Derby Rennes – Nantes : on remet ça ?

L’an passé, sous des trombes d’eau, Wahbi Khazri avait délivré les siens et offert une victoire au Stade Rennais dans un match disputé jusqu’au bout. Première victoire pour Sabri Lamouchi, ce succès a compté dans l’exceptionnelle seconde partie de saison rennaise. Bien des similitudes sont là cette saison, même si beaucoup de choses ont changé depuis des deux côtés. 

Rennes-Nantes 2017 : 2-1.

Difficile pour les supporters rennais d’oublier un match pourtant largement oubliable, notamment sur le plan du jeu. Le dernier derby joué au Roazhon Park, le 25 novembre dernier, a marqué les esprits des supporters rennais, alors pas très sereins en Ligue 1 et en plein fou après le renvoi du tandem Ruello-Gourcuff. En ce dimanche gris et pluvieux, dans un stade plein, Sabri Lamouchi, défait pour son entrée en matière à Strasbourg la semaine précédente, sait qu’il passe un examen de passage crucial avec un public qui depuis, a toujours été à ses côtés. Onzièmes avec seulement deux points d’avance sur Strasbourg, alors 18ème, les « rouge et noir » doivent s’imposer afin de respirer. Nantes, de son côté, réalise un gros début de saison et truste une surprenante cinquième place. Relâchés, les joueurs de Claudio Ranieri sont cependant peu entreprenants et restent campés en défense, sans ambition offensive lors du premier acte. Celui-ci se résume à une bataille rangée avec deux petites occasions rennaises pour Adrien Hunou et Benjamin Bourigeaud. Au retour des vestiaires, Yoann Gourcuff s’arrache et fonce au contact avec Diego Carlos. Wahbi Khazri, pourtant en position de hors-jeu sur ce contact, récupère le cuir et croise magnifiquement pour l’ouverture du score. Ce but a le mérite de dérider la partie, dans laquelle Nicolas Pallois, tout en finesse, disjoncte en six minutes  et découpe le buteur du jour. C’est le rouge, logique (57’). A onze contre dix, paradoxalement, les Nantais, qui crieront à l’injustice en après-match, se rebiffent et reviennent au score grâce à Emiliano Sala sur un pénalty transformé en force, suite à une faute de Mexer sur Thomasson (65’). Alors que tout semble conduire à un partage des points frustrant, Wahbi Khazri s’offre un doublé, sur un gros travail de Benjamin André, qui récupère le ballon dans les pieds de Luigi Sala. Le Roazhon Park chavire tandis que le club bascule dans la première partie de tableau, qu’il ne quittera quasiment plus pour la suite que l’on connaît. Au retour, dans un match très décevant, les deux équipes se quitteront sur un résultat nul, les Nantais finissant une nouvelle fois à dix avec l’expulsion de Sala. Thomasson ouvrira le score pour une égalisation logique en seconde période de James Lea-Siliki. Malgré une grosse seconde période, les Rennais ne parviendront pas à réussir le « doublé des derbies ». Pour mieux réussir ce délicieux pari cette saison ?

Perspectives.

Aujourd’hui à égalité de points au classement, Rennais et Nantais abordent le derby avec des temps de passage certes identiques mais des ambitions initiales différentes. Si les voisins de l’Atlantique étaient encore au fond du trou il y a un mois avant de rappeler Vahid Halilhodzic », les Rennais, eux, sont branchés sur alternatif depuis le début de la saison. Avec la coupe d’Europe à gérer en plus, les joueurs de Sabri Lamouchi peinent à enchaîner les performances et se retrouvent aujourd’hui dans le ventre mou du classement, avec un temps de passage identique à la saison passée. Olivier Létang, conscient de la difficulté d’apprivoiser ce nouveau tempo Ligue1-Ligue Europa, a d’ores et déjà rappelé que lier les deux était toujours très compliqué lors de la première saison mais ne perd pas pour autant son ambition initiale de qualifier le plus régulièrement possible le Stade Rennais pour les joutes continentales. Dans un championnat plus ouvert que jamais avec les défaillances (à long terme ou non) de Monaco et de l’OM, voire de Nice et Bordeaux, des places sont à prendre parmi les accessits européens.  Lille et Montpellier ont déjà pris de l’avance tandis que Saint-Etienne, autre prétendant, est dans les temps. Pour Rennes, il n’y a donc plus de temps ni de points à perdre, surtout à domicile. Une victoire, avant un calendrier loin d’être simple (déplacements à venir à Montpellier puis Lyon d’ici au 5 décembre) serait ainsi fortement bienvenue pour rester dans la course ! 

Etat de forme.

Incontestablement, les Canaris possèdent en la matière un vrai plus. Quatre victoires lors des cinq derniers matches officiels, 14 buts inscrits, un seul encaissé, le FC Nantes marche sur l’eau avec son nouveau coach et un état d’esprit bien plus conquérant que sous les ordres de son ancien coach portugais, Cardoso, déjà oublié par une grande partie du peuple « jaune et vert ». Alors que l’an passé, la révolution de palais était rennaise au moment de croiser le fer pour la suprématie régionale, c’est cette fois-ci du côté de l’Erdre que les choses ont été chamboulées. Avec un Emiliano Sala en feu, auteur de dix buts cette saison, que ce soit de la tête de la cuisse ou d’ailleurs, les coéquipiers de Valentin Rongier ont le vent en poupe face à des Rennais qui, en revanche, semblent marquer le pas depuis le retour de la trêve internationale. Nul à Saint-Etienne, défaite contre Reims puis en Ligue Europa contre Kiev, les coéquipiers de Benjamin André ont enfin regoûté à la victoire un mois après leur succès en terres monégasques. A la maison, en revanche, la victoire en Ligue 1 se fait attendre depuis le 2 septembre et le brillant succès validé contre Bordeaux (deux défaites et un nul depuis…). S’ils voudront avant tout se rassurer, notamment défensivement où les certitudes manquent, les Brétilliens devront enflammer ce derby et ne pas faire de cadeaux à des Nantais qui n’ont actuellement pas besoin de cela pour faire très mal à leurs adversaires. Les « rouge et noir » sont prévenus !

Vahid, le point commun.

Il est le Roland Courbis bosnien (en moins drôle !), le Sam Allardyce des Balkans, celui que l’on appelle lorsqu’il y a le feu à la maison ! En 2002, il avait été celui qui avait été chargé de redresser un Stade Rennais alors à la dérive, en queue de Ligue 1. Prié de faire ses valises, Philippe Bergeroo s’en va et Coach Vahid arrive, en mode commando. Les leviers de l’époque sont les mêmes que ceux d’aujourd’hui entendus à Nantes depuis quelques semaines : « La situation est grave », « l’équipe est malade », « je suis fatigué, nous travaillons beaucoup » sont déjà des rengaines à la mode dans la bouche du coach bosnien. Bénéfices directs du discours ? Des lauriers quand les choses s’améliorent vite, comme c’est le cas aujourd’hui au FCN. S’il n’a pas laissé un souvenir impérissable en Ille et Vilaine, loin de là, « Coach Vahid » a tout de même laissé quelques punchlines dont il a le secret. Vincent Simonneaux, journaliste à TV Rennes, se souvient d’une phrase, notamment, visant à expliquer qu’il n’avait pas les moyens dont il estimait devoir bénéficier : «La famille Pinault m’a donné carte blanche, pas carte bleue » rappelle celui qui présente Pleine Lucarne, tous les lundis.  Il y a un an, dans un entretien réalisé par 20 minutes, le coach raconte son passage rennais et son lien particulier avec la famille Pinault : «  Quand j’étais entraîneur du Stade Rennais, on avait gagné un match très important pour le maintien face au PSG (1-0, le 15 décembre 2002). Je me souviens que Monsieur Pinault et son fils François-Henri avaient couru pour nous féliciter. Je ne les ai pas tout de suite reconnus (sourire) ». Un peu gros, cette anecdote, Coach, non ? Toujours est-il que celui-ci embraye, en mode égo-trip, au moment d’évoquer sa décision de ne pas poursuivre l’aventure, un an plus tard : « Je le regrette toujours, oui… M. Pinault m’avait accordé une confiance aveugle. Même ma famille ne m’a « jamais pardonné » (sourire), elle aussi voulait que je reste à Rennes. Après avoir réussi à sauver le club, M. Pinault m’avait dit : « On a les moyens de construire une équipe compétitive et viser l’Europe ». Mais mon ami Francis Graille arrivait à cette époque à la présidence du PSG, et il était difficile de refuser Paris pour l’entraîneur ambitieux que j’étais. C’est l’une des décisions les plus difficiles que j’ai prises, sportivement parlant. Je me suis senti un peu honteux vis-à-vis de M. Pinault et sa famille… même s’il ne faut pas oublier qu’après avoir quitté Lille, un club qui jouait l’Europe, j’avais pris la « folle décision » de rejoindre le Stade Rennais, qui n’avait que 5 % de chances de se maintenir au moment où je suis arrivé ». Ce dimanche, pour le derby, Vahid, ce héros si modeste, devra donc choisir entre ce club où il aurait tant voulu rester et celui où il a toujours rêvé d’entraîner et dont il est désormais le guérisseur attitré. Un match dans le match entre une seule et même personne, tout un programme !

Julien Bouguerra