Ils n’auront eu ni l’Alsace, ni la Lorraine. Cette année, en dehors d’une petite ballade de santé à Metz, les Rennais n’auront pas brillé dans l’Est (avec également l’élimination en 32èmes de finale de coupe de France à Nancy) ! Les prémices d’une panne sèche s’étaient amoncelés vendredi dernier lors de la défaite face à Monaco (2-3) où le Stade Rennais, au-delà de sa performance défensive plus que moyenne, n’avait pas su se montrer menaçant comme il le fait depuis de nombreux mois. A Strasbourg, avec une équipe qui retrouvait Nayef Aguerd et Adrien Truffert au coup d’envoi, et voyait Lovro Majer rejoindre le banc, inventer quelque chose de nouveau avec les mêmes ingrédients identifiés des adversaires depuis un bon moment relevait de l’exploit. Et celui-ci n’a pas eu lieu…
Très vite, Strasbourg, avec un gros défi athlétique imposé d’entrée, fait mouche, sur sa première opportunité grâce à Habib Diallo, habile et sans pitié sur un mauvais alignement d’Hamari Traoré et une action collectivement poussive en défense des rennais, incapables de se dégager proprement. Julien Stéphan peut alors s’installer comme il le souhaitait dans ce match, avec un bloc homogène, laissant volontiers le ballon aux Bretons et n’ayant qu’à bloquer Traoré et Truffert sur les côtés tout en cadenassant l’axe avec une grosse densité physique illustrée par Sissoko et Bellegarde. Tiens tiens, un goût de déjà vu et un milieu de terrain de nouveau paralysé et bloqué. Peu d’occasions côté rennais, si ce n’est une frappe sur un bel enchaînement de Flavien Tait allant mourir sur l’arrière de la barre transversale, un une-deux Terrier-Traoré tout près d’aboutir ou une belle occasion pour le meilleur buteur rennais, bloquée par Sels. Trop peu pour déstabiliser des Alsaciens portés par une Meinau incandescente.
Au retour des vestiaires, le possession de balle reste bretonne mais stérile. Bien en place, les Strasbourgeois sont solides mais vont pourtant céder. Un éclair signé Martin Terrier, aux 20 mètres, qui ajuste une frappe logée au ras du poteau des 20 mètres, imprenable pour Matz Sels (54′). Il fallait cet exploit individuel aux Rennais pour recoller au score mais l’affaire réveille aussi les hommes de Stéphan, qui trop occupés à défendre leur précieux pécule, en avaient oublié d’aller de l’avant. Et la remise en marche va faire très mal aux Rennais, battus dans les duels, l’intensité et souvent débordés par le jeu offensif attrayant, quand il est mis en route, des locaux. Dogan Alemdar sauve les siens à plusieurs reprises : d’abord sur une superbe talonnade de Ludovic Ajorque, toute proche de faire mouche (63′), en déviant une frappe de Gameiro, idéalement placé, sur sa barre puis sur une frappe des 20 mètres de ce même Gameiro. Gerzinho Nyamsi est lui aussi proche de marquer sur un coup-franc mais trouve aussi le poteau droit du gardien turc. A force de plier, submergés par les vagues alsaciens, les « Rouge et Noir » cèdent sur un nouveau coup-franc où Ludovic Ajorque, « oublié » par la défense, vient marquer de la tête de près, ne laissant aucune chance à Dogan Alemdar (77′, 2-1). Les changements opérés n’apporteront pas ou trop peu pour inverser le cours de l’histoire. Celle-ci aurait pu bien finir sans un exploit monumental de Matz Sels sur une frappe de Mathys Tel, entré en jeu, déviée en corner in-extremis (93′). Un point aurait fait du bien mais aurait sans doute trahi une certaine logique à cette défaite, la seconde d’affilée et la vérité d’une fatigue évidente de la plupart des titulaires habituels rennais.
Et voilà ainsi une série négative qui s’enclenche au pire moment, Marseille s’envolant à six points devant avec un calendrier plutôt abordable tandis que Strasbourg et Monaco reviennent à égalité et Nice et Lens à deux et trois petits points. Alors que l’on pensait les Rennais lancés vers le podium pour de bon, voire même, candidat à une place de dauphin, en l’espace de cinq jours, ce joli monde de certitudes s’effrite… Plusieurs constats, flagrants, après cette onzième défaite de la saison tout de même. Premièrement, Rennes n’a pas la profondeur de banc sur la durée et être troisième avec un effectif trop juste en quantité et qualité. Qu’on se le dise, cette saison est déjà une performance exceptionnelle. Les absences de Sulemana et Doku, deux profils différents et percutants, font très mal et privent le staff de solutions tactiques différentes et déstabilisantes pour les adversaires qui ont identifié les dangers rennais. Avec trois défenseurs centraux de métier seulement, le risque pris par le staff de ne pas recruter un joueur de plus était grand, trop grand et ne pourra plus être pris à l’avenir, comme vu face à Monaco. Warmed Omari n’était pas programmé pour titulaire toute la saison et paie aujourd’hui quelques lacunes d’inexpérience tandis que Nayef Aguerd a bien le droit de subir quelques contre-coups au vu de son enchainement de matchs. Devant, Gaëtan Laborde semble épuisé de ses efforts et perd en lucidité et efficacité, sans que rien ne puisse lui être véritablement reproché. Deuxièmement, les « Rouge et Noir » sont en échec face au haut de tableau, affichant un mauvais bilan face aux 9 premiers du championnat : quatre victoires (Lyon x2, PSG, Strasbourg), deux nuls (Nice et Lens) et 8 défaites (PSG, OM, Strasbourg, Monaco x2, Nice, Lens, Lille). Une incapacité à supporter la pression, ou élever le niveau de jeu ou le plan tactique quand une grosse résistance lui est imposée ? Sans doute un peu des deux et un axe concret de travail pour l’avenir. Troisièmement, rarement un second ou un troisième n’a compté si peu de points à ce moment du championnat et cela relativise forcément, comptablement parlant, la saison rennaise même si le spectacle proposé fut très souvent au rendez-vous avec de très grosses promesses en l’avenir. Rennes peut encore garder l’ambition et l’espoir de conserver sa troisième place, deux réceptions s’annonçant au Roazhon Park avec un objectif six points contre Lorient puis Saint-Etienne, loin d’être des cadors mais demeurant dangereux car en opération survie… Marseille, de son côté, ira à Reims et recevra Lyon, avec la possibilité de se mettre à l’abri avant son choc du 14 mai au Roazhon Park. Derrière, la meute attend le faux-pas rennais qui n’est désormais plus permis, avec en mai, un enchaînement en dix jours Nantes (ext), Marseille (dom) – Lille (ext) qui devrait pousser le suspens jusqu’au bout.
A la fois très proches d’une saison très réussie mais aussi dans la possibilité d’une sixième ou septième place sans Europe l’an prochain, le Stade Rennais n’a plus le choix et doit mettre un dernier coup de collier sur les cinq derniers matchs de la saison pour statuer. Avec, espérons-le, un immense soulagement le 21 mai du côté de Lille.