujourd’hui, les arrêtés délimitent une zone précise quand il y a des tensions et des problèmes identifiés à venir et les autorités ont pour rôle d’assurer et d’assumer l’arrivée des groupes de supporters adverses jusqu’à leur tribune, sans trouble à l’ordre public. Notre domaine d’action, en tant que Stade Rennais, se situe dans le stade. Ce qui se passe sur le boulevard relève de la Ville et des autorités, d’où l’importance d’harmoniser tout cela bien avant le jour J.
Comment se déroule votre journée type, en jour de match ?
J’arrive à H-7 du coup d’envoi, avec une grande partie du travail déjà réalisée dans la semaine. J’ai une première réunion à H-4 avec les deux délégués de la Ligue et le Media Manager et le commissaire en charge de l’accueil des arbitres, avec qui nous balayons l’ensemble des sujets qui dure une bonne demi-heure, parfois en présence du club visiteur. A H-3, nous avons le briefing avec les agents de sécurité pour redonner les consignes sur la fouille, les palpations, les spécificités propres à chaque rencontre et chaque événement pouvant survenir en fonction de la situation sportive des clubs.
C’est une étape clé qui précède la mise en place des équipes, qui ouvrent les portes une heure et demie avant le coup d’envoi. Je suis alors au PC Sécurité où je passe le reste de la soirée, avec mes relais sur le terrain à l’oreillette. Le match ? Je le vois très peu, avec le terrain sur ma droite mais surtout, les yeux rivés sur les caméras de surveillance. Le scénario d’un match peut néanmoins impacter alors nous restons vigilants à l’évolution de la rencontre. Une victoire restera toujours plus simple à gérer, c’est évident…
Au coup de sifflet final, la soirée n’est pas terminée…
Les supporters adverses sont acheminés vers leurs bus puis encadrés sur le trajet défini en amont une demi-heure après le coup de sifflet final, en règle générale. Pour ma part, j’ai une nouvelle réunion avec les délégués pour débriefer la rencontre puis je quitte le stade à H+4 en général. Je peux alors enfin relâcher un peu la pression et si la victoire est au rendez-vous, c’est encore mieux, même si tout le monde dort déjà quand j’arrive à la maison.
