Football – Stade Rennais : « Il y a plus de chances que Rennes se maintienne que l’inverse »

Interview croisée Stade Rennais.
Vincent Simonneaux et Guillaume Lainé livrent leur éclairage sur la crise traversée par le Stade Rennais. @Crédits photos : Vincent Simonneaux et Guillaume Lainé.

L’un comme l’autre, avec des émotions bien différentes, vivent au plus près la saison compliquée du Stade Rennais. Vincent Simonneaux de TV Rennes, parmi les plus anciens suiveurs du Stade Rennais en activité et Guillaume Lainé, journaliste à Ouest-France arrivé la saison passée, ont accepté de livrer leur éclairage sur la crise traversée et les ressorts pour en sortir. Un débat appelant à la passion, la mesure et l’optimisme, malgré tout !

Vincent, Guillaume, entrons dans le vif du sujet : pensez-vous que le Stade Rennais traverse la plus grosse crise de son histoire moderne ?

Vincent Simonneaux : Depuis que la famille Pinault a pris le club, oui, incontestablement. Avant, et je l’ai connue, il y a eu la D2, l’ascenseur, un club parfois proche de la faillite avec la Mairie obligée de remettre de l’argent et des situations d’urgence, des grèves… Mais là, c’est de loin la plus grosse crise, d’autant plus au regard des sommes investies et des moyens dont dispose le club. Quand Rennes n’avait pas autant de ressources, cela pouvait passer, c’était accepté, mais là, c’est compliqué même si on a à peine franchi la mi-saison et que rien n’est terminé ou définitif, bien entendu.

Guillaume Lainé : La plus grosse crise, je ne sais pas mais en tous cas, la crispation est évidente, comme l’a démontrée l’interview d’Arnaud Pouille dans les colonnes d’Ouest-France et la sortie de Seko Fofana à Monaco. La prise de conscience d’une situation grave est là, les problèmes sont identifiés et surtout il y a la décision de réparer et modifier ce qui peut l’être, à tous les niveaux.

Cette crise arrive au pire moment, en période de mercato, où la stabilité est totalement mise à mal avec un avenir incertain aussi pour les joueurs, qui savent bien que les choses peuvent bouger. Tout le monde sait que de multiples erreurs ont été commises, des actionnaires aux joueurs, mais il reste quand même du temps.

« D’autres clubs vivent ou vécu cela »

Rennes joue-t-il objectivement aujourd’hui le maintien ?

G.L. : Quinze matchs, c’est beaucoup pour rebondir et je préfère attendre fin février pour me prononcer sur le véritable objectif 2025 de cette équipe. Tout va dépendre de l’équipe qui sera en place à Saint-Etienne, le 8 février, après la fin du mercato qui va redessiner un nouveau onze et offrir une nouvelle donne. Reste à savoir si ce nouvel effectif va prendre, que ce soit entre les joueurs ou avec le staff. De cela dépendra évidemment la suite…

V.S. : C’est en tous cas la pire demi-saison jouée depuis très longtemps, dans le jeu et dans les résultats. De plus, il y avait les saisons précédentes de l’incarnation, les supporters pouvaient s’identifier mais là, c’est très compliqué. Personne ne connaissait les joueurs arrivés et ça n’a pas pris. Il faudrait être fou aujourd’hui pour ne pas être conscient du danger réel d’une lutte pour le maintien mais je reste persuadé qu’il y a plus de chances que Rennes se maintienne que l’inverse. Le club a des fondations solides, il y a quand même de la qualité dans cet effectif. Alors être tranquille, non, certainement pas, mais conscient du danger, oui !

« Il ne fallait pas oublier les trois derniers mois de la saison précédente, qui annonçaient un peu cela »

G.L. : De gros risques ont été pris cet été, entre les départs de joueurs majeurs, qui se sont quasiment tous imposés à la direction et le recrutement de garçons méconnus. Strasbourg a eu la même politique, avec le choix de beaucoup de jeunes, inconnus pour la plupart, et un entraîneur lui aussi peu connu du grand public mais calibré pour accompagner et développer des jeunes.

Cela ne marche pas trop mal là-bas mais le modèle est à risques. A Rennes, ça n’a pas pris. Personne n’a dit ou écrit l’été dernier que Rennes partait avec des certitudes. De plus, il ne fallait pas oublier les trois derniers mois de la saison précédente, qui annonçaient un peu cela.

Vous évoquez ainsi la mauvaise série et la prolongation de Julien Stéphan ?

V.S. : Cette prolongation, dans le moment où elle est actée, n’était pas totalement illogique sportivement, il y avait une bonne série… sauf que le vestiaire n’en voulait sans doute pas. Nous l’avons appris par la suite. Entre les joueurs et le coach, cela ne fonctionnait plus et il se dit que  beaucoup ne voulaient plus travailler avec Julien Stéphan. On peut même remonter au mois d’avril 2023 où Bruno Genesio ne veut plus continuer mais prolonge tout de même. L’addition de toutes ces mauvaises décisions a fini par briser tout ce qui avait été construit jusque-là.

L’arrivée de Jorge Sampaoli ne semble pourtant pas avoir changé grand-chose, loin de là…

G.L. : A son arrivée, il y a un gros déficit de confiance, de repères, c’est certain. En janvier, ce fut légèrement mieux dans les contenus, même si les résultats n’ont pas été au bout. L’échec du technicien argentin est de ne pas avoir redonné confiance à cet effectif. Pour autant, j’essaie de rester relativement optimiste.

Rennes, ce n’est pas non plus un effectif avec des joueurs de district et il y a de la maturité et de l’expérience dans cet effectif. Les choses peuvent tourner, rapidement mais il faut accepter que cette saison est plus difficile que les autres. Quand cela arrive, c’est souvent la conséquence, comme vient de le dire Vincent, de l’accumulation de mauvais choix. Les mauvais cycles ne s’enclenchent et ne durent jamais par hasard.

D’autres clubs ont vécu ou vivent cela !

G.L. : Il y a quelques saisons, Lille a failli mettre la clé sous la porte, Bordeaux est tombé. Pensez aussi à un club comme l’OL qui n’a pas joué l’Europe pendant plusieurs saisons, avec son palmarès récent, son budget, son stade, ce n’est pas rien ! Quand une stratégie et une mise en place n’y sont pas, le terrain finit tôt ou tard par le refléter et il est plus compliqué de construire et d’entretenir un cycle positif que l’inverse. Les choses vont se remettre en place mais en attendant, il faut faire le dos rond.

V.S. : Pour les supporters, évidemment, ce n’est pas simple. Certains, qui ont une vingtaine d’années, n’ont jamais connu les années noires, et la Ligue 2. Le recul n’est pas évident à prendre. Quand j’avais dit – et on me le ressort beaucoup ces temps-ci – qu’il faudrait être là quand ça irait moins bien, je parlais plutôt d’une descente en Ligue 2 que de ce que nous vivons aujourd’hui. L’action menée par les supporters contre Brest, avec les messages et le silence, a été organisée, pensée et avait pour but de marquer le coup, et je pense que c’est très bien.

« Sans ses supporters, le Stade Rennais ne s’en sortira pas ! »

Il y a ensuite eu une rencontre avec le coach et le président, dont rien n’a filtré. J’imagine et j’espère que l’union sacrée y a été décrétée et ce serait une excellente chose. Tant mieux si nous ne sommes pas passés par la case violence mais je le répète, je ne crois pas que cela soit dans l’ADN Stade Rennais. Rennes a besoin de son public, qui est intelligent, éduqué et responsable, pour sortir de l’ornière et aller mieux. Je suis certain que le douzième homme sera là, efficace, contre Strasbourg !

G.L. : Rennes a besoin de son public pour s’en sortir, ne doit pas avoir une chape de plomb supplémentaire à domicile. Sans ses supporters, le Stade Rennais ne s’en sortira pas ! Là, l’union sacrée est décrétée, et il n’y a plus d’intérêt à revendiquer. Le message est passé, tout le monde au club a conscience des erreurs commises et veut avancer. Le mercato sera décisif.

La situation actuelle modifie-t-elle ou conditionne-t-elle votre approche du métier et votre traitement du Stade Rennais au quotidien ?

V.S. : Elle ne modifie ni mon quotidien, ni mon amour du club. Pas plus mon métier mais je découvre encore des choses. J’ai par exemple à ma grande surprise constaté qu’un simple Tweet pouvait déranger ou heurter jusqu’au plus haut du club. Franchement, je n’aurais pas cru.

G.L. : Ne vous y trompez pas, l’actionnaire est très vexé de la situation actuelle, par ce qui se dit et se passe. Leur investissement dans le club garde aussi une dimension émotionnelle donc forcément, quand quelqu’un appuie là où cela fait mal… Maintenant, dans ces situations-là, on le sait, notre boulot n’est pas simplifié mais au-delà du Stade Rennais, c’est le football qui veut cela. Ça se ferme, ça se crispe. Encore une fois, Rennes n’est pas à part quand une période négative est là. Ces histoires de forces obscures, de climat pesant, c’est partout la même chose quand les résultats ne sont pas alignés avec les ambitions.

V.S. : Comme tout supporter, c’est plus difficile quand ça va mal, mais je m’attache à prendre du recul, à être factuel. L’émotion ne doit pas être au premier plan et il faut du recul pour mieux comprendre ce qui se passe. D’ailleurs, dans cet ordre d’idée, j’ajoute que je suis ravi que nous n’ayons pas que des journalistes ou suiveurs dans Pleine Lucarne qui soient supporters du club. Cette pluralité autour de la table, avec différentes couleurs, est à mes yeux une richesse.

Guillaume, vous n’êtes ainsi à Rennes que depuis deux ans…

G.L. : Jeune, j’ai été supporter d’un club et j’allais au match avec mon grand-père, les souvenirs sont là mais je n’aime plus m’attacher à un club. J’ai longtemps suivi Caen, qui était dans une instabilité permanente de résultats. Je pense que pour suivre un club – c’est mon opinion -, c’est difficile d’être supporter.

L’émotion doit se transmettre à travers notre traitement mais je m’impose aussi de prendre du recul et d’être concentré dans un traitement journalistique des choses. Il est vrai que pour cela, aujourd’hui, les réseaux sociaux n’aident pas mais cela me paraît indispensable pour bien travailler. La vox populi résonne parfois très fort et les excès sont souvent incompatibles avec une analyse juste.

Le mot de la fin, avec un peu d’optimisme ?

V.S. : Sincèrement, je suis convaincu que l’équipe – et le club – va sortir de cette mauvaise passe mais il s’agit de ne jamais oublier que l’histoire a démarré bien au-delà de cette saison, où de la décennie. Quelle que soit l’issue de la saison, le Stade Rennais restera mon club, je l’aime profondément et j’espère qu’il franchira cette mauvaise période comme il en a passé d’autres.

G.L. : La saison est encore longue. Aux joueurs sur le terrain et au staff, avec eux, de retrouver stabilité et confiance pour rebondir et retrouver un peu de sérénité. Tout le monde veut changer les choses et cela se fera. Pour moi, il faudra plusieurs mois pour sortir de cette mauvaise période. Mais les beaux jours reviendront, tôt ou tard…

Signature de l'auteur, Julien Bouguerra.