Il est comme ça, « Biggy ». Souriant et volontiers chambreur au moment d’interrompre une partie de babyfoot entre salariés du club pour s’installer et nous répondre, le latéral gauche norvégien du SRFC n’est pas du genre à se prendre la tête, ni à se défiler au moment de l’interview. Bretagne, coupe du monde, ambitions, Erling Haaland… : rien n’est oublié, le tout dans un français impeccable !
Tu es arrivé à Rennes il y a un an et demi. Comment te sens-tu en Bretagne au quotidien ? Est-ce très différent de Nîmes ?
On m’avait parlé du temps… Je viens de l’Ouest de la Norvège donc ce temps-là, ça me va très bien ! Bon, ma femme, elle, aurait sans doute préféré le temps du sud. Moi, j’aime quand il y a un peu de pluie et de vent. L’été dernier a été trop chaud pour moi (rires) ! Pour ce qui est de la ville, elle me plait, pas trop grande, l’ambiance y est chaleureuse avec les étudiants et du mouvement permanent. Ça vit bien, c’est animé et on essaie avec ma femme d’en profiter dans de petits restaurants, des cafés. Ici, on peut se promener très tranquillement sans être embêté. Si quelqu’un veut une photo, je le fais avec plaisir mais tout le monde est toujours respectueux, c’est top. Nous aimons la vie que l’on a ici.
D’autant plus que ton premier enfant est né ici…
Birk est né ici, à Saint-Grégoire, c’est un Breton ! Rien que pour cela, Rennes, quoi qu’il arrive, aura toujours un sens particulier pour moi et ma famille, c’est sûr, avec cet attachement à part à la ville, bien au-delà du foot.
Tu parles parfaitement français, ou presque. Quel est ton secret ?
J’ai eu de la chance car à l’école, en Norvège, quand tu as 13 ans, tu dois choisir une troisième langue et j’ai pris français. Cinq ans à l’école, ça sert et les bases étaient déjà là. Quand je suis arrivé en France, j’avais déjà des notions de conjugaison, les auxiliaires avoir et être, des verbes importants. Mais avant de signer à Nîmes, j’ai aussi appelé des joueurs norvégiens qui jouaient en France. Que ce soit Alesami à Amiens, Soderlund et Selnaes à Saint-Etienne ou Konradsen qui a joué ici, tous m’ont dit que le plus important était d’apprendre la langue. Sans parler français, c’était plus compliqué dans le foot mais aussi dans la vie sociale de tous les jours. Cela a achevé de me motiver pour l’apprendre. Quand je suis arrivé à Nîmes, je voulais m’intégrer de suite dans les vestiaires, dans la vie. Je suis quelqu’un de social, j’ai besoin de pouvoir m’exprimer, de parler la langue au quotidien.
« Quand je suis énervé, je peux insulter ou jurer en norvégien et ça fait marrer tout le monde »
Dans le vestiaire, quel type de coéquipier es-tu ?
Il faut le demander aux autres je pense (rires) ! Je ne suis pas forcément un meneur, je n’ai pas besoin de toujours parler mais j’essaie d’encourager, de pousser tout le monde pour que l’on fasse le maximum, que l’on progresse. Je parle sur le terrain, la communication est importante, on doit parler avec les milieux, la défense centrale. Savoir où l’on doit fermer, où l’on doit appeler un ballon. Quand je suis énervé, je peux aussi râler ou jurer en norvégien, souvent contre moi-même, et ça fait marrer tout le monde, notamment à l’entraînement. Parfois c’est aussi contre l’arbitre, c’est vrai (rires) !
Quand tu regardes un match, es-tu focus sur l’arrière gauche ?
J’ai toujours un œil dessus oui. Qu’est-ce qu’il fait ? Comment il sort, que fait-il dans telle ou telle situation ? C’est important. Plus jeune, je regardais beaucoup Jordi Alba, j’aime aussi beaucoup Andrew Robertson (l’Ecossais de Liverpool). En Norvège, il y a beaucoup d’images de la Premier League, de la Liga. L’ambition, c’est de se rapprocher du niveau de joueurs de ce calibre. Ce sont des références.
Sur ton poste, on a l’impression qu’aujourd’hui il est presque plus important d’attaquer pour un latéral que de défendre. Comment juges-tu cette évolution ?
Tout dépend du système tactique mis en place, si l’on évolue à 3 ou 4 derrière. Les consignes sont alors différentes et les possibilités également. C’est aussi la richesse de ce poste où il ne suffit pas juste défendre mais où il faut aussi savoir centrer, dédoubler ou centrer. L’évolution du poste est importante depuis quelques années et c’est aux joueurs de s’adapter. De plus, selon les équipes, les cultures de jeu, tu ne défends pas pareil à Barcelone ou à Osasuna, les demandes seront différentes. L’important, c’est de comprendre ce que l’on nous demande.
As-tu une préférence pour attaquer ou défendre ?
Moi, j’aime les deux, c’est pour cela que j’ai choisi ce poste. C’est important d’être à l’aise sur les tous les aspects du jeu. J’aime participer à la construction du jeu, être là dans les dernières passes mais j’aime aussi un bon tacle. Et attaquer, et défendre, c’est être complet et je pense que c’est indispensable.
Un mot sur la coupe du monde. L’Argentine est-elle un beau champion du monde ?
C’est une équipe qui a tout fait pour gagner. Elle a pris une claque au premier match contre l’Arabie Saoudite mais a eu du caractère pour revenir s’y remettre et ils ont ensuite enchaîné. Après, ils ont montré qu’ils avaient les qualités avec un Messi exceptionnel qui peut faire la différence à tout moment. Ils l’ont mérité. Les 78 premières minutes de la finale étaient tellement impressionnantes. Franchement, si l’Argentine gagnait, j’étais content pour Messi et si la France gagnait, j’étais content pour nos supporters, pour Steve. Quoi qu’il arrive, je pense que l’on a vu un match de légende, c’était incroyable. C’est pour ces matchs-là que l’on aime foot, tout peut arriver et changer, en quelques secondes.
« Certains matchs, l’an passé, nous les aurions perdus »
Un autre joueur, qui n’était pas présent à ce mondial, impressionne le planète foot : Erling Haaland. Toi qui le côtoies en sélection, comment est-il dans un vestiaire ?
C’est un bon gars qui est évidemment très important dans notre groupe. Ce qu’il montre, son jeu, les stats, c’est fou, nul besoin de le présenter désormais. Pour tous les Norvégiens, grands comme petits, cela montre que tout est possible, qu’il n’y a pas de limites et que l’on peut aller toujours plus haut. C’est un grand leader, il est impressionnant. On peut plaisanter avec lui, il est très sympa. En sélection, nous avons un groupe uni, jeune qui veut à tout prix aller à l’Euro 2024, qui est notre grand objectif. Il est dans le projet collectif, comme chaque joueur et tire tout le monde vers le haut.
Avec le Stade Rennais, comment vis-tu ta cohabitation avec Adrien Truffert sur le poste, où vous vous partagez le temps de jeu ?
Tout le monde ici veut jouer tous les matchs, tout le temps, c’est l’objectif de chaque joueur. Le club a grandi, avec de la concurrence partout dans le groupe. Pour jouer tous les trois jours, il faut que tout le monde soit prêt quand on lui donne la chance. Parfois, bien sûr, c’est énervant de ne pas jouer mais c’est à chacun, Adri, moi ou n’importe quel joueur, de prouver à l’entraînement, de gagner sa place. Personnellement, quand je ne joue pas, ça va pouvoir m’énerver un certain temps mais je vais basculer sur la remise en cause pour être choisi le match suivant. C’est comme cela, aussi, que l’on progresse. Avec Adri, il y a aucun souci et nous sommes tous les deux compétiteurs avec l’envie de jouer mais aussi de voir l’équipe gagner.
Comment juges-tu ta 2e saison, où Adrien Truffert joue un peu plus que toi comme titulaire ? Le SRFC 2022-23 est-il encore plus fort ?
Je cherche toujours à progresser, c’est mon moteur. C’est aussi le projet du club, qui m’a immédiatement convaincu, nous sommes construits de la même façon. Avec l’équipe que l’on a, le staff et l’ambiance de ce stade, on peut faire de grandes choses cette saison. A la fin de la saison, j’espère que nous ferons encore mieux que l’an passé. La Ligue des Champions ? Bien sûr que j’ai hâte de la jouer et si cela arrive ici, ce serait le top. A nous de continuer, de ne rien lâcher et de réussir à être performants sur la durée.
« Ce n’est pas un hasard si nous sommes l’une des meilleures équipes à domicile »
Le top 3 est-il l’ambition, entre joueurs ?
Le classement, ça parle. C’était pareil l’année dernière, où l’on aurait pu finir en C1. Nous cherchons à aller plus loin, donc oui. Nous sommes dans la lignée de l’an passé. En début d’année, nous avons montré un peu plus de caractère cette saison. Certains matchs, l’an passé, nous les aurions perdus. Là, nous parvenons à renverser des situations, à faire tourner les choses. Ce sera important pour la suite.
Quel est ton rapport à Bruno Genesio, à sa méthode ?
Les résultats parlent pour lui, il fait un excellent travail ce groupe et prouve son identité par le jeu. Nous voulons toujours marquer des buts, nous allons de l’avant, avec de l’intensité, en essayant de gagner et récupérer le ballon le plus haut possible. Au quotidien, c’est quelqu’un d’abordable, de sympathique, qui aime parfois jouer avec nous, notamment au tennis-ballon. Il aime rigoler avec le groupe, sait être proche tout en sachant imposer la distance et se faire respecter de par sa fonction.
La notion de plaisir est-elle primordiale pour toi ? Prends-tu toujours autant de plaisir, au-delà d’un résultat, sur le terrain ?
Moi je joue pour gagner. Si je perds, le plaisir ne sera pas là, quel que soit le match. Pour moi, le plus important, ce sera la victoire. Quand tu es défenseur, ton métier, c’est d’empêcher l’équipe adverse de gagner. Je préfère gagner 1-0 que 4-3, la plupart du temps. Je suis un peu cynique mais j’ai aussi appris cela en Norvège. Quand j’ai joué à Rosenborg, qui est le gros club du pays. Là-bas, si tu ne gagnes pas, c’est une saison ratée et parfois, même quand tu gagnes, ce n’est pas encore assez. Comme joueur, j’ai appris, beaucoup, sur la culture de la gagne, le refus de la défaite. J’ai été construit ainsi, comme footballeur. C’est un bagage qui a été précieux ensuite à l’étranger, pour réussir à hisser le niveau.
Un dernier mot sur le public rennais, lui aussi toujours plus impressionnant mois après mois ?
Ce n’est pas un hasard si l’on est l’une des meilleures équipes à domicile. Tout le monde essaie d’amener le club vers la même direction, les mêmes objectifs. Ça nous aide bien sûr, d’avoir ce stade plein, derrière nous. Ce n’est pas un hasard si on a été plus efficaces à l’extérieur qu’à domicile quand il y a eu le Covid. C’est toujours particulier et une grande émotion de jouer dans le Roazhon Park, j’adore !
C’est aussi pour cela que tu as prolongé ton contrat à Rennes ?
Bien sûr. J’ai prolongé car tout le monde s’y retrouve aujourd’hui. Le club me montre qu’il est content de ce que je fais ici, en match comme à l’entraînement. Je me sens très bien ici, nous avons un très bon groupe, avec un plan de jeu hyper plaisant. Nous voulons continuer à progresser ensemble.