Tennis de table – TFTT : Vincent Picard : « La Fédération investit sur les joueurs du Top 5. Au-delà, c’est à nous de tout payer… »

Entretien avec Vincent Picard.
La rage de vaincre de Vincent Picard. @Crédit photo : JRS

Originaire de Nancy et passé par nombreux clubs pendant son adolescence, Vincent Picard (23 ans) s’est depuis fixé en Bretagne et dispute sa quatrième saison avec Thorigné. Retour avec lui sur la bonne phase aller du TFTT, mais aussi sur le quotidien d’un joueur de ping, entre classement individuel, déplacements, recherche de sponsors et charges financières.

À mi-parcours, Thorigné réalise une première partie de saison probante et pointe à la cinquième place de Pro A. Quel est ton regard sur cette phase aller ?

C’est clairement notre meilleur début de saison en Pro A, car nous avions plutôt mal commencé les années précédentes. Là, nous sommes très bien positionnés et nous sommes déjà presque sûr d’être maintenus. L’important est que l’équipe tourne bien, mais comme il y a des performances individuelles à l’intérieur des rencontres, à titre personnel, c’est plus mitigé. J’ai trois victoires pour cinq défaites et par rapport aux joueurs que j’ai affrontés, il y a au moins un ou deux matchs que j’aurais pu prendre.

Ce qui est le plus frustrant, c’est que j’ai le sentiment d’avoir progressé. Avec la reprise tardive du championnat et l’enchaînement des matchs qui s’en est suivi, je n’ai pas fait beaucoup de compétitions individuelles sur ce début de saison et cela m’a permis de m’entraîner davantage, mais ça ne paye pas encore dans les résultats. Je sais que ça prend du temps, mais c’est frustrant.

Tu disputes ta quatrième saison au TFTT. Etait-ce un souhait de ta part de te stabiliser ici ?

Mon souhait a toujours été de rester longtemps dans un club. Je me sens très bien à Thorigné-Fouillard et je commence à connaître pas mal de monde, que ce soit les bénévoles, les supporters et les joueurs du club. Je connais notamment très bien Jules et c’est toujours mieux d’être dans une équipe avec des gens que tu apprécies. Évidemment, le dernier mot revient aux dirigeants, mais pour ma part, je souhaite rester. Avec tous les déplacements et les voyages que nous faisons, on essaie aussi de trouver un peu de stabilité.

À côté des matchs en club, il y a aussi le calendrier individuel pour le classement mondial. Comment t’organises-tu ?

Pour participer aux différents tournois, il y a un formulaire à remplir à peu près un mois avant, par le biais de la Fédération. Il y a une limite de joueurs par pays, en général les dix meilleurs donc il ne faut pas trop descendre au classement. Comme le classement est mis à jour chaque semaine et qu’il prend en compte les huit meilleurs résultats sur une année, je vais essayer de jouer davantage de tournois sur la deuxième partie de saison pour rattraper le retard cumulé sur la première phase (ndlr : dès le 4 janvier, il part à Doha puis à Oman).

Pour l’instant, je n’ai fait que quatre tournois, contre huit l’année dernière à la même époque. J’étais au Pérou début-août, au Kazakhstan mi-septembre, et en Italie et au Portugal il y a quelques semaines. J’ai progressé en pouvant m’entraîner davantage, mais de l’autre côté, comme j’ai fait moins de tournois, j’ai aussi perdu des points.

« L’année dernière, tout confondu, ça m’a coûté environ 15.000€ »

On imagine aussi que tout cela a un coût. Comment finances-tu tous ces déplacements ?

Nous nous servons de notre salaire pour financer ça. Il peut y avoir des aides par la Fédération, en fonction du profil des joueurs, mais pour ma part, je n’en ai pas. Avec les Jeux olympiques l’année dernière, ils ont ciblé les 5-6 meilleurs joueurs français pour les accompagner et ça a porté ses fruits avec les différentes médailles, mais pour les joueurs derrière, nous avons tout payé. La région ne nous finance pas non plus, donc parfois, c’est compliqué.

Nous avons des sponsors qui nous aident sur l’équipement et, en fonction de notre classement, nous pouvons avoir une petite rallonge, notamment quand tu rentres dans le top 100. Nous pouvons essayer de trouver des partenaires privés, mais ça reste compliqué, car ce n’est pas notre métier. Néanmoins, je travaille là-dessus et j’ai monté un dossier pour expliquer mon parcours, pourquoi j’ai besoin d’aides financières et aussi ce que je peux apporter de mon côté aux éventuels partenaires. Je travaille pour en trouver pour la saison 2025.

Pour nous donner un ordre d’idée, quelles sont les dépenses à ta charge ?

Par exemple, pour aller au Pérou en début de saison, les billets d’avion m’ont coûté 1700€, auxquels il fallait rajouter les nuits d’hôtels, donc cela est monté vers les 2500€ au total. C’est très cher et en plus, les hôtels sont imposés et nous sommes obligés de payer trois nuits. Nous prenons d’ailleurs régulièrement une chambre-double pour réduire les frais.

Sur ce tournoi, j’ai gagné 500€ en simple, 400€ en double hommes et 500€ en double mixte. Vous faites le calcul. L’année dernière, tout confondu, ça m’a coûté environ 15000€. Il faut pouvoir gagner des places au classement mondial pour s’offrir un peu de visibilité et, toujours en fonction des résultats, être aidé sur certains tournois. Par exemple, dans mon groupe, quand tu bats trois joueurs ou plus du top 100, tu as deux tournois pris en charge, mais les moins chers.

Et à côté, même si certains matchs sont déplacés, il faut aussi être présent pour le club. Au Portugal, je suis arrivé le dimanche, j’ai perdu au premier tour le lundi midi et j’étais à La Romagne le lundi soir pour jouer en championnat le lendemain. L’avantage que j’ai, c’est que j’ai pu mettre de l’argent de côté quand j’étais plus jeune. J’étais déjà payé en N1 et comme j’avais des bons résultats en junior, la fédération et ma famille m’aidaient à côté. Je pense que sans ça, ça serait plus compliqué.

Signature du journaliste.