Extrait JRS 60 – CRMHB – Sébastien Leriche : « Il ne faut surtout pas banaliser ce que nous réalisons »

La qualité première d’un coach, au-delà de la tactique ou de la poigne, ne doit-elle pas être sa capacité à transmettre ? En la matière, Sébastien Leriche excelle et se montre toujours loquace et généreux au moment de parler handball mais aussi de ses joueurs et de son club, dont il mesure l’évolution et le parcours avec fierté. Un long entretien qui annonce la couleur pour une seconde partie de saison palpitante !

A mi-saison, le CRMHB est à l’équilibre avec autant de victoires que de défaites (7), pour un nul. Etes-vous satisfait ?

Sincèrement, oui, et même très fier de ce qu’ont réalisé les gars. En début de saison, nous souhaitions avec le staff instaurer une nouvelle dynamique à un groupe qui avait pas mal changé. Oui, il fallait garder les très bonnes choses de la saison passée en tête mais ne pas le ressasser non plus en permanence, afin de permettre aussi aux nouveaux de prendre leur place dans cette nouvelle histoire. Les choses ont pris forme au mieux, avec une intégration humainement réussie, puis des résultats qui ont été favorables. Je reste persuadé que cela ne se joue pas à grand-chose et que cette victoire à Ivry (ndlr : 1ère journée) change la donne, impulse la confiance et la sérénité au groupe qui ensuite, réussit à enchaîner en gagnant les matchs qu’il doit gagner. On a plus de points que la saison passée à pareille époque, c’est donc encore mieux même si l’entraîneur exigeant que je suis, avec les autres comme avec moi, reste, convaincu que cela aurait pu être encore mieux…

On pense notamment au mois de décembre, avec quatre défaites et un nul…

Ce mois de décembre, on nous en a parlé de septembre jusqu’à aujourd’hui. On nous le remettait sans cesse dans les dents, en relativisant nos performances ou en nous promettant le pire. Franchement, cela devenait pénible mais au final, cela a peut-être donné un supplément d’âme aux gars qui, avec le recul, étaient tout proches de réussir un très gros mois. Contre Dunkerque et Nîmes, nous perdons d’un tout petit but, soit rien… Contre Aix, je suis convaincu que si nous passons devant quand nous en avons l’occasion en fin de partie, nous pouvons mieux faire. A Paris, on réalise un match très cohérent, solide et on sort la tête haute. Chambéry, enfin, un mois après, je ne l’ai toujours pas digéré. Résister et défendre comme nous l’avons fait là-bas et lâcher la victoire comme ce fut le cas, à trois secondes de la fin. Ce fameux décembre d’enfer, finalement, l’a été sur les points peut-être, mais pas du tout sur le jeu, où nous étions largement au rendez-vous ! Maintenant, on ne doit pas se satisfaire que de cela, et nous devons chercher à mieux faire. L’une des clés est la gestion de nos money-time.

Avec deux à trois points de plus, Cesson pourrait ainsi être dans le top 5 à la trêve ?

Vous rendez-vous compte de quoi on parle ? Les choses sont allées très vite en deux saisons. C’est en cela qu’il faut être heureux, très satisfait de ce qui est réalisé. Cesson dans le top 8, légitime dans ses résultats et performances, c’est une énorme performance. François-Xavier Houlet disait récemment qu’il ne faut jamais banaliser ce qui n’est pas normal et je pense, sans prétention, que notre parcours, eu égard les moyens et les ambitions affichées de nos concurrents, mérite de la reconnaissance. Ne banalisons pas cela, vraiment, car sinon, comment réagirons-nous le jour où les choses tourneront moins bien ? Si Cesson retrouvait sur une saison difficile les luttes pour le maintien, réaliserait-on alors seulement ce que font les joueurs aujourd’hui ? Sincèrement, je tire un grand coup de chapeau à mes gars car ils ont répondu présent lors de chaque match, aujourd’hui, tout le monde craint de venir chez nous, décortique le jeu de Cesson et cherche à nous faire déjouer. Rien que cela, déjà, c’est une grosse satisfaction, d’avoir su confirmer ce qui a été démarré l’an passé. Attention, une fois ce constat fait, nous ne comptons pas nous satisfaire uniquement de cela. La deuxième partie de saison va être difficile, nous ne devons pas nous endormir.

« Je souhaite à tous les entraîneurs du monde d’avoir un capitaine comme Sylvain Hochet »

Au rayon des satisfactions, quels joueurs récoltent les félicitations du jury ?

Je n’aime pas ressortir tel ou tel joueur. Nous ne sommes rien les uns sans les autres mais on ne peut pas passer sous silence l’exceptionnelle adaptation et les performances d’Arnaud Tabarand. Il est monté crescendo en préparation et a mis tout le monde d’accord en début de saison, avec des arrêts nombreux mais surtout décisifs. Pour ses partenaires, il est un motivateur exceptionnel. Après, et il le dit parfaitement, c’est plus simple pour un gardien de performer quand vous avez six mecs qui se battent comme le font les joueurs devant lui en défense ! Dès la préparation, nous avons fait le choix de remettre Romain Briffe en charnière centrale avec Romaric Guillo, avec succès. L’animation défensive est vraiment très intéressante et être l’équipe qui prend le moins de buts dans ce championnat est évidemment une énorme satisfaction.

On sent que vos anciens ont un rôle capital dans votre projet de jeu, qu’ils sont totalement investis…

C’est le cas ! Je souhaite à tous les entraîneurs du monde d’avoir un capitaine comme Sylvain Hochet. Si cette première partie de saison est un peu plus délicate en raison d’un genou douloureux, il n’a jamais été éloigné du groupe, il joue dès que c’est possible et constitue un relais indéfectible. J’ai en Sissou une confiance aveugle, il sait prendre la parole dans les discours de motivation, il apporte encore beaucoup, a le respect des autres de par sa personnalité mais aussi ses performances. A côté de lui, j’ai ma « tête froide » Romaric Guillo, moins chaud que Sissou mais tout aussi précieux, qui réalise à mes yeux un de ses meilleurs débuts de saison en pro. Les gens n’évaluent pas à sa juste valeur son impact et la qualité de ses performances. Je sais ce que je dois à ces deux-là, eux aussi sans doute et c’est un confort de compter deux joueurs aimant aussi sincèrement leur club, leurs partenaires, leur staff, ou plus simplement, les autres.

Robin Molinié et Romain Briffe, dans un autre registre, sont-ils également deux autres précieux supports ?

La relation est différente parce qu’ils sont plus des leaders de jeu. Sissou et Romaric sont mon capitaine et mon vice-capitaine. Robin, les équipes adverses ont appris à lire ses performances, ses shoots, le surveillent comme le lait sur le feu. Nous réfléchissons à d’autres manières de le mettre encore plus en valeur mais cela montre aussi à quel point sa saison de l’an passé était exceptionnelle ! Nous avons eu un joueur de Cesson dans le 7 de l’année, cela ne doit pas non plus être galvaudé ! Lui se voyait comme un très bon joueur de D2 quand il est arrivé, voyez où nous sommes arrivés ensemble. Nous avons plutôt bien travaillé, non ? Romain Briffe, lui, est incroyable dans sa dimension à être aussi bon pour défendre qu’attaquer, et ce à n’importe quel poste. C’est un caractère à gérer, on a appris à fonctionner ensemble.

Les ailiers sont aussi souvent en vue, à l’image de Youenn Cardinal, meilleur buteur de l’équipe ou de Junior Tuzolana, en grosse progression. Attendez-vous encore plus d’eux ?

Oui, et ils le savent. Non pas qu’ils ne donnent pas satisfaction, au contraire, mais parce qu’aujourd’hui, le poste d’ailier est ingrat et ultra exigeant. Le ballon arrive désormais de plus en plus rarement sur attaque placée, et le jeu de contre-attaque est le plus adapté pour eux s’ils veulent marquer. Quand une occasion se présente, il faut faire mouche, à l’image d’un joueur comme Ilic à Toulouse capable de claquer un 13/13 ! Aujourd’hui, un ailier doit aller chercher un 80 %, être clinique sur chaque occasion qui se présente. Un ailier, ça doit être avant tout un “tueur” à la finition, peu importe le nombre de ballons qu’il a dans un match. Youenn a digéré l’arrivée l’an passé de Théo Caussé, qui l’a mis dans une vraie concurrence et a passé un cap, progressé dans son approche de la performance. Junior est aussi en pleine évolution, il a une caisse phénoménale, peut répéter les efforts et va très vite. Il doit gagner encore en justesse et je suis sûr qu’il va le faire.

«  Nous sommes jugés en permanence dans l’instantanéité par les résultats. Ces questions se poseront forcément, laissons les dirigeants diriger et les sportifs travailler »

A la trêve, vous êtes la meilleure défense du championnat mais aussi l’équipe qui marque le moins. Comment expliquer ce contraste et comment améliorer l’efficacité offensive ?

La base défensive est là, avec des certitudes, cette envie farouche de défendre tous ensemble et de poser des soucis à tous nos adversaires. Après, si nous terminons huitièmes en gardant cette particularité, ça ne me dérange pas ! Nous réfléchissons en permanence aux axes de progression possibles, à ce que nous pouvons faire varier. Une chose est sûre, c’est que physiquement, nous lâchons beaucoup d’énergie à défendre. Nous avons aussi un ou deux changements en permanence, ce qui ralentit sûrement le rythme de nos rencontres. Mais c’est un choix assumé de ma part. En attaque, peut-être faut-il en faire encore un peu plus individuellement, oui nous devons améliorer notre efficacité mais les efforts y sont, le travail aussi. J’en ai marre d’entendre que nous faisons briller les gardiens adverses, c’est faux, nos adversaires aussi travaillent, nous décortiquent, maîtrisent les palettes de nos tirs. La densité du championnat est énorme et c’est à nous de trouver les solutions.

Quelle sera l’ambition du CRMHB sur cette seconde partie de saison, avec un calendrier piégeux fait de visites des gros à domicile et de déplacements chez des équipes jouant leur peau…

Nous voulons continuer dans notre dynamique, rester cohérents sans parler d’un objectif chiffré. Aujourd’hui, il y a un ventre mou très élargi qui peut prétendre à l’Europe comme terminer 10e… Nous sommes dedans et c’est déjà quelque chose de très bien, que nous voulons conforter. Terminer 8e serait très bien mais 11e, avec cette densité, ne serait pas un échec. Le club doit grandir pas à pas, avec une volonté d’avancer saison après saison. Concernant le calendrier, oui, il est piégeux, c’est bien le terme car je ne crois pas que ce soit un cadeau d’aller jouer Istres, Chartres ou Créteil chez eux. Nous ne savons que trop bien ce que représente une lutte pour le maintien avec ces matchs-là que nos adversaires voudront gagner coûte que coûte. A domicile, si nous avons le bonheur de bien négocier la reprise en février, nous allons avoir de magnifiques affiches à vivre avec les venues de Nantes, Paris et Montpellier notamment, libérés avec l’envie de vibrer et partager.

Le plaisir est-il l’un des moteurs des ambitions cessonnaises ?

Je pense qu’il est primordial que cette notion transpire de notre équipe, j’y tiens vraiment. Nous devons offrir du jeu, du spectacle, des émotions et si les joueurs en prennent, il est rare que cela ne soit pas partagé. J’entends ici et là que nous prenons peu de buts et en marquons peu mais on ne résume pas la qualité d’un match au nombre de buts inscrits. On peut pendre autant de plaisir à regarder un match se terminant à 25-24 qu’un autre se concluant à 38-37. Moi je prends un plaisir dingue à voir mes gars rincés, épuisés, mais pourtant debout, héroïques et gaillards en défense, ne laissant pas une miette, comme à Chambéry. C’était incroyable ! Chacun a sa sensibilité mais le plaisir, on le prend aussi dans la bataille, il doit être une force pour nous.

De nombreux joueurs, et vous-même, avez prolongé jusqu’en 2025. Peut-on y voir un cap à atteindre mais aussi une date charnière dans l’histoire du club ?

Ça, je ne sais pas, c’est impossible d’y répondre aujourd’hui même si bien sûr, on a l’envie de voir, de se projeter, de savoir jusqu’où le club peut et veut aller. Il reste deux saisons et demie avant cette échéance. Sportivement, c’est très long. Nous sommes jugés en permanence dans l’instantanéité par les résultats. Ces questions se poseront forcément, laissons les dirigeants diriger et les sportifs travailler. Chacun doit savoir rester à sa place. C’est le projet du club qui doit se dessiner dès aujourd’hui, à nous, sur le terrain, de lui offrir le plus bel éventail d’ambitions possibles par les résultats pour continuer d’écrire l’histoire du club. Ce que je sais, c’est que le club a longtemps attendu une salle. Nous l’avons avec ce superbe outil qu’est la Glaz Arena. Puis il a ensuite fallu remonter, se maintenir, ce fut fait. Ensuite, il fallait des résultats pour faire venir du monde, nous les avons. Tout cela est la réussite de tout un club, pas seulement du sportif. Nous devons continuer de nous montrer ambitieux. La suite est à écrire.