Hand : Extrait du JRS de mars : A la rencontre de « Tonton Lulu »

Arrivé l’été dernier en provenance de Pontault-Combault, Ludwig Appolinaire tient un rôle prépondérant au sein du groupe. « Tonton Lulu » harangue, motive, encourage autant qu’il se bat, s’arrache et impacte sur le parquet. Portrait d’un joueur destiné à devenir « Irréductible ».

Qu’il soit en tenue de ville, encore convalescent, ou en short, il tient son rang, au milieu des copains, pour lancer les chants de victoires aux côtés de Sylvain Hochet au cœur de la Glaz Arena. Le chant « Tonton Lulu », le désigne et devient culte, victoire après victoire. De par son impact à chaque entrée en jeu, son travail la semaine à l’entraînement mais aussi sa facilité à emmener tout le monde avec lui, l’ancien joueur de Pontault et du PSG n’y est pas étranger !

« Pas envie de sortir du lit… »

Né à Kourou, en Guyane française,  celui que Romaric Guillo nous définissait comme un cyborg en pré-saison par sa capacité à occuper tous les postes avec la même puissance et détermination débute le hand à 12 ans : « Avant, c’était le foot, même si le hand était bien présent dans ma famille. Mon père entraînait les filles dans le club local et je suivais déjà cela. Je m’y suis mis et j’ai éloigné le foot de mon quotidien. » Le talent se mêle au plaisir de jouer et le jeune joueur est repéré lors des inter-comités. Direction le pôle de Guadeloupe puis, après une année, une détection se présente ! Direction à la Métropole, avec Nanterre, Ivry et le PSG intéressés. Ce dernier remporte la mise. Ludwig rejoint les U18 en 2011: « Nous sommes très proches avec mes parents et ma petite sœur, qui avait 5 ans à l’époque. La décision de quitter la maison fut très dure à prendre. Je suis arrivé à Paris, à 16 ans, chez mon oncle. L’adaptation fut très compliquée. Paris, quand vous venez de Guyane, c’est violent… La météo, l’ambiance, la tension, tout cela me donnait parfois le matin l’envie de ne pas sortir du lit… »

Pourtant, le jeune Ludwig se met au boulot et progresse au fil des semaines, au gré de très longues journées : « Je me levais à 6h30 et rentrais parfois après 23 heures à la maison… Je donnais tout, trop peut-être, jusqu’au surrégime, à la fin de la première année… » Si la tête répond présent, le corps, lui, lâche : rupture des ligaments croisés du genou et en bonus, une opération au cœur, sans danger, pour soigner une tachycardie détectée à l’issue de cette saison. Tout un monde s’écroule : « Ce fut une période très, très difficile. Cinq mois après ma blessure, j’ai été victime du syndrome du cyclope, avec mon genou qui gonflait, toujours et encore. Il y a eu mon opération au cœur… J’étais venu pour devenir pro et j’avais la crainte que finalement, tous mes efforts n’aient servi à rien et que tout s’écroule… J’ai été heureusement superbement accompagné par le staff, les docs et mon père est venu me soutenir sur place. J’avais ma famille tous les jours, via skype, mais ça ne remplace par leur présence réelle ».

Le calvaire des rééducations, remises en forme et tout ce qui va avec, dure deux ans, avant de retrouver les terrains et d’intégrer, malgré tout, le centre de formation du PSG. Régulièrement, Ludwig échange avec Philippe Gardent, alors coach d’une équipe qui monte en gamme année après année. Au contact de Patrice Annonay, Luc Abalo ou Didier Dinart pour ne citer qu’eux, Ludwig Appolinaire s’éclate aux entraînements, même si l’équipe première est encore loin. Le rêve se rapproche mais un certain Zvonimir Serdarušić prend place sur le banc en 2015 et ne rend pas vraiment la suite « funky ». Peu intéressé par les jeunes du centre de formation, parmi lesquels émergent tout de même les Dylan Nahi, Adama Keita, Axel Rosier, ou Benoît Kounkoud, restés amis du Cessonnais, le Guyanais prend part aux entraînements avec les pros mais évolue surtout en N2 : « Honnêtement, avec ce coach, les jeunes n’étaient pas ou très peu considérés. A un moment, l’envie de jouer prend le dessus même si j’ai adoré côtoyer les grands joueurs. S’entraîner avec Hansen, le chambrer, ce n’est pas rien ! Il était très cool. Il y eut clairement un PSG avant et après l’arrivée des Qataris. Le côté familial s’est dissipé pour laisser place à la machine que l’on sait… » Vient inéluctablement le chant du départ, qui mène à cinq années à Pontault-Combault, où le joueur devient véritablement pro, disputant quatre saisons en Proligue et une, inattendue, en Lidl Starligue : « Nous ne sommes pas prêts de voir notre « record » tomber : réussir à gagner les play-offs avec quatre nuls, il fallait le faire ! (rires). Je n’oublierai jamais le match contre Selestat. Rudy Séri était en face, demandez-lui, je pense qu’il s’en souvient  (rires). Notre salle était petite, bondée, il y avait même des gens dans les couloirs qui se mettaient sur la pointe des pieds pour voir le match. Cette montée, les émotions, je ne l’oublierai jamais, sans doute mon meilleur souvenir à ce jour question handball. »

« Quel joueur serait heureux de ne pas jouer ? »

Chez les « Bleu et Jaune », le numéro 54 cessonnais connaît de bons et moins bons moments, parfois indiscutable, parfois sur le banc. Son atout numéro 1 ? Une polyvalence à toute épreuve sur la base arrière, qui fait aussi un peu sa faiblesse : « Le fait de pouvoir évoluer à tous les postes fait aussi que je n’ai jamais été fixé sur un, en pouvant l’approfondir autant que possible. Cela m’oblige aussi à intégrer un maximum d’informations avant un match, car je dois connaître tous les enchaînements, que je sois en défense avancée, en poste 2, arrière ou demi-centre. Je ne peux pas tout retenir, bien sûr donc parfois, il faut anticiper, lire le jeu et s’adapter. C’est parfois dur, mais cela m’a aussi permis de rejoindre Cesson… »

Car c’est bien cette polyvalence qui a convaincu Sébastien Leriche et le CRMHB de miser sur un garçon ayant jusque-là disputé une seule saison dans l’élite : « J’attends de Ludwig qu’il apporte ce qu’il sait faire sur le parquet, avec de grosses qualités sur de nombreuses configurations tactiques mais aussi qu’il prenne le leadership dans le vestiaire », annonçait Sébastien Leriche en pré-saison dans nos colonnes. Le coach des Bretons a été exaucé par un joueur adapté immédiatement à son nouvel environnement : « J’ai été très bien accueilli, dans une ambiance qui te donne l’envie de te dépouiller. Le stage au Bois-Guy fut une grosse réussite, l’osmose s’est faite naturellement. Notre chant est d’ailleurs né là-bas… Je savais qu’en venant ici, j’étais amené à compléter le 7 qui démarre à chaque défaillance, qu’elle soit courte ou de plus longue durée, amener ma polyvalence et prendre les minutes où elles seraient. Bien sûr que je peux faire un peu la tronche si je ne rentre pas et ne joue pas, quel joueur serait heureux de ne pas jouer ? Mais une fois le match terminé, je suis dans la joie avec les copains quand on gagne, dans le réconfort si nous perdons. Ce leadership, je l’ai toujours eu en moi, je ne saurai pas l’expliquer. J’aime encourager, pousser les collègues, c’est comme ça et c’est ce côté humain, solidaire, qui me donne le sourire pour aller m’entraîner. Notre boulot, ce n’est pas juste le match de la semaine, c’est chaque entraînement, chaque contact avec les collègues et tous les gens qui travaillent pour nous mettre dans les meilleures dispositions. Nous vivons un super métier, il faut en être conscient et reconnaissant. »

« Prendre tout  ce qui se présente et nous verrons bien… »

Papa d’un petit garçon, Keyden et d’une petite fille, Amberly-Heaven, le solide Irréductible porte parfaitement les valeurs du CRMHB et entend bien continuer sur sa lancée en 2022. « Au-delà de la qualité technique et mentale évidente de l’équipe, notre secret réside dans le fait qu’il n’y a pas de starlettes chez nous, que des mecs sains. Si tu mets un égo surdimensionné, ou deux, dans un groupe, tu peux tout gâcher. Ou alors il en faut 12… La base de la réussite, en sport co, c’est l’osmose entre tous ! à Pontault, nous n’étions pas les plus forts mais nous sommes montés grâce à cela. » A des milliers de kilomètres de là, sa petite sœur, avec qui le lien est « très fort malgré la distance » et ses parents ne peuvent que savourer, eux-aussi, la réussite méritée, à force de courage et d’abnégation, de leur protégé. Avant de mieux le retrouver dans quelques années ? « Franchement, je ne sais pas, tout est ouvert. Je suis parti il y a douze ans, je n’ai jamais pu fêter les anniversaires de mes parents ou de ma petite sœur avec eux. C’est dur mais de ce manque, j’ai fait une force, qui me porte, tous les jours à donner toujours plus ».

D’ici-là, il y a encore à faire en Bretagne, où l’ambition s’invite semaine après semaine : « Tant que nous pourrons prendre les victoires à domicile, grappiller à l’extérieur, nous éclater, aucune raison que notre belle saison ne s’arrête. Nous prendrons tout ce qu’il y a à prendre, sans nous poser de questions et on verra bien où nous terminerons. Nous méritons d’être là où nous sommes à ce jour ! » Ludwig, incontestablement, aussi !

Julien Bouguerra