Il y a quelques années, tu portais le survêtement et la tenue de footballeur pro. Aujourd’hui, place au costume et à la chemise. dans quelle tenue es-tu le plus à l’aise ?
Attention, pour nos photos officielles et les grands rendez-vous, c’est trois pièces et cravate mais la plupart du temps, je porte un jean et des stansmith à la cool (rires) ! Après l’habit ne fait pas le moine. la tenue, que tu sois footballeur à 17 ans ou dans le milieu des affaires aujourd’hui, c’est avant tout un code sociétal, qui te permet d’être identifié des autres personnes de ton milieu. il y a beaucoup de mimétisme dans les milieux professionnels, on fait souvent ce qui parait être ce qu’il faut, sans savoir si cela nous correspond. il faut respecter les codes mais ne pas non plus s’en formaliser. c’est sur la compétence et le travail fourni que l’on peut juger et être jugé dans son travail. pas sur sa chemise…
Toujours est-il que le jeune défenseur formé au stade rennais a grandi, laissant place à un chef d’entreprise fringant de 33 ans. pourquoi ce choix plutôt que de devenir coach, ou consultant ?
Chacun choisit sa voie, en fonction de ses envies, ses qualités, ses capacités. j’ai connu une carrière cabossée, comme je l’ai déjà raconté à plusieurs reprises, faite de hauts comme de très bas. j’en ai tiré des enseignements, sur tous les plans, personnels comme professionnels et aujourd’hui, je veux mettre à profit tout cela pour les jeunes qui sont proches d’accéder à ce monde bien plus compliqué qu’il n’y parait mais aussi apporter mon aide et mes connaissances aux moins jeunes. la mission va au-delà du football, tous les sportifs peuvent venir à nous. nous avons aussi du fait de l’historique de mes associés une clientèle assez importante de chefs d’entreprises. c’est une aventure passionnante car c’est avant tout de l’humain.
Avant de nous en dire plus sur cette aventure, tu évoques un parcours cabossé. tu fais référence à la dépression, aux blessures et à cette fin de carrière prématurée. comment vois-tu tout cela avec le recul ?
j’ai eu le parcours classique du gamin qui passe les étapes en centre de formation jusqu’à l’équipe première. mes débuts étaient corrects puis j’ai pris du temps de jeu, de la confiance. en dehors du terrain, comme tout jeune qui débute en d1, je me suis fait quelques plaisirs. je venais d’une famille modeste, avec des valeurs pour ne pas dégoupiller. je sortais peu et ne dépensais pas tout mon argent, juste un peu pour m’amuser et très bien vivre, surtout à cet âge-là. j’ai pu payer mon permis, ma voiture, des choses comme cela. Aujourd’hui encore, sortir 10 000 € pour acheter une voiture « cash » pour un jeune de 18 ans, ce n’est pas rien. par la suite, j’ai pu m’offrir de plus grosses voitures oui, mais je n’en avais pas dix dans le garage ! ce à quoi je n’ai en revanche pas été préparé, formé et instruit, c’est l’échec, la gestion de tout cet argent qui vous tombe dessus ainsi…
Il y eut ce fameux match à Hambourg, que tu as raconté mille fois, mais pas que…
Celui-ci oui, on en a parlé, un contrôle de balle manqué, un but… il y eut aussi le match contre l’om, où nous faisons 4-4. je sors à la mi-temps. il y a eu aussi du bon. je me suis déjà longuement exprimé sur la dépression, je pense avoir dit ce que j’avais à dire sur le sujet mais dès qu’un joueur ou un parent m’interpelle là-dessus, bien entendu, je partage ce vécu, j’écoute, j’essaie de conseiller au mieux. jeunes, et même adultes, dans le sport de haut niveau, ne sommes pas forcément éduqués sur le mental, sur la gestion financière, les tentations à éviter…
Notamment celle de dépenser à ne plus compter, de « griller » tout, très facilement ?
N’importe quel jeune de 18 ans, hier ou aujourd’hui, vous lui donnez 10.000 ,20.000 ou 30.000 euros, il va faire une ou deux conneries…ou bien plus ! Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il ne mesure pas ce qu’il va devoir gérer. l’argent c’est un des tabous de la société alors qu’il faudrait l’aborder simplement, le comprendre. quand j’étais joueur, je n’ai pas flambé plus que cela avec ce que je gagnais mais j’ai aussi fait de mauvaises rencontres qui m’ont fait perdre beaucoup d’argent. il y a toujours la tentation d’écouter ces soi-disant conseillers, parfois agents, qui vous disent de faire-ci ou ça, d’investir dans la pierre… parfois, on se trouve juste derrière un mur !
De ces expériences douloureuses est née votre vocation d’aujourd’hui ?
Après mon grave accident qui a conduit à la fin de ma carrière en 2015, je suis resté de longues semaines en convalescence, j’ai eu le temps de réfléchir… j’ai posé des mots sur le papier, pour comprendre les manques d’accompagnement dans ce milieu. je devais sortir seul de tout cela et j’ai conclu que la meilleure façon de faire les bons choix pour moi dans l’avenir serait d’avoir et de maîtriser tous les tenants et aboutissants. je suis en quelque sorte passé de quelqu’un pour qui l’on décidait quand j’étais joueur à celui qui doit faire ses choix seul, en tout état de cause et qui aujourd’hui, aide au mieux ceux qui ont besoin d’être accompagnés, conseillés. je me suis formé, j’ai passé mes diplômes et aujourd’hui, j’aime définir mon métier comme celui de gestionnaire de patrimoine avec la fibre d’éducation financière.
En quoi consiste-t-il exactement ?
J’interviens auprès de plusieurs publics différents : un groupe, le plus souvent auprès des centres de formation dans les clubs professionnels, qui font appel à nous pour dispenser les informations et conseils à leurs jeunes joueurs. il y a aussi les demandes individuelles, par le biais des joueurs eux-mêmes, de tout âge et tous sports, mais aussi parfois de la part de leur agent, qui n’ont pas le temps ou la compétence pour le faire, ou même via les parents pour les plus jeunes. je suis là pour les aider, leur expliquer leur salaire, leurs droits, ce qu’il ne vaut mieux pas faire, la fiscalité, la gestion de patrimoine et les investissements, porteurs ou à l’inverse, piégeux.
Votre structure aborde-t-elle d’autres thèmes que la finance ?
Si le conseil en gestion de patrimoine est le coeur de notre activité au sein d’esc Anthea, nous développons également trois autres domaines via notre deuxième société extra sport conseil : la préparation mentale, le media-training qui avec la multiplication des réseaux sociaux, devient un réel enjeu pour le joueur et la gestion de son image et enfin, la reconversion, autre sujet au moins aussi important que la formation et l’arrivée au plus haut niveau. l’entreprise existe depuis 2016 et avance bien, avec le souci d’être toujours mieux staffée avec les personnes les plus compétentes sur chacun des domaines.
L’existence de esc Anthea prouve également un manque dans nos systèmes vis-à-vis de la prévention sur des sujets aussi sensibles et dangereux que l’argent et sa gestion !
C’est vrai. que l’on soit dans le milieu du foot ou celui de la finance, inutile de se mentir, il y a beaucoup de rapaces et de personnes qui ne vous veulent pas que du bien ! en tant qu’ancien joueur, j’ai la chance d’être écouté, de connaître beaucoup de monde mais pour autant, une éducation globale doit être pensée pour l’avenir. il y a beaucoup d’arnaques, dont on entend de plus en plus parler dans les médias. ce tabou se délie, peu à peu, personne n’aime dire qu’il s’est fait avoir. il y a beaucoup de notion d’orgueil, d’échec, et c’est aussi là que la transversalité avec la préparation mentale, l’accompagnement, est évidente. il y a tant d’argent en jeu dans le foot aujourd’hui que traverser tout cela sans trembler et sans accompagnement est presque impossible. développer et sécuriser nos clients et leur patrimoine, c’est notre job.
Les réseaux sociaux, la crise sanitaire et celles des droits télé sont-ils autant de facteurs aggravant les manques et donnant encore plus d’importance à ta mission ?
Clairement, oui. Avec le covid et le fiasco mediapro, évidemment, les contrats risquent d’être revus à la baisse, il va y avoir beaucoup de choses qui peuvent changer et nous devons alerter nos clients sur ce qui est le plus intelligent à penser, audelà du contrat en lui-même. réfléchir à tout, impliquer l’homme pour qu’il soit aussi acteur de son destin et non uniquement concerné par le terrain, sans pour autant l’envahir. l’équation n’est pas simple mais on tâche d’y répondre. pour les réseaux sociaux, chacun a sa personnalité mais sans se dénaturer, doit réfléchir à ce qu’est son image, ce qu’elle véhicule de positif ou négatif. dans une carrière, tout est important mais il est compliqué de tout connaître.
Tu gardes à côté de cela un pied dans le football avec ton poste de manager à l’As vitré. réussis-tu à concilier tes deux rôles ?
Clairement, esc Anthea et eXtrA sport conseil me prennent environ 150 % de mon temps (rires) ! j’avoue que les journées sont très longues mais malgré tout, j’arrive à m’organiser. Avec l’Asv, nous avons comme tous les clubs amateurs subi la crise sanitaire de plein fouet mais nous nous préparons pour remonter en n2, l’objectif du club. il y a beaucoup de personnes en place au club qui travaillent à son développement, sur et en dehors du terrain. je m’investis à 100% sur ma mission avec eux. Aujourd’hui, ma vie va à 100 à l’heure et je n’ai vraiment pas le temps de m’ennuyer. les projets font avancer, alors hors de question d’hésiter, je trace et espère être encore occupé très longtemps !