Légende du football mondial, Xavi Hernandez rappelait, via un tweet, le rapport complexe entre les statistiques ou chiffres et l’interprétation d’un match réussi pour un joueur au travers de ceux-ci. Nous avons choisi de rebondir ce mois-ci sur cette relation ambiguë aux chiffres dans un sport que certains aimeraient imaginer science implacable. Malgré l’essor des nouvelles technologies et des pressions commerciales allant avec, les témoignages des coachs interrogés prouvent que nous n’en sommes pas encore là !
En tant que journaliste, ferait-on une erreur en nous fiant à une lecture stricte des chiffres (kms parcourus, passes, sprints) ? Si non, le sport de haut niveau devient-il une sorte de mathématique, laissant de moins en moins de place à l’imprévu et à l’instinct ?
Olivier Mantès (SGRMH) : Tout dépend du sport. Au handball c’est une erreur puisque tout le monde court à peu près le même distance….Tout est une question de projet collectif et de qualités individuelles et de postes occupés au moment de l’interprétation d’une stat.
Mehdi Boubakar (Cesson) : Il y a une chose sur laquelle nous sommes tous d’accords, c’est que le sport n’est pas une science exacte, pas plus qu’une addition d’algorithmes. C’est le souci actuel, il y a un marché terrible au niveau des entreprises pour aller toujours plus loin dans les stats, proposer des solutions toujours plus innovantes. Les technologies permettent au technicien d’évaluer ses joueurs mais aussi ses méthodologies ou les entraînements proposés. C’est précieux mais il faut rester cartésien. On peut enquiller les kilomètres dans le vide, afficher de grosses stats sans avoir rien fourni de concret sur le jeu… Côté presse, je dirais que la lecture de la prestation d’un joueur ne doit pas se cantonner à ses chiffres. Entre un arrière qui a marqué 4 buts sur 4 tentatives et un autre qui n’en marque que 6 sur 12 tentatives, lequel a-t-il réussi un bon match ? Pas forcément celui que l’on pense… Il y a les consignes, l’adversaire aussi, qui sera toujours là pour contrarier les plans. Les chiffres parlent bien sûr, il y a des curseurs comme celui d’une réussite aux tirs à 60 % minimum pour gagner un match ou pour le gardien, un pourcentage à 30 % environ d’arrêts. Néanmoins, je le répète, ces chiffres restent la vérité d’un instant T, à remettre dans un contexte. Ils doivent être interprétés avec un maximum de discernement mais aussi de prise en compte de l’environnement de la performance. Impossible, quel que soit le sport, d’arrêter un jugement à de simples chiffres sans leur donner une signification.
Pascal Thibaud (URB) : Ne regarder que les chiffres, en effet, ne reflète pas toujours un contenu. La stat, si précise soit-elle, n’apporte pas la dimension technique de la performance du joueur, ne prend pas en cours le déroulé du match ni l’adversité ou les problématiques rencontrées. Si on la prend stricto-sensu, on se saborde. Un joueur qui fait peu d’interceptions, peu de contres peut aussi être le meilleur joueur de champ, le plus influent, de par son jeu, ses mots, ses orientations de jeu. La sensibilité au jeu et la connaissance sont complémentaires des chiffres et ensemble, sont souvent proches de la vérité d’un match.
Kévin Courties (REC) : Les statistiques sont toujours sujettes aux interprétations mais encore faut-il savoir les lire, les disséquer, les comprendre et surtout, avoir tous les éléments pour se faire, y compris les consignes données avant un match. Quand nous débriefons avec nos joueurs et échangeons aux sujets des données chiffrées, nous leur expliquons toujours ce qu’elles nous indiquent. Il faut toujours donner un sens, sous peine de mettre le joueur dans le doute ou de le rabaisser. Les chiffres, c’est bien mais il y a aussi l’adversité, dont il faut tenir compte et qui peut évidemment tout changer d’une semaine à l’autre. Les stats nous permettent surtout de préparer la semaine d’entraînement qui va suivre le match, d’identifier certains points mais on ne peut pas, technicien ou observateur, ne se fier qu’à elle en occultant tout ce qui l’entoure. Chaque statistique a son moment mais ne peut être érigée en vérité. Ne se fier qu’à elle serait ignorer une bonne partie de l’analyse à faire après un match.
Vincent Bréhonnet (Stade Rennais Rugby) : Je pense effectivement que ce serait une erreur de ne se fier qu’à ces données même si ces marqueurs sont des indicateurs importants de la perf. Nous aimons reprendre quelques interview de Christophe Urios qui dit notamment «Là, je ne vais pas me focaliser sur la data, je vais avoir besoin de sentir les mecs ».
Quentin Marion : Pour répondre à la question, en ne donnant que mon avis. NON il ne faut pas juste faire un retour suite aux stats, comme évoqué dans ma réponse à la question précédente, ça enlève la partie émotionnel, les stats expliquent pas forcement le moment (il y a des joueurs fort dans les moments importants, fin de set, et d’autres plus fragile)…