JRS58 – Fabrice Payen : « Même différemment, on peut réaliser ses rêves ! »

Un défi personnel mais aussi collectif, pour porter la cause du handicap au premier plan, au sein d’une course mythique. Fabrice Payen, seul coureur équipé d’un genou prothétique, repart à l’abordage de l’Atlantique pour sa deuxième Route du Rhum, serein et déterminé, dans la catégorie Multicoques à la barre du bateau « Ille-et-Vilaine Cap vers l’Inclusion ». 

Quatre ans après votre première participation à cette course mythique, vous voici de nouveau sur le pont. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Je me sens plutôt bien. Ma femme me dit que je suis moins stressé qu’il y a quatre ans et j’avoue avoir hâte que cela démarre, d’être en mer. Nous avons travaillé dur pendant trois ans pour remettre le bateau en état de marche, la « Team vent debout » s’est impliquée, a beaucoup travaillé que ce soit techniquement mais aussi autour du projet, dans la communication, les recherches de sponsors. L’association est née après la première Route du Rhum, avec un noyau dur de six personnes. Au fur et à mesure que s’approche le départ, l’impatience est là. Le Village prend du temps, de l’énergie, c’est l’occasion de rencontrer tout le monde, c’est une vitrine importante, mais l’appel de la mer se fait sentir.

Le fait de repartir sur un bateau que vous connaissez, remis à neuf, plutôt que sur un nouveau bateau est-il un avantage ou un inconvénient ?
Je pense qu’il s’agit plutôt de quelque chose de positif. Je connais les forces et les faiblesses de l’embarcation, nous avons pu retravailler perfectionner des choses à bord et je gagne du temps en terme d’adaptation à la conduite à adopter. C’est un bateau de qualité, qui peut aller vite sans faire souffrir la structure.

« La vraie victoire, ce serait qu’on ne souligne pas le handicap en parlant de la performance mais d’être un concurrent lambda parmi les autres »

Quelles sont vos ambitions sur cette édition ?
Nous avons l’ambition d’arriver intacts en Guadeloupe, et d’y retrouver les copains. Nous ne voulons pas revivre un abandon comme il y a quatre ans. Beaucoup de beau monde se présente dans notre catégorie, comme Philippe Poupon, qui navigue sur le bateau de la regrettée Florence Arthaud, Roland Jourdain, Marc Guillemot et tellement d’autres ! L’ambition, c’est de boucler cette transat et de montrer à tous que malgré un handicap, on peut réaliser de grandes choses.

Au quotidien en mer, qu’avez-vous dû adapter dans votre technique de navigation depuis votre accident ?
Etre seul au milieu de l’Atlantique, sur « une seule jambe », est déjà en soi une performance. Les appuis ne sont pas les mêmes, on va moins vite et on a moins de force, bien sûr. Cela contraint à anticiper, à réfléchir à la meilleure solution pour résoudre ce qui se présente au bon moment, à avoir un temps d’avance et à ne pas foncer tête baissée mais la navigation reste possible. Le but est aussi de bouger les lignes, le regard sur le handicap et de décloisonner autant que possible ceux qui se sentent ou qui sont enfermés dans une case. Il faut savoir que le handicap est la première cause de discrimination en France et qu’il touche près de 12 millions de personnes en France.

Votre démarche de prendre le départ de cette course est, en ce sens, un message fort !
Oui, il est important ! (ndlr : victime d’un accident en 2012 et perdant le droit d’exercer son métier, Fabrice fait le choix en 2016 de l’amputation pour retrouver sa mobilité et son autonomie). La vraie victoire, ce serait qu’on ne souligne pas le handicap en parlant de la performance mais d’être un concurrent lambda parmi les autres. Au-delà de la course, il faut prendre conscience que ce thème concerne tout le monde, que l’on perdra tous d’une manière ou d’une autre en autonomie ou mobilité au fil des ans. Il faut prendre en compte les différences, préparer son avenir et être bien conscient que le handicap n’arrête ni les projets, ni les envies. Nous avons tous en nous cette résilience qui peut permettre de faire des choses les plus difficiles d’autres devenant positives, ou exceptionnelles. Même différemment, on peut réaliser ses rêves !

Un mot sur votre principal partenaire, le Département, qui n’a pas hésité à vous accompagner dans l’aventure ! 
Je suis très fier d’afficher le département, ma région sur le bateau. C’est en cohérence avec la politique menée par l’Ille-et-Vilaine sur la cohésion, l’inclusion. C’est dans leur ADN et ils ont de suite accepté de nous accompagner pleinement, de porter cette cause. Cela montre le dynamisme du 35 pour qui ce thème est une priorité et cela fait forcément très plaisir ! Pour eux aussi, je veux réaliser la meilleure course possible et boucler la boucle, quatre ans après notre première aventure.