Agée de 25 ans, Valentine Lothoz fait partie de la famille des joueuses professionnelles de rugby à 7. Ailière et centre, elle commence le rugby sur le tard après être passée par l’athlétisme avant le coup de cœur pour l’ovalie avec une évolution fulgurante à la clé pour cette rennaise de cœur.
Il y a quelques semaines tu rentrais tout juste de Dubaï pour un tournoi préparatoire du Tournoi Qualificatif Olympique. Comment cela s’est passé pour toi ?
L’ambiance n’était pas la même que d’habitude. Nous étions confinées dans nos chambres, nous n’allions dehors que pour les entraînements qui étaient optimisés. Nous faisions tous les entraînements d’un coup, sur une même session. Nous avons d’autant plus apprécié le temps sur le terrain. Ensuite, nous rentrions à l’hôtel où nous avions nos soins puis nous passions le temps libre dans nos chambres. C’était un peu long, mais pour rien au monde je ne voudrais laisser ma place.
Tu n’étais pourtant pas destinée à un si beau destin dans le monde du rugby ?
C’est vrai. J’ai commencé le rugby lors de ma deuxième année de STAPS à Rennes. C’est l’un de mes profs, à l’époque, qui m’avait lancé : « Viens essayer le rugby universitaire, ça pourrait te plaire ! » Sur le terrain, j’ai retrouvé des joueuses du Stade Rennais Rugby qui m’ont poussé deux ou trois fois à venir avec elles à l’entraînement. J’ai fini par céder (rires). Après deux entraînements, la coach de l’époque me dit : « Il faut prendre ta licence, tu joues avec nous ce weekend ». Tout a commencé comme ça ! A la base, j’étais à fond dans l’athlétisme, je venais de faire mon collège et mon lycée en Sport études athlé. J’ai tout arrêté du jour au lendemain pour me lancer à fond dans le rugby.
Tu avais déjà une appétence pour ce sport ?
Je n’y connaissais rien du tout, je savais juste qu’il fallait faire la passe en arrière et c’est tout ! J’ai tout découvert et tout appris en très peu de temps. Certes, j’avais des qualités physiques, mais au niveau tactique et technique, je démarrais à zéro, il fallait que je progresse. Grâce à Vincent Brehonnet, le coach, j’ai pu bénéficier de séances individuelles et rattraper mon retard.
Juges-tu ton évolution dans le rugby, par la suite, très rapide ?
Oui. Déjà au Stade Rennais Rugby, je joue en équipe 2 la première année et en fin de saison, je commence à faire des apparitions en équipe fanion, en Top 8. Durant ma deuxième année, j’alterne entre les deux équipes. En 2017, je participe à des tournois de rugby à 7 et des tournois universitaires également. En 2017- 2018, j’intègre le Pôle France. Pour moi, cela a été un vrai tremplin avant de devenir professionnelle, ça m’a permis de vite évoluer. Nous passions presque 100 jours à Marcoussis, apprenions à gérer la charge de travail. En club, on s’entraîne environ trois fois par semaine, là, c’est deux à trois entraînements par jour. Il faut savoir répondre présent. Maintenant, je suis pro avec l’équipe à 7 mais j’aime revenir à Rennes comme en début d’année, où j’ai pu jouer avec le club car il n’y avait pas de tournoi.
Comment vis-tu cette situation, avec une vie entre Paris et Rennes ?
Paris, Rennes, les stages, les tournois, je vis un peu dans mes valises ! C’est un vrai « kiff » de s’entraîner et de mener la vie que j’ai aujourd’hui. Mais, il ne faut pas se mentir, ce n’est pas toujours simple. Le plus dur pour moi, c’est d’être éloignée de mes amis et de mon quotidien à Rennes, c’est ma ville même si quand je suis à Marcoussis, je vis chez ma grandmère donc je me sens de fait, un peu moins seule.
Quand tu n’étais pas encore pro, tu as pensé quitter Rennes pour évoluer encore plus vite ?
A aucun moment je n’ai voulu changer de club. Je pense que j’ai eu la chance d’avoir accès à énormément de créneaux grâce à la passerelle qui est faite entre l’Université et le Stade Rennais Rugby. Cela voulait dire que je pouvais m’entraîner quasiment tous les jours. Il y avait de la muscu, des entraînements mixtes en 7, des cours de technique. C’était très varié et cela m’a permis d’avoir de belles semaines d’entraînement
A côté du rugby, qui est Valentine Lothoz ?
J’ai validé mon diplôme de STAPS et en 2017-2018, j’avais décidé de monter ma micro-entreprise dans le coaching sportif. Je me rendais chez les gens pour leur proposer des exercices et accompagnements sportifs. Mais cela a correspondu au moment où je rentre au Pôle France. Il était impossible de faire les deux en parallèle, alors j’ai fermé mon entreprise. Grâce à mon statut de joueuse professionnelle, je gagne correctement ma vie. Aujourd’hui, je suis un BTS Diététique, pour pouvoir les mixer avec mes connaissances sportives. Ce n’est pas toujours évident, je le fais avec le CNED qui nous envoie tout le programme en début d’année et après on se débrouille ensuite comme on peut.
Tu es encore une jeune joueuse pro mais as-tu déjà en tête ton avenir après le rugby ?
Je ne me suis jamais dit qu’il n’y aurait que le rugby dans ma vie. Je suis très terre à terre, je sais qu’il faut préparer son après-carrière de sportive. C’est pour ça que j’ai repris mes études. Le staff nous y encourage, je sais que pour les filles qui sont étudiantes à Paris, il y a des dérogations pour louper certains entraînements aux bénéfices de leurs cours ou examens.
Un mot sur le sport féminin. En tant que joueuse professionnelle, comment vois-tu l’évolution de ce statut aujourd’hui en France ?
Il y aura toujours des inégalités, malheureusement. Le sport féminin se développe et nous faisons notre petit bout de chemin. Il faut que l’on continue de parler et de faire parler de nous. Je pense qu’on ne peut pas forcément parler de retard, c’est juste que nous avons commencé plus tard. Si je parle du rugby, plus précisément, nous évoluons chaque jour. Aujourd’hui, les filles, ce sont des vraies joueuses, passées par des écoles de rugby. Les progrès sont constants. Il y a peu, dans l’actualité, le handball a mis en place une convention pour soutenir et accompagner les femmes dans leur vie de future mère.
Au rugby, comment la chose est abordée ?
Nous avons un vrai accompagnement sur le plan physique, notamment autour du renforcement du périnée et de tout ce qui va avec. En ce qui concerne la maternité, c’est encore très peu évoqué, sans doute parce que le cas ne s’est jamais présenté. Mais si nous avons envie d’en parler, nous le faisons. Il n’y a pas de tabous entre nous.