Vendée Globe : L’incroyable récit de Kévin Escoffier, sauvé par Jean Le Cam

Crédit Photo PBR

La solidarité entre marins n’est pas un vain mot et devrait en inspirer plus d’uns dans un monde du sport parfois rongé et bafoué par des comportements aux antipodes de ceux montrés par ces athlètes hors-normes !

Cette nuit, le Malouin Kévin Escoffier, grand frère de Yannig, ( historique joueur du REC Rugby pendant de longues années et revenu en pays rennais au Rheu cet été, après une saison jouée à Saint-Malo) a vécu un véritable scénario de film catastrophe, heureusement ponctué d’un happy end aux côtés de Jean Le Cam, qui a dérouté lundi après-midi pour le repérer sur son canot de sauvetage puis le récupérer à bord. Une terrible angoisse de longues heures pour Kévin Escoffier et ses proches ainsi que son équipe PRB, soulagés et sans doute aussi médusés que nous en découvrant le récit d’une nuit faisant froid dans le dos, au travers du communiqué transmis par son équipe PBR.

« C’est surréaliste ce qui s’est passé. Le bateau s’est replié sur lui-même dans une vague à 27 noeuds. J’ai entendu un crac mais honnêtement, il n’y avait pas besoin du bruit pour comprendre. J’ai regardé l’étrave, elle était à 90°. En quelques secondes, il y avait de l’eau partout. L’arrière du bateau était sous l’eau et l’étrave pointait vers le ciel. Le bateau s’est cassé en deux en avant de la cloison de mât. Il s’est comme replié. Je vous assure, je n’exagère rien… il y avait un angle de 90° entre l’arrière et l’avant du bateau.

Je n’ai rien eu le temps de faire. J’ai juste pu envoyer un message à mon équipe  »Je coule. Ce n’est pas une blague. MAYDAY. ».

Entre le moment où j’étais sur le pont en train de régler les voiles et le moment où je me suis retrouvé en TPS (combinaison qui permet de lutter contre l’hypothermie, ndlr), il s’est passé même pas deux minutes. Ça a été d’une rapidité extrême.

Je suis sorti du bateau, j’ai enfilé comme j’ai pu la TPS. J’ai vu de la fumée, l’électronique qui cramait. Tout s’éteignait. Le seul reflexe que j’ai eu a été d’attraper le téléphone pour envoyer ce message et prendre la TPS que je ne matosse (déplace, ndlr) jamais. J’ai voulu prendre le grab bag (sac de survie) mais je n’ai pas réussi car l’eau montait.

J’ai pris le bib (radeau de survie) à l’arrière. Le bib avant n’était pas accessible, il était déjà trois mètres en dessous de l’eau. L’eau était dans le cockpit jusqu’à la porte.

J’aurais voulu rester un peu plus longtemps à bord mais je voyais bien que tout allait très vite et puis je me suis pris une déferlante et suis parti à l’eau avec le radeau.

A ce moment-là, je n’étais pas du tout rassuré… Tu es dans un radeau avec 35 noeuds de vent. Non, ce n’est pas rassurant. J’ai seulement été rassuré quand j’ai vu Jean. Mais le problème, c’était de savoir comment faire pour monter à bord avec lui.

On s’est dit deux-trois mots. C’était Verdun sur l’eau. Il a été contraint de s’éloigner un peu puis après, j’ai vu qu’il restait sur zone. Je suis resté dans le radeau jusqu’au petit matin.

Je ne savais pas si la météo allait mollir suffisamment pour permettre une manoeuvre. Il était à deux mètres de moi, il m’a envoyé la frite avec un lien mais c’était dur d’arrêter le bateau. Finalement, j’ai réussi à attraper un tube, une barre pour monter à bord. Il y avait encore de la mer, environ 3,5 m. C’est une épreuve dans ces conditions de monter à bord d’un 60′, d’autant plus quand tu es contraint dans tes mouvements par la TPS. Sincèrement, heureusement que je suis en forme physique car je vous assure que ce n’est pas simple.

Quand je me suis retrouvé à bord avec Jean, nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre (…) Pour l’instant, je n’ai aucune idée pour la suite. On va voir avec la direction de course. Là, j’ai bien dormi 2 heures, me suis reposé, j’ai mangé. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour le bateau. Je l’avais renforcé, j’ai tout fait, je n’ai pas de regret par rapport à ce que j’ai fait. »

Au petit matin, TVR par le biais d’Arnaud Benchetrit, avait recueilli les premières images et réactions, très émouvantes, des deux hommes à bord du bateau de Jean Le Cam, qui fut sauvé en janvier 2009 par Vincent Riou, alors skipper de PRB, Cette année, le doyen de l’édition réalisait une très belle course et faisait mieux, jusqu’alors, que certains foilers. A signaler que Sébastien Simon sur Arkea-Paprec, Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) et Boris Herrman (Sea Explorer) ont également dérouté pour porter secours à leur camarade. Une belle histoire de solidarité qui heureusement, finit bien.