Gardienne du Saint-Grégoire RMH, « Maki », comme tout le monde l’appelle du côté de la Ricoquais, est une observatrice très attentive de son sport, de la condition féminine dans le milieu du sport et de l’avenir d’un club où elle se sent parfaitement bien, au point de prolonger l’aventure de deux ans.
Mal embarqué avant la trêve au classement, le SGRMH va beaucoup mieux en 2023. Quelles explications donnes-tu à ce redressement ?
Sur le plan des résultats et du jeu, ça va mieux, c’est vrai, nous prenons des points, on a plus de constance dans le jeu. Je pense que le fait que nous soyons au complet, en dehors hélas des blessures de longue durée de Melissa Delalande et Manon Sol, a permis d’être plus stables et efficaces dans les deux zones du terrain. Nous savions que la défense était plus solide et régulière, nous sommes désormais mieux en attaque et cela s’en ressent dans les résultats. L’équipe est en progrès.
Le match amical remporté contre la Stella ou la victoire en championnat à Sambre ont, semble-t-il, libéré le groupe…
On se rend compte depuis le retour de la trêve, que ce championnat va être de plus en plus ouvert au fil des journées. Noisy a récemment battu la Stella, nous sommes parvenues à gagner à Sambre, tous les matchs sont très disputés. Je pense que plus nous approcherons de la fin, plus les matchs seront compliqués à gagner pour tout le monde. Dans ce contexte, nous jouons sans retenue ni crainte, conscientes que si on donne 100 % et que l’on parvient à reproduire en match ce que l’on travaille à l’entraînement, nous gagnerons d’autres matchs.
Sur le plan personnel, quelle place occupes-tu au sein de ce groupe, que ce soit sur le terrain comme au quotidien. On t’imagine aisément leader ?
Je ne suis pas forcément quelqu’un qui parle énormément, qui crie ou dit ce qu’il faut faire. J’exprime mon avis quand cela m’est demandé ou que c’est nécessaire et je sais aussi être là pour donner de la voix quand il y a un temps faible dans le jeu, qu’il faut remobiliser et remotiver tout le monde. En cela, le poste de gardienne est très spécifique.
C’est-à-dire ?
Quand tu es dans les buts, tu as une vision du jeu encore différente et parfois, on voit des petites choses que l’on peut signaler, dire aux coéquipières ou staff pour les corriger. Après, il faut être concentrée en permanence, cela est parfois épuisant, physiquement comme mentalement. Tu es seule une fois dans le but, tu dois être en alerte tout le temps, sentir le jeu, avoir en tête ce qui a été vu en vidéo en semaine sur les tirs d’untelle ou untelle et être capable physiquement de faire ce qu’il faut en fonction. Quand une gardienne se loupe, il n’y a pas personne derrière pour rattraper le truc et nos performances impulsent une dynamique à l’équipe. Quand on réussit un, deux, trois arrêts de rang, on peut donner de la confiance, de la force. L’inverse vaut aussi avec le doute. Il y a beaucoup de pression sur ce poste et cela rend parfois compliqué le fait d’être leader sur le terrain en même temps.
Avoir un entraîneur des gardiennes, Jean-Paul Sagnal, est-il un vrai plus au-delà de l’évident apport technique tout au long de la semaine ? Tous les clubs n’en ont pas…
C’est clair, même en D1 masculine ou féminine, parfois, il n’y a pas d’entraîneur des gardiens alors que ce poste demande une connaissance vraiment spécifique. C’est une très grande chance d’en avoir un ici avec nous. Avec Melissa et « JP », nous sommes une vraie équipe dans l’équipe. Sur les temps morts, la semaine à l’entraînement, jamais, nous, les gardiennes, ne sommes seules et cela permet d’être forcément plus fortes, encore plus concentrées et au fait de ce que l’on fait et que l’on doit faire. De plus, au-delà du handball, Jean-Paul est quelqu’un d’attentif, à l’écoute. Ce n’est pas juste un entraîneur mais aussi quelqu’un avec qui l’on peut échanger sur tous les sujets.
Un mot sur ton binôme, Melissa Gouali, amenée en équipe Une avec la blessure très tôt dans la saison de Manon Sol ?
Elle a relevé le défi et progresse de jour en jour, avec un vrai potentiel. Elle est talentueuse, avec de belles prédispositions au poste et a emmagasiné beaucoup d’expérience. Elle a tout pour faire une belle carrière. Pour Manon, vraiment, sa blessure fut un gros coup dur pour elle mais aussi pour toute l’équipe. Nous avions super bien travaillé tout l’été, ça se passait parfaitement et les premiers matchs également. Cette blessure, c’est beaucoup de tristesse car elle revenait très bien d’une première rupture des croisés, elle avait beaucoup donné mentalement pour cela. C’est très dur à vivre mais je dirais que pour l’avenir, elle est encore jeune. Peut-être que couper un peu du hand va lui faire beaucoup de bien mais je suis certaine que si elle décide de revenir ensuite, elle trouvera sans problème à nouveau un club compétitif. Elle a un excellent niveau et quelles que soient ses envies pour la suite, je lui y souhaite le meilleur !
Tu viens de prolonger de deux saisons au SGRMH. Etait-ce un choix venu naturellement ?
Clairement, avec mon mari, nous sommes parfaitement intégrés ici, on a nos métiers et nous nous plaisons dans la région. J’ai mon travail à côté deux heures par jour quatre jours dans la semaine et cela me permet aussi de voir autre chose que le hand, d’être au contact d’autres personnes et aussi, d’améliorer mon français (rires) ! Il était naturel pour nous de prolonger ici, d’autant plus que le projet du club me plaît. Il veut grandir, être ambitieux, progresser et j’ai de suite adhéré à l’idée de m’inscrire avec cette vision.
Pour grandir, il faudrait une salle résidente pour vous entraîner… Comment vivez-vous encore cette situation ?
Ce n’est pas la faute du club, on le sait, tout est fait pour nous amener les meilleures conditions possibles même si cette année, rien n’a été facile, c’est clair. Nous n’étions pas préparées à cela mais ce n’est pas une excuse à sortir quand on perd un match. Passer de Bréquigny à la Ricoquais, puis à la Glaz, puis à la Ricoquais, forcément, cela fait perdre de l’énergie, surtout mentalement. On se sent baladées un peu partout, nous n’avons pas de chez nous et c’est ça, le plus dur. Normalement, quand tu vas à l’entraînement, tu retrouves les copains, tu veux te donner, sortir fatiguée mais là, avec les trajets, les changements de programme, cela peut parfois peser. Pour autant, nous savons que les dirigeants travaillent au maximum de leurs possibilités pour améliorer cela.
Après les dépôts de bilan à Fleury et Bourg de Péage, la suspension de subventions dans d’autres clubs, la situation du hand féminin a de quoi inquiéter…
On peut parler de la situation du sport féminin tout court. La vérité, c’est que le sport féminin reste discriminé alors qu’il demande tellement plus… Nous sommes professionnelles, comme les hommes mais pourtant, nous vivons des situations qui ne seraient même pas envisageables dans les clubs masculins. On le voit au niveau de l’argent, des conditions d’entraînements, de l’environnement média, il n’y a pas photo ! Pourtant, être sportive de haut niveau demande tellement de sacrifices physiques à une femme : beaucoup d’entre nous travaillent à côté de la pratique de haut niveau, certaines renoncent à être maman un certain temps, nos métabolismes n’imposent pas les mêmes contraintes, on a des risques graves pour notre santé sur le long terme avec les appuis à répétition pouvant impacter notamment le périnée et tant d’autres choses encore. Toutes ces choses-là sont à ajouter à tout ce qu’il faut faire pour atteindre le plus haut niveau et pour autant, l’écart reste important et la considération moindre. Pour que des petites filles aient l’envie de faire du hand, du rugby ou du foot, encore faudrait-il qu’elles puissent s’identifier à des championnes vues à la télé et là encore, l’écart est trop important ! Le sport, ce n’est pas que la compétition, c’est un enjeu de santé et social. Les femmes méritent d’être accompagnées et soutenues bien plus qu’elles ne le sont aujourd’hui. Ce n’est pas qu’une question d’argent ou de compétition, cela va bien au-delà…