Franck Roussel : « Nous avons gagné le respect de la Nationale Une »

Il est depuis vingt ans le président du Cercle Paul Bert Handball et aura attendu un an et demi pour accepter notre invitation à déjeuner pour nous raconter son quotidien, son rôle, sa saison mais aussi évoquer l’avenir de son club. N’y voyez pas là un mépris, loin de là mais plutôt l’envie de rester dans l’ombre de joueurs aujourd’hui en pleine lumière. Avenir, statut Vap, coupe de France ou politique, cela valait le coup d’attendre !

Ton équipe a connu une première partie de saison à deux visages : poussive les deux premiers mois puis ultra séduisante par la suite. Comment juges-tu ces différences ?

Il faut savoir que les joueurs se sont assignés eux-mêmes leur objectif d’aller disputer les play-offs. Le groupe a peu bougé par rapport à l’année dernière, où il avait échoué au goal-average pour la seconde place. Les garçons ont conscience du club dans lequel ils sont mais s’étaient peut-être mis un peu trop de pression en début de championnat. Ils savent que nous n’avons pas les moyens d’aller en Pro-Ligue mais pour autant, ils se sont fixés l’objectif de progresser et donc, d’aller jouer ces fameux play-offs. Je sens un groupe très déterminé.

Comment expliques-tu ces ratés lors des premières journées ?

Je pense que la poule a fait un petit peur à tout le monde. Nous avons rapidement perdu plusieurs matchs, dont une vraie raclée à la maison contre Angers. C’était la meilleure chose qui pouvait nous arriver… Il y a eu une grosse remise en cause de tout le monde, les joueurs et le coach se sont réunis, en toute intelligence. Au-delà des capacités physiques de joueurs, le groupe est très homogène en qualité. Notre équipe envoie du jeu, notamment en défense et les garçons sont allés faire des perfs, en gagnant à Hazebrouck, à Angers. Il y a des défaites qui font du bien et celle-ci a mis tout le monde dans le bon sens.

« Le statut VAP ? Nous n’avons eu aucun retour de la ville à ce jour… »

Quelles sont les ambitions sur cette phase retour ?

Nous sommes structurés comme un très bon club de N2 mais sommes parmi les petits en N1. Nous faisons partie des rares clubs de ce niveau-là sans joueurs professionnels. A terme, l’idée est d’avoir une équipe masculine en N1 et l’équipe féminine au même niveau. Ici, l’argent n’est pas destiné uniquement à l’équipe fanion, loin de là. C’est tout un club avec toutes les catégories d’âge qui travaille et qui bénéficie de la politique mise en place mais aussi du budget.

Où en est-on du dossier d’accession au statut VAP ?

Le projet a été présenté à la ville, qui nous a bien accueillis et a promis de nous accompagner mais depuis, nous n’avons eu aucun retour de leur part. Ça ne pourra pas se faire sans des aides supplémentaires, notamment des collectivités. Il y a des échéances électorales qui vont arriver et j’espère que le sport sera un peu plus reconnu qu’il ne l’est à ce jour dans un avenir proche. Le sport, c’est la meilleure com’ qu’il puisse y avoir pour une ville. 2000 personnes réunies quinze fois par an pour un spectacle de sport, ce n’est pas négligeable. Regardons ce qui a été fait à Nantes, il y a eu un gros travail dont on peut s’inspirer.

Les exigences de la Fédé, elles, demeurent très élevées ?

Les choses vont évoluer. S’ils n’ont pas changé le statut en lui- même, les exigences financières pour évoluer en Pro Ligue sont aujourd’hui plus importantes sur tous les plans. Un club de D2 doit aujourd’hui avoir au moins 1,2 M€ de budget. Nous sommes aujourd’hui autour des 400 000 € donc bien loin… C’est très compliqué pour des clubs comme le nôtre d’imaginer pouvoir atteindre ces sommes… Aujourd’hui, beaucoup de clubs amateurs portent une équipe de Nationale Une et ne pourront pas accéder à de telles exigences, même avec une unique équipe à financer. Nous, nous avons une assise socio-sportive dans les quartiers, avec une assise à tous les niveaux dans les catégories jeunes, régionales et nationales. C’est le cœur de notre réacteur et nous ne modifierons pas l’ADN du club.

A l’image de l’entrée gratuite à Géniaux pour tous les matchs ?

C’est un choix assumé, tout simplement. Aujourd’hui, est-ce que tu te vois payer pour aller voir spectacle de Nationale 1 de hand, sur des bancs en bois serré comme des sardines ? Le sol, l’éclairage, les peintures, le foyer, tout cela reste correct mais le nombre de places, c’est n’importe quoi… Cela fait dix ans que l’on en parle. Nous devrions avoir des réponses plus rapides. Maintenant, nous avons pour réponse l’horizon 2023-2024, avec la nouvelle salle mais c’est loin…350 places, c’est totalement insuffisant.

« Nos partenaires sont fidèles et plus nombreux »

Te sens-tu aidé par la ville de Rennes dans l’action menée au CPB Hand ?

Je comprends les contingences financières de la ville de Rennes. Je me sens compris mais pas aidé. Les critères mis en place sur le haut niveau nous permettent de bénéficier de subsistes que nous n’avions pas avant mais cela n’est pas pour autant équitable avec d’autres clubs qui sont là depuis de nombreuses années et qui, pour des raisons historiques, touchent des contrats de conventions directes. Aujourd’hui, ça ne va pas assez vite. Il y a sans doute d’autres priorités qu’une salle de hand… A ce jour, on va me répondre que tout est voté, qu’il y a une étude technique, un an puis la mise en place du projet sur deux ans… Notre salle est déjà trop petite depuis dix ans mais il faudra encore attendre…

Vous renoncez donc à l’accession, même à moyen terme ?

Aujourd’hui, il y a les prémices d’un projet, au niveau de la Fédération, d’une Division 3, qui se situerait entre la Pro Ligue et la Nationale Une. Pour le moment, nous n’en savons pas beaucoup plus donc  difficile d’en dire plus.

Y’a-t-il une progression des partenaires ?

Oui, nous avons gagné 30 000 €  de budget supplémentaire, sans perdre de partenaires. Nous sommes avec des chefs d’entreprises ou de PME qui comprennent la philosophie du CPB. Pour eux, le hand offre une visibilité tout en restant accessible, loin des exigences des clubs pros. Ils font même ensuite jouer leurs réseaux pour que leurs copains chefs d’entreprises se joignent à nous. On fonctionne ainsi et plutôt bien mais jusqu’à quand ? Nous verrons bien mais nous sommes entourés de fidèles. Cette dimension des partenariats privés a pris une dimension essentielle, nous ne sommes pas loin des 50 % sur notre budget.

Sportivement, as-tu déjà vu ton équipe aussi forte que ces dernières semaines ?

Je pense qu’aujourd’hui, notre coach a gagné en maturité et en expérience. C’est quelqu’un de bien et nous avons aussi un groupe au diapason, qui a évolué. Le Cercle d’aujourd’hui n’est plus celui d’il y a cinq ans. La plupart des jeunes sont passés par un centre de formation et savent que le club est une vraie alternative, notamment avec le double projet. Aujourd’hui, nous avons gagné le respect de la division, c’est certain, plus personne ne vient à Géniaux les doigts de pieds en éventail. Il y a une belle équipe, une bande de potes dont la force est d’avoir la passion du hand mais pas que… Tous sont investis dans leurs projets pros, aussi divers qu’ils soient et sont heureux de se retrouver, de jouer les uns pour les autres. C’est une grande force ! J’ai un groupe intelligent, des garçons qui veulent être considérés comme des hommes, des joueurs et non une marchandise.

Quel type de président es-tu ? Un bénévole parmi d’autres ?

Il faut bien servir les boissons et faire les poubelles après les matchs et tout le monde s’y colle. Cela fait 20 ans que je suis président. Je l’ai fait à l’époque par défaut, ce n’était pas le moment dans ma vie perso, j’avais un bébé à la maison qui a 21 ans aujourd’hui. Ça n’a pas toujours été simple car j’ai eu deux autres enfants ensuite. Aujourd’hui, je me considère comme quelqu’un de raisonnable. J’ai le sentiment de faire bouger les lignes vis-à-vis du Cercle Paul Bert omnisport. J’ai essayé de le faire au niveau de la structure handball. J’aime entreprendre, c’est lié à mon métier.

Tu n’es pas un président qui va pousser un coup de gueule ou un cri de guerre dans les vestiaires ?

Ah non, surtout pas ! Je ne suis pas à l’aise dans le vestiaire, ce n’est pas ma place. Ce n’est ni mon rôle, ni ma manière de voir ma fonction. J’ai conscience des limites du Cercle Paul Bert. J’aime le côté entrepreneur de la fonction de président, l’idée de monter un projet et d’y associer tout le monde, staff comme partenaires. Après, je n’ai aucune légitimité à être présent dans les vestiaires ou à aller donner mon avis ou pousser une gueulante. Ce n’est pas moi, ça ! J’aime le rapport avec les gars, quand il faut les aider à construire un projet professionnel, trouver un boulot mais pas pour leur parler handball. Ici, on leur propose une carrière quelque chose qui peut durer. Des contrats, cela impliquerait des durées. Aujourd’hui, à chaque fin de saison, un joueur peut nous quitter si l’alchimie terrain-boulot n’est plus là. C’est le jeu.

« Notre ambition ? Faire monter l’équipe féminine au niveau des garçons, en N1 »

Quelle est la priorité du club à court terme ?

Je veux emmener l’équipe féminine en Nationale Une et nous allons tout faire pour nous donner les moyens de réussir. Elles ont aujourd’hui cinq points d’avance en N3 et devraient l’an prochain jouer en N2. Nous sommes aujourd’hui en plein développement, y compris dans les quartiers, de cette catégorie et nous misons plus, à ce jour, sur la montée en puissance des filles vers la N1 que sur une hypothétique, en raisons des cahiers des charges très lourds, montée en « future D3 » pour les garçons. Ce projet féminin a été présenté à la ville de Rennes avec l’ensemble du contenu et nous allons rediscuter avec la ville de Rennes car nous avons besoin de créer un poste de développement du handball féminin dans les quartiers et vers le haut niveau.

L’idée aujourd’hui est de continuer de performer à un niveau déjà très élevé par rapport à la structure ?

Pour faire simple, nous préférons aujourd’hui être un « grand » chez les « petits » qu’un « petit » chez les « grands », avec la perspective de tout faire exploser si nous montions une année avec un échec sportif et financier à la clé. Il faut être raisonnable. Après, il y a sept à huit ans, nous disions la même chose au sujet de la Nationale Une. La D2, je ne pense pas. La D3, comme je l’ai dit précédemment, nous verrons bien de quoi il s’agit…

La coupe de France offre aussi une sacrée épopée cette année. Où vous arrêterez-vous ?

Nous sommes allés chez Ikea pour acheter une belle étagère à trophées… Plus sérieusement, nous sommes sûrs d’une chose, c’est que l’on ne va pas la gagner ! Les garçons ont eu du mal à se mettre dans le championnat et savaient qu’en passant des tours, ils pourraient garder une dynamique et jouer longtemps, jusqu’à mi-décembre. Ils ont sorti deux énormes perfs contre Lanester puis Cherbourg, dorénavant, ce ne sera plus que du bonus. L’idéal aurait été d’affronter un PSG, Nantes ou Montpellier mais nous irons à Nancy sans pression.

Comment as-tu vécu ce parcours historique ?

C’est une détente pour moi ! En vieillissant, j’ai de plus en plus de mal à vivre les matches de championnat. Je suis en stress, comme une bête en cage, avec tous les enjeux que comportent les matches. Si je vais en tribune, je vais avoir envie de dire des « conneries » avec mes copains mais je ne peux pas le faire, en tant que président. Le championnat, il détermine notre avenir. La coupe, en revanche, j’adore regarder, je n’ai aucune pression ni problème. Cherbourg ? Je n’ai même pas pu voir la seconde période, il  n’y avait plus aucune place dans la salle et le foyer était plein avec une télé qui nous a lâché en seconde période. Heureusement, il y a eu beaucoup de monde, très tard, pour me raconter dans le détail tout ce que j’avais loupé !

Recueilli par Julien Bouguerra