Kévin Le Roux : « Nous avions la qualité pour faire mieux ! »

Il a beau avoir un palmarès long comme le bras et avoir remporté la Ligue Mondiale il y a deux ans, Kévin Le Roux, 28 ans, n’est pas du genre à se prendre pour un autre ! En toute décontraction, pendant près d’une heure, installé dans le hall de la piscine Bréquigny, il nous a raconté Moscou, sa rencontre avec le Rennes Volley 35, son avenir, ses amis puis son avenir, proche et plus lointain, gardant dans un coin de la tête l’idée de revenir un jour, sur la possibilité se présentait…

Pendant les fêtes, nous apprenions ta signature ici, à Rennes. Comment un joueur de ton calibre arrive-t-il à Rennes ?

Je suis du coin, j’ai vécu 13 ans à Saint-Malo. J’ai des amis et de la famille ici. Tout le monde étant là, c’était un paramètre important dans mon choix. Je n’ai pas eu la chance de jouer à Rennes jeune, j’étais à Cannes. Là, l’opportunité m’était donnée donc je n’ai pas hésité. Il y a aussi eu Tours et Nantes qui sont venus aux renseignements mais mon choix a été rapide, indépendamment que le fils du coach soit mon agent, je tiens à le préciser ! Cela fait quatre ans que je travaille avec lui, depuis que je suis à l’étranger. Si le contrat ne m’avait pas intéressé, je n’aurais pas signé. Je suis venu pour aider le club et prendre le plaisir que j’avais perdu en Russie.

Un garçon de ton statut qui vient jouer à Rennes, cela avait de quoi surprendre !

Ce sont les autres qui ont été surpris. Moi, je voulais aider le club, le maintenir en Ligue A. Ils ont galéré pour monter depuis trois ans et mon objectif était de les aider à se maintenir. Sur le plan personnel, j’avais besoin d’un petit break mental et physique, de jouer avec un peu moins de pression, je n’avais pas arrêté depuis deux ans. C’est aussi pour cela que je n’ai pas voulu repartir directement à l’étranger.

Sur le plan financier, comment cela a-t-il pu se faire ?

Je ne suis pas venu ici pour l’argent. Sans prétention, je savais très bien depuis le début qu’aucun club en France ne peut me payer à hauteur de ce que  j’avais à l’étranger. Ici, je ne suis pas dix têtes au-dessus des autres sur la grille salariale. Nous ne sommes pas dans des montants de folie et je ne suis pas venu à Rennes, je le répète, pour l’argent. On a mis une journée à faire le contrat, avec mon agent, nous avons dit oui tout de suite. A l’étranger, on me proposait plus et en France, l’offre était équivalente chez les différents clubs intéressés. C’est le challenge sportif qui m’a motivé. Sinon j’aurais fait une pause de six mois, profité de la famille et pris des vacances avec l’argent gagné à Moscou.

Que s’est-il passé à Moscou ?

J’y ai passé à peine six mois puis l’entraîneur et le manager ont été mis dehors. Avec le premier coach, je jouais mais bon, sans réel feeling. Il ne parlait que russe, je n’avais pas plus d’affinités que cela mais avec les joueurs ça allait. Les résultats étaient plus ou moins bons. En revanche, le passeur, je te promets, n’importe quel passeur de Ligue A prend sa place tous les jours là-bas ! Je ne me souviens même pas de son nom… Le souci, c’était donc le nouveau manager. Il cherchait toujours la petite bête. Dans un groupe, je ne suis pas le plus chiant, loin de là mais lui m’avait dans le « pif ». Ils m’ont dit qu’ils n’aimaient pas mon volleyball. Si encore j’avais fait une grosse erreur, si j’étais arrivé « arraché » après une grosse soirée, j’aurais compris mais là, non, ils n’avaient que ça à me dire : « On n’aime pas ton volley ». J’ai donc dit : on fait quoi maintenant ? Ils m’ont donné mon salaire de décembre, nous étions le 28, puis nous nous sommes arrangés avec mon agent et ils m’ont payé une bonne partie du reste de mon contrat, environ 75 % du restant dû. Puis nous nous sommes serrés la main et au revoir messieurs ! Là-bas, quand on ne veut plus de toi, c’est radical. Ils m’ont expédié en 48 heures.

Sur le plan sportif, ce n’était pourtant pas si mal parti…

J’ai joué plus de la moitié de la saison là-bas, ce n’était pas trop mal, le public m’adorait, je n’avais pas de soucis avec les joueurs et le nouveau coach voulait me garder. Mais le manager non…

La vie de tous les jours en Russie, c’est comment ?

Dans le volley, c’est une autre mentalité qu’ici, ça ne déconne pas, c’est très froid et finalement, il y a peu de plaisir à prendre sur le plan humain. Dans la vie de tous les jours, Moscou, c’est une superbe ville. Hormis les soirées exceptionnelles, la ville, la culture et les monuments à visiter, c’est quelque chose ! J’en garde un bon souvenir, malgré l’issue. C’est une bonne expérience. Et puis jouer au Dynamo Moscou, comment refuser ? Les places sont chères. Quand ils t’appellent, tu ne peux pas refuser. Après, l’histoire est ainsi faite. Je ne pouvais pas savoir que le passeur serait aussi nul, qu’un manager me pousserait dehors… D’ailleurs, pour l’anecdote, le passeur a aussi été viré…

Quand tu arrives ici, le RV 35 est au fond du classement. Dans quel état découvres-tu le vestiaire?

Je connaissais pas mal de joueurs, les anciens et j’ai sincèrement halluciné ! Le groupe vivait très bien, c’est ce qui m’a peut-être le plus étonné. J’étais surpris de voir le classement, je me suis dit ce n’est pas possible qu’avec une telle ambiance et un tel niveau à l’entraînement, les gars n’aient remporté que deux matches sur onze !

Ton accueil pour ton premier match face à Sète fut assez impressionnant !

J’ai été le premier étonné par cet engouement, ça fait chaud au cœur ! Il y a une grosse ambiance ici. En Bretagne, il y a beaucoup de licenciés en volleyball, je n’ai pas été surpris que le gens connaissent et aiment notre sport. Je connaissais bien sûr le club avant d’arriver. Dans le jeu, j’ai retrouvé le poste de pointu. Cela a été difficile les quinze premiers jours, il a fallu me remettre dedans. Maintenant, tout va bien, nous sommes réglés avec Kert. Pour un poste que je n’avais pas côtoyé depuis deux ans, je ne suis pas mécontent. Quand je fais une bonne défense par set je suis content. A l’attaque, je tourne autour de 45 %. Pour un gars qui n’avait pas touché ce poste depuis deux ans, ce n’est pas trop mal…

Il t’a fait quoi le ballon pour que tu le martyrises autant ?

Franchement je n’en sais rien (rires) ! Le fait que je sois très grand fait que la trajectoire va descendante, prend de la vitesse. C’est aussi dû à mon geste. Je ne suis pourtant pas si costaud que ça. Moi, je ne sens pas de douleur en frappant. Sebastian, notre libéro en revanche, n’en dira pas autant et m’en voulait de lui avoir fait un bleu à l’entraînement sur un service ! (rires).

La saison du Rennes Volley est-elle un gâchis ?

On accroche Tours, on frôle la victoire à Chaumont. Il y a un tout un tas de match où cela s’est joué sur les détails. Si nous avions fait la même phase aller que celle que nous avons réalisé au retour, nous serions sans doute dans les 8. Nous avions un trop gros retard. Deux victoires seulement sur 11, ça pique et c’est dur dans les têtes. Nous avons traîné tout cela comme un boulet. Je n’avais encore jamais vécu ces résultats-là, j’ai souvent été dans des équipes qui avaient l’habitude de gagner. Il y aura des regrets car nous avions la qualité pour faire mieux. 

A l’issue du championnat et des éventuels Play Downs, tu quitteras le club ?

Oui, c’était convenu dès le départ. Nous bossions sur un contrat de trois mois puis ensuite, il était prévu que je retourne à l’étranger. Aujourd’hui, sincèrement, je ne sais pas du tout où j’évoluerais l’an prochain. Nous sommes tôt, ça commence à parler fin mars. J’aime bien la Turquie et je ne serais pas contre découvrir l’Asie ou le Japon. La France, non, même si en termes de niveau, la Ligue A n’a pas à rougir de la comparaison avec la plupart des championnats européens.

Tu garderas des potes rencontrés ici ?

Le volley est une belle famille, on garde souvent le contact au gré des changements de clubs. Ici, je connaissais déjà Gérald depuis longtemps, qui était déjà un ami, idem pour Manu. J’ai aussi une pensée pour Stéphane Elric. Je l’ai connu à peine deux mois mais on était tout le temps ensemble. Il était toujours avec nous après les matches, à manger chez « Nono ». Il y avait une vraie connexion, j’ai pleuré toute la journée, ça a été vraiment dur pour tout le monde. Il était un membre de notre équipe, c’était une bonne personne, prêt à aider, généreux. Il avait toujours la patate, de la folie et quand on nous dit ce qui c’était passé, ce fut un gros choc. Nous avons tous été choqués et pensons fort à lui. Il a longtemps travaillé dans le club et j’espère que nous lui rendrons un bel hommage contre Paris. C’était une très bonne personne, c’était comme si je l’avais connu depuis cinq ans…

Tu t’apprêtes à refaire tes valises et donc, t’éloigner de nouveau de la famille. Ce n’est pas trop dur pour eux ?

Ils savent ce que c’est et moi aussi. Je vais être franc avec toi, c’est même plus dur pour moi ! A chaque fois que je pars à l’étranger, je « chiale » comme un gosse et eux sont contents pour moi. Ma mère me dit d’ « arrêter de pleurer, tu es grand, tu as passé l’âge » et moi je dis non, c’est dur ! Partir à l’étranger et ne pas les voir pendant six mois, c’est parfois compliqué. Moi je ne pleure qu’une fois par an, quand je pars à l’étranger, pas plus ! Après c’est la vie de sportif de haut niveau, ce depuis cinq ans.

Pourrait-on te voir revenir ici une fois ton tour à l’étranger terminé ?

Bien sûr, pourquoi pas, ce serait un plaisir de revenir près de la famille et des amis. Ce serait un vrai « kiff » de boucler l’histoire ici, à Rennes, si je suis bien sûr encore au niveau dans quelques années. Je ne dis pas que j’y serais absolument mais maintenant que j’ai connu Colette Besson, aucun problème pour y revenir bien au contraire !

Julien Bouguerra