Ancien disc-jockey et animateur radio, Alain Rousseau termine sa dix-neuvième saison en tant que speaker du Stade Rennais. À l’aube de la « vingtaine », il se remémore avec nous les grands moments vécus au Roazhon Park et nous fait découvrir un métier pas comme les autres, non sans quelques anecdotes croustillantes.
Comment s’est passée ton arrivée au Stade Rennais ?
Avant de devenir le speaker du Stade Rennais, j’officiais à Angers et dans le handball. Un jour, on me dit que Rennes recherche quelqu’un et je me retrouve à passer des tests avec cinq autres speakers au stade de la Route de Lorient. Le stade était vide et nous devions simuler des annonces au micro, comme des changements ou des buts. Finalement je suis pris et je commence l’aventure aux côtés de Jacky Sourget en 2003. Nous avons bien rigolé ensemble. Il y avait un peu de pression au départ mais Jacky m’a bien aidé. Il connaissait les codes et j’ai pu m’habituer au stade en partie grâce à lui. Les gens du club m’ont aussi mis dans des bonnes conditions. Nous avions chacun notre micro et nous avions des rôles bien précis. Lui s’occupait plutôt de l’ambiance hors match, alors que de mon côté, je m’occupais plutôt de la rencontre en elle-même.
Qu’est-ce qui a changé en 20 ans ?
Il y a eu beaucoup de changements. Maintenant je suis tout seul au micro et je suis équipé d’oreillettes. Les écrans géants diffusent des tas d’informations, les publicités… Le club a également beaucoup changé, tout comme l’ambiance au stade. C’est incroyable d’être quasiment tout le temps à guichets fermés, ce n’était pas le cas avant. J’en profite au maximum, car je sais aussi que je suis dans un milieu où tout peut s’arrêter du jour au lendemain.
« Il y a ce fameux derby face Nantes en 2016, avec l’appel des chauffeurs de bus. Nous avions déjà les oreillettes à l’époque et j’entends : « Il faut que tu fasses une annonce, il faut que tu appelles les chauffeurs. » Je me suis même demandé si c’était une blague. »
Justement au niveau de l’ambiance, il y a eu une vraie bascule !
Il s’est vraiment passé quelque chose en 2019. Même si ça commençait déjà à monter en puissance avec les finales disputées, le curseur a vraiment explosé avec cette victoire en coupe de France. Avant ça, je n’avais jamais vu les gens sauter dans les autres tribunes et c’est désormais coutumier. Je pense également que le public s’est rajeuni, avec plus de supporters actifs. Au-delà des matchs, le constat est similaire en ville. Il y a une atmosphère différente et, les jours de coupe d’Europe par exemple, on ressent une certaine effervescence.
Comment prépares-tu les matchs ?
En général, je reçois les textes la veille du match, ou le vendredi quand la rencontre se déroule le dimanche. Ensuite, il y a un tout un travail de recueil d’informations. Nous avons un groupe avec les autres speakers et il m’arrive d’appeler les confrères pour connaître la prononciation de certains joueurs adverses. Je m’informe également sur une éventuelle minute d’hommage. Enfin pour compléter, je lis la presse et il m’arrive d’aller faire un tour sur les réseaux sociaux.
Y-a-t-il a des rencontres qui t’ont particulièrement marqué ?
Instinctivement, je dirais le Rennes-Marseille de 2008. Un match fou qui se termine à quatre buts partout. Sinon, il y a les finales au stade de France, ainsi que les envahissements de terrain en demi-finales au Roazhon Park. Les soirs de coupe d’Europe aussi, il y a un parfum particulier. Le match contre Arsenal reste évidemment dans les mémoires. Même s’il y a un regret de n’avoir pu accueillir que 5.000 personnes, entendre l’hymne de la Ligue des Champions au Roazhon Park fut un grand moment. Tu sens que tu es dans la catégorie au-dessus et que tout est millimétré. Et puis bien sûr, il y a ce fameux derby face Nantes en 2016, avec l’appel des chauffeurs de bus. Nous avions déjà les oreillettes à l’époque et j’entends : « Il faut que tu fasses une annonce, il faut que tu appelles les chauffeurs. » Je me suis même demandé si c’était une blague. Nous n’avions pas leurs numéros et le délégué me confirme qu’il faut les appeler aux haut-parleurs. C’était avant tout une question de sécurité.
« Les rapports ont pas mal changé avec les joueurs. Nous avions plus de proximité avec eux il y a quelques années. Récemment, j’avais laissé le micro à Eduardo Camavinga pour qu’il annonce le but de Serhou Guirassy face au PSG. »
As-tu d’autres anecdotes marquantes ?
J’en ai quelques-unes. J’ai déjà loupé plusieurs buts. Une fois parce que j’étais aux toilettes et une autre fois parce que j’étais dans l’ascenseur. Heureusement, on m’a donné le nom du buteur au moment de l’annoncer au micro. L’anecdote la plus marquante est sans aucun doute celle du jour de l’inauguration du stade en 2004. L’équipe de France venait à Rennes pour l’occasion. Avec Jacky, nous préparions le match et il était prévu que le Président de la Fédération coupe un ruban afin que des ballons s’envolent. Mais, pendant la préparation, Jacky a coupé le ruban et les ballons se sont envolés avant l’inauguration (rires). Nous avions aussi l’habitude de faire des repas ou d’aller boire des coups avec les joueurs. À l’époque avec Étienne Didot, Alexander Frei ou encore Olivier Monterrubio. Quelques années plus tard, je me souviens avoir bien fêté le départ de Rod Fanni à Marseille. Et puis il y a eu le retour de Yoann Gourcuff, l’ovation qu’il a reçue était impressionnante.
As-tu parfois des demandes spéciales de la part des joueurs ?
Les rapports ont pas mal changé avec les joueurs. Nous avions plus de proximité avec eux il y a quelques années. Récemment, j’avais laissé le micro à Eduardo Camavinga pour qu’il annonce le but de Serhou Guirassy face au Paris Saint-Germain. Je l’avais également fait avec la journaliste Margot Dumont pour qu’elle annonce le temps additionnel, et avec Laurent Paganelli. Cependant, ça reste quelque chose de très normé. Il ne faut pas être irrespectueux envers l’équipe adverse. Il y a des moments qui sont plus propices au chambrage, comme le challenge du pot Malo à la mi-temps.
Que ressens-tu lors de l’annonce des buts ?
C’est très sympa quand tu vois qui a marqué et c’est plus facile. Néanmoins, depuis qu’il y a VAR, c’est un peu différent. Avant, dès que l’arbitre validait le but, tu pouvais te lâcher instantanément. Dorénavant il faut attendre, et heureusement qu’il y a la musique pour patienter. Personnellement, j’adore faire la composition d’équipe, je trouve ça génial. Parfois, je peux aller sur la pelouse pour la faire et c’est un vrai bonheur. Annoncer l’hymne breton, c’est aussi un moment particulier. Pourrais-tu faire comme à Lens, avec une composition personnalisée pour chaque joueur ? D’abord, il faudrait que le club et les joueurs soient d’acco. Le speaker de Lens a la particularité d’être un ancien capo, c’est davantage un ambianceur. Ça passe bien à Lens, mais il faut voir ailleurs. Je pense qu’il faut plutôt trouver quelque chose qui se démarque dans chaque stade. Il a également fait participer un jeune à l’annonce des joueurs et ça par exemple, je pense que ça serait jouable à Rennes. Pour ma part, j’étais l’un des premiers à scander le nom du buteur à trois reprises. Il faut que chacun amène sa patte.