Son équipe survole le championnat, avance sereinement sans trembler en coupe d’Europe et pourrait bien inscrire une nouvelle ligne à son palmarès en mai prochain en continuant sur sa lancée. Pourtant, la saison est comme souvent loin d’être de tout repos pour le Rennes Volley 35, dont l’avenir, s’il n’est pas menacé, n’apportent pas autant de certitudes que ses résultats ne pourraient le lui permettre. Sans langue de bois, le président Brice Chambourg fait le point.
Brice, vous dominez le championnat sur cette phase aller, avec six points d’avance sur Tours et 8 sur Montpellier. Quel sentiment prédomine à mi-parcours ?
Celui d’une belle première partie de saison, qui a offert grâce aux joueurs de belles émotions, du jeu et un bilan comptable quasiment parfait. Après, l’expérience de la saison passée fait que nous n’allons pas nous voir plus beaux que nous ne sommes. En janvier dernier, nous étions aussi tout en haut et nous avions vécu une deuxième partie de championnat très difficile puis échoué en quarts de finale des play-offs. Restons donc mesurés et savourons les résultats comme ils viennent.
L’appétit vient en mangeant. Le titre doit tout de même titiller un coin de votre tête ?
Nous mentirions si nous disions ne pas y penser mais encore une fois, restons calmes. Tours possède un budget et un effectif qui le placera en pole au printemps. Chaumont revient bien, Montpellier est là. Ces équipes restent les favoris et pourraient se renforcer. Notre priorité est plutôt de stabiliser le club sur tous les plans, sportifs, économiques et dans son développement. Les demies des play-offs seraient une belle récompense, où l’on s’autorisera d’aller encore plus loin même si cela ne nous offrira aucun privilège pour l’an prochain.
La coupe d’Europe est-elle un objectif ?
Non, sincèrement, nous la jouons avec plaisir mais elle coûte plus qu’elle ne rapporte même si elle permet une belle aventure humaine. Sachez-le, la remporter rapporte environ 50 000 € quand un tour coûte à un club 15 000 € environ… Si nous atteignons les quarts, où nous pourrions retrouver Montpellier, ce sera déjà un beau parcours.
« Il y aura toujours des gens pour parler, moins pour agir… »
Quand vous parlez de garanties sur l’an prochain, vous parlez de la situation économique du club ?
Dans le volley, vous repartez chaque saison à zéro et il est impossible de fructifier vos résultats sportifs au travers de retombées économiques. Je dirais même que performer coûte encore plus, à l’image de la coupe d’Europe. C’est le lot des clubs de haut niveau mais pour y faire face, il faut continuer à structurer, à générer une économie notamment auprès des partenaires et des institutions. Pour exister et avoir de la visibilité, il faudra être dans les quatre clubs qui comptent. C’est une ambition de survie !
Pourquoi le terme de survie ?
Il faut se poser les bonnes questions, notamment celle de la place du volley au plus haut niveau. L’élite exige des ambitions et par conséquences, des moyens. Beaucoup de choses sont déjà réalisées, bien entendu, la mairie nous soutient et nous accompagne déjà mais il nous faudrait sans doute encore un peu plus d’accompagnement à tous les niveaux institutionnels pour pérenniser le club avec des ambitions. Les partenaires privés, également, ne sont à ce jour peut-être pas encore assez nombreux et je constate chaque jour la difficulté de les fédérer et les emmener avec nous mais nous ne sommes pas du genre à me décourager.
Soyons cash : les rumeurs et bruits de couloir vont bon train sur la supposée mauvaise santé financière du Rennes Volley 35. Que pouvez-vous nous en dire ?
Il y aura toujours des gens pour parler, moins pour agir et prendre des responsabilités, nous le savons et je le savais avant même de prendre la présidence. Nous travaillons dur depuis bientôt deux ans pour développer le club sur le terrain mais aussi en dehors. Il faut staffer chaque secteur, aller vers un professionnalisme à tous les niveaux. L’été prochain, le club passera en société, ce qui sera une nouvelle évolution dans l’histoire du volley rennais. Même cela, ce fut très complexe. J’ai envie que nous passions ce cap en bonne santé. Aujourd’hui, le club est en recherche quotidienne de partenaires et de nouvelles solutions mais n’est pas mourant pour autant ! Il faut garder raison et ne pas dire n’importe quoi. Nous sommes sur un budget annuel situé aux alentours des 1,6 € M. Notre masse salariale est encadrée et nous avons mis tout en œuvre pour répondre aux exigences de la DNACG en étant accompagnés par des experts comptables et juridiques pour cette saison et les suivantes. Nous travaillons en toute transparence avec les interlocuteurs concernés.
On vous sent parfois touché, ce qui contraste avec la forme de l’équipe…
Il y a le terrain, où tout va bien, avec un super groupe de mecs sains et faciles à gérer, qui offrent beaucoup de bonheur et de plaisir à tout le monde, supporters, staff, dirigeants et bénévoles. J’aime être avec eux, partager les victoires, les admirer car ce qu’ils proposent dans le jeu est exceptionnel cette saison. Et il y a le reste… Croyez-moi, on se sent seul et tout cela prend beaucoup de temps et d’énergie. C’est le prix à payer pour vivre ensuite les émotions sur le terrain. Cette situation n’est pas propre à Rennes mais à un sport qui peine encore à faire sa place en France.
Vous évoquez ici les droits télés notamment et la mise en avant du volley ?
Sport en France, une chaîne disponible sur tous les bouquets, vient d’acquérir une vingtaine de matchs par an, c’est un bon début mais à ce jour, le volley souffre d’une sous-exposition qui n’aide pas à son développement. Cela risque d’occasionner de nouveaux frais pour mettre en place les diffusions, sans compensations. Ce sera aux clubs de trouver des solutions pour répondre aux exigences imposées. Ce n’est pas simple d’avancer mais nous voulons que Rennes et la Bretagne puisse rayonner. Le volley doit générer un intérêt du grand public et aussi des investisseurs. Le chantier est important et l’évolution des clubs passera par là. L’équipe de France, par ses résultats, a aussi un rôle à tenir.
Pour revenir à Rennes, le danger sportif vous guettant, comme l’an passé, se situe sur les sollicitations dont vos joueurs sont sans doute déjà l’objet. Comment gérer cela ?
Avec nos performances, forcément, des bruits circulent, des coups de fils sont passés, nous le savons. Je ne suis pour autant pas inquiet car je sens un groupe de mecs sains, qui sont avant tout déterminés à faire la meilleure saison possible sur le terrain, à gagner les matchs plus qu’à aller chercher un gros chèque en Corée ou à penser déjà à leur prochain contrat. L’an passé, c’était moins simple. Vous savez, c’est QFD : s’ils réussissent un gros championnat jusqu’au bout, les propositions seront toujours là en mai prochain. Maintenant, j’aimerais conserver la majeure partie du groupe et le voir grandir et évoluer mais nous ne sommes pas seuls décideurs. La Pologne, l’Italie et la Russie offrent aujourd’hui une exposition et des conditions salariales que personne en France ne peut aligner. Il faut faire avec et travailler en conséquences.
Un dernier mot sur le staff. Nikola Matijasevic arrive en fin de contrat. Des discussions ont-elles commencées ?
Nous allons discuter prochainement de tout cela, tranquillement. Les résultats sont excellents, le boulot de Nikola et de son staff porte ses fruits et nous avons un rapport franc et une vision où le club est la priorité. Il y a encore du temps pour voir tout cela.
Recueilli par Julien Bouguerra