Intronisé à la tête de l’équipe fanion de la TA Rennes l’été dernier à la place de l’historique Jacques Le Normand, resté au club, Ludovic Royer s’est fondu sans difficulté dans le moule téaiste. Entre construction, identité de jeu et objectif sportif, échange passionnant avec un entraîneur lucide sur le football d’aujourd’hui.
Après un début de saison productif en points, vous marquez un peu le pas en 2023. La TA Rennes joue le maintien ?
L’an passé, l’équipe s’est sauvée lors de la dernière journée donc personne, ici, n’imaginait une année facile. Avec les cinq descentes au programme, les équipes concernées par le maintien sont nombreuses et nous en faisons partie. La marge de manœuvre est infime et nous voyons bien que si nous ne sommes pas à 100 %, tous impliqués collectivement, cela peut coincer. Nous avons cette chance d’avoir pu prendre pas mal de points lors des premières journées, en ne jouant pas toujours très bien, mais ils ne suffiront pas si nous nous reposons dessus. Il y a du travail et beaucoup d’efforts à faire pour renouveler notre bail à ce niveau, de plus en plus relevé. Et ce n’est qu’un début…
C’est-à-dire ?
Aujourd’hui, il faut bien avoir en tête que nous sommes parmi les plus petits budgets de Nationale 3, toutes poules confondues. L’ADN du club est la formation, c’est elle qui a offert à la TA ses plus belles heures et nous ne sommes pas un club qui recrute ou paie tel ou tel joueur ou du moins qui centre son fonctionnement autour de cela. La refonte des divisions va amener à un niveau de plus en plus élevé, avec aussi, des moyens financiers de plus en plus élevés. L’année prochaine mais aussi les suivantes… A terme, personne ne sait si notre modèle perdurera à un tel niveau mais aujourd’hui, nous sommes fiers d’y évoluer et devons travailler pour rester. Cela sert l’ensemble du club en conservant nos valeurs de travail et d’humilité, qui resteront primordiales.
Votre arrivée au club l’été dernier s’inscrit dans cette volonté de développer les joueurs pour les amener jusqu’à l’équipe première. Est-ce cette politique qui vous a plu et poussé à relever le défi ?
J’avais depuis l’extérieur une certaine vision du club et tout le bien que je pensais de la TA s’est confirmé. J’ai été parfaitement accueilli et je me suis très vite senti à l’aise dans un club à la dimension familiale, avec beaucoup d’importance offerte à la formation, au bien-vivre ensemble. Le projet dépasse le simple classement, c’est une identité et un projet collectif. Il est donc de mon devoir de respecter cela et de travailler pour continuer dans cette voie.
La formation est au centre du débat avec peu de joueurs parvenant à s’imposer en équipe fanion ces dernières saisons. L’un de vos objectifs est-il de ramener des joueurs maison en équipe une ?
C’est clairement l’une des missions identifiées, ce même avant mon arrivée. J’ai un œil sur l’ensemble des équipes seniors et de par mon parcours, plutôt porté sur la formation quand j’étais au Stade Rennais, sur nos jeunes. Le constat a été fait que nous sommes sur un creux générationnel et qu’en dehors de Thomas Belier, qui a aujourd’hui 28 ans, peu de joueurs se sont affirmés en équipe première depuis des années. A 30 ans, Antoine Caroff ou Maxime Blandin sont aussi là, le premier ayant basculé en équipe Une dès les U17, l’autre ayant grimpé équipe par équipe mais à ce jour, c’est trop peu et nous devons y remédier.
Comment l’expliquez-vous ?
Le football évolue, les générations changent, c’est certain. La concurrence est rude, beaucoup de clubs sont compétitifs et l’impatience règne souvent. On veut jouer tout de suite, tout le temps. Je ne sais pas s’il s’agit d’une question de talent, de mentalité ou autre mais le rôle d’un éducateur, au-delà de fixer un cadre, est aussi de s’adapter. On le sait, le joueur, qu’il soit amateur ou pro, est de plus en plus attentif à son image, à ses réseaux sociaux et perd peut-être un peu de sa passion pour le jeu, dans sa pratique comme sa consommation foot. Mais à côté de cela, les garçons sont aussi plus matures, plus vite. Sortir les meilleurs pour les amener dans l’équipe Une demande du temps, de l’accompagnement. Alors oui, la transmission des petits à l’équipe fanion est importante, l’identification aussi à des couleurs, à un style de jeu mais dans la pratique, au quotidien, tout cela n’est pas si simple.
La priorité est-elle de retrouver et maintenir une identité de jeu, la fameuse « manière », quitte à perdre quelques matchs ou à se maintenir, quoi qu’il en coûte, y compris plaisir et spectacle ?
Bien jouer et gagner ne doit jamais être mis en opposition, ce n’est pas du tout incompatible, mais cela demande aussi du temps, des éléments complémentaires inscrits dans le même projet collectif. Cela suppose aussi d’accepter la défaite, des périodes difficiles, sans succès, voire des descentes. Certains clubs à l’ADN très prononcé, quel que soit le sport, sont capables de cela. Aujourd’hui, le défi réside entre l’équilibre à obtenir entre la qualité de jeu, imprimer une identité et l’impératif du résultat. Les joueurs ont besoin de la victoire, c’est la récompense du travail bien fait. Aujourd’hui, tout le monde travaille au club pour rester à ce niveau, afin d’offrir les meilleures perspectives à nos joueurs, pour poursuivre tout ce qui a été fait jusqu’ici. Il faut parfois accepter de gagner coûte que coûte, en ne priorisant pas la manière. La pérennité du club ne dépend pas de la N2,N3 ou R1 mais de notre capacité à continuer de former et développer un projet collant aux valeurs de la TA Rennes. Quand j’ai signé, le maintien n’était pas acté et la division dans laquelle nous étions amenés à évoluer n’a aucune incidence dans ma réflexion. Quoi qu’il allait arriver à l’époque, je voulais venir et vivre cette aventure !
La cohabitation avec Jacques Le Normand, resté au club et désormais directeur sportif, est-elle productive ?
Que ce soit avec Jacques Le Normand ou le président, Jacques Aubry, j’ai à mes côtés les gardiens de la maison et de son esprit. Tout est limpide, clair et constructif. Nous travaillons main dans la main avec cette certitude que les compétences s’additionnent plus qu’elles ne s’affrontent ou se défient. En arrivant, jamais je n’ai imaginé que j’allais tout révolutionner. Jacques a été à la tête de l’équipe 19 ans, cela se respecte et c’est une chance d’avoir quelqu’un qui connait aussi bien le club à mes côtés pour m’aider si j’en ai le besoin, que ce soit à mon arrivée où aujourd’hui. Le football et son fonctionnement va de plus en plus vers des staffs étoffés, un fonctionnement horizontal où tout ne sera plus incarné par une seule personne et cela a aussi du bon, même si j’ai la charge de prendre les décisions.
Pour revenir au terrain, le maintien reste donc pleinement accessible mais nécessitera un investissement total, d’après votre analyse ?
C’est exactement cela. Je le répète, nous n’avons dominé outrageusement aucun adversaire, tout le monde veut garder sa place en N3 et rien ne nous sera donné. Nous n’avons pas de marge et il faudra lutter jusqu’au bout. Les garçons ont les qualités, devront bosser et grandir en validant cet objectif. Si l’état d’esprit affiché est le même que celui qui nous a permis de battre Fougères à 9 contre 11, je suis optimiste. A nous de réussir avec cohésion et solidarité, je sais qu’on en est capables.