Longuement blessée durant les trois quarts de la saison passée, Alice Barrès savoure aujourd’hui son grand retour en grande forme et celui, au premier plan, des « Roses », en tête de leur championnat et fixées sur l’objectif D2. Comme sur le terrain, la pivot de 25 ans se livre sans concession, lucide et bien décidée à jouer son rôle de leader à fond.
Après une première partie de saison quasi-parfaite, vous voici reparties pour confirmer et retrouver la division 2. N’est-ce finalement pas le plus difficile de faire la course en tête ?
Franchement, ce n’est pas simple ! Nous le voyons, surtout en déplacement, où nous sommes attendues et où, souvent, nous avons déjoué cette saison, même si nous remportions les matchs. Etre premier, c’est aussi une responsabilité dans le jeu. Nous devons montrer plus, justifier notre rang et maîtriser au mieux les événements. Il y a encore du travail sur ce plan-là pour la seconde partie de saison.
Celle-ci aura un enjeu unique : la remontée !
Clairement, oui. Aujourd’hui, nous voyons bien que nous avons les cartes en mains pour remonter mais il ne faut rien lâcher, jouer chaque match à fond pour s’imposer et ne pas laisser d’opportunités à nos adversaires. Au-delà de ça, il y a aussi en arrière-plan le retour en D2, pour lequel il faudra être prêtes et au niveau. Dès maintenant, nous préparons l’avenir et devons hisser nos exigences à chaque match.
« Tout le monde aurait dû m’en vouloir »
Sur le plan personnel, tu revis cette saison après une première année à Saint-Grégoire très compliquée…
C’est le moins que l’on puisse dire. Cette année, vraiment, ça n’a plus rien à voir. Nous avons un groupe qui s’est soudé et créé dès le stage de cohésion cet été. Les jeunes et les anciennes, dont je fais partie, s’entendent bien et tout le monde veut donner le maximum pour la réussite du projet. Nous sommes vraiment dans une excellente dynamique. A 25 ans, je suis la troisième plus « vieille » du groupe et en ce sens, j’essaie d’aider les plus jeunes et je fais tout pour être irréprochable. Je ne peux plus faire les mêmes erreurs…
On en vient au sujet sensible de la saison passée, avec cette fameuse blessure et tout ce qui a accompagné celle-ci…
Je suis sereine avec tout ça, c’est derrière et j’ai assumé et ce, dès le début. L’an passé, j’ai commis des erreurs dont évidemment, celle d’être sortie et rentrer tard la veille d’un match. Le lendemain, mon corps n’a pas supporté le manque de récupération et malheureusement, mon genou droit m’a fait payer (rupture des ligaments du genou droit)… Je le sais tout de suite, surtout avec la fatigue accumulée et j’ai eu très, très mal ! Avec le recul, j’aurais dû avoir la jugeote de me reposer plus, de ne pas accumuler la fatigue. Cet événement aurait cependant dû s’arrêter là et tout le monde aurait dû m’en vouloir à moi, seulement…
C’est-à-dire ?
L’an passé, à l’inverse de cette saison, le groupe n’a jamais été soudé et tourné vers les mêmes objectifs. D’entrée de jeu, cela s’annonçait compliqué, ça ne prenait pas entre nous toutes. Quand on arrive de l’extérieur, comme c’était le cas de nombreuses joueuses dont moi, il y a toujours tout un tas d’histoires et de rumeurs qui arrivent en même temps. Beaucoup de choses fausses circulaient… Il faut faire la part des choses et l’an passé, personne ne l’a faite, ni d’un côté, ni de l’autre. A ma blessure, il y a eu une scission encore plus forte entre deux « clans » alors que tout le monde aurait dû être contre moi, du fait de ma sortie de la veille ! Je n’avais pas déclaré la guerre en me « pétant » le genou… Cette blessure a amplifié et accentué encore plus les animosités. Au lieu de calmer tout ça, dès le départ de la saison, il y a eu de l’huile jetée sur le feu de part et d’autre et au final, nous avons planté la saison, avec le résultat que l’on sait. Je m’en suis longtemps voulu !
A quel point ?
J’ai tout de suite assumé et je m’en suis beaucoup voulu… Je pensais que chaque défaite était pour moi, que tout était de ma faute puis peu à peu, on m’a aidé. Que ce soit Olivier Mantès, Murielle et Vincent Guyomard, Jean-Jean (Jean-Luc Bosse,ndlr) ou les joueuses et ma famille, tous m’ont aidé et fait comprendre que je n’avais pas à culpabiliser. Ma « connerie », je l’ai payé au prix fort et j’ai ensuite du me battre pour revenir, guérir ce genou. Ça a été dur mais cet épisode m’a fait murir et prendre conscience de beaucoup de choses, surtout en termes d’exigence. Le monde du sport n’est pas toujours simple, celui des filles encore moins….
Le monde des filles ?
Oui, c’est une réalité et ça ne doit pas être un tabou. Le sport collectif féminin, c’est très compliqué. C’est un monde difficile et il y a beaucoup de choses que j’ai du mal à supporter. Les coaches doivent faire avec, ce n’est pas simple. La clé de la réussite, c’est un groupe qui prend, des filles qui s’entendent, se respectent et veulent apprendre les unes des autres. Quand j’étais jeune, j’avais Sladjana Pop-Lazic devant moi qui est aujourd’hui titulaire à Brest ! Je ne jouais pas ou que très peu, il y avait la frustration du banc mais quel plaisir d’apprendre, d’écouter et de m’enrichir de son vécu. Aujourd’hui, je suis la « vieille », j’essaie de donner le maximum et avant tout, d’être irréprochable dans l’approche de la compétition. En étant bien dans sa vie en dehors du terrain et heureuse avec mes coéquipières, c’est tout de suite plus facile.
Tu avais déjà connu une grave blessure au genou. C’est dur !
A 19 ans, à l’époque à Besançon, j’ai eu les ligaments du genou gauche qui ont lâché, alors que je m’entraînais avec le groupe pro de D1 et entrait dans le groupe. Ce fut très compliqué, d’autant qu’à peine guérie, j’ai eu des complications pour au final être éloignée quasiment deux ans des terrains. Après, il a fallu réapprendre, repartir au boulot en Nationale une, tout en m’entraînant avec la D1. Le départ à Rennes était nécessaire et m’a fait beaucoup de bien.
Comment es-tu entrée en contact avec le SGRMH ?
C’est Amanda Kolczynski qui m’a mise en contact avec Olivier Mantès. Ensuite les choses se sont faites très simplement et assez vite. J’avais besoin de quitter Besançon, d’évoluer dans un autre milieu. Je me suis vite adaptée à la Bretagne, c’est une région superbe et j’essaie de visiter la cote dès que je le peux. Mes parents me rendent souvent visite ici, c’est une destination qui leur plait pas mal !
« Le monde des filles n’est pas simple »
Pour revenir sur la saison dernière, en dehors de l’épisode de ta blessure, l’année fut compliquée aussi en dehors du terrain…
C’est vrai. L’an passé, je suis arrivé ici où je ne connaissais que Sabrina Betzer, avec qui j’ai fait toutes mes classes de hand et Marie Lachat, qui est un peu plus jeune que nous et qui était au centre à Besançon. Déjà cela n’est pas simple mais surtout, j’ai toujours été dans des cursus scolaires puis universitaires et pour la première fois, je me suis retrouvée sans rien, car j’ai loupé l’entrée en Master de Psycho. Des journées entières avec uniquement le hand pour occuper les pensées, c’était très compliqué à vivre. Du coup on dit moins facilement non à une petite sortie par-ci, par-là puis l’inévitable arrive avec cette blessure… Cette année, ça n’a plus rien à voir, sur comme en dehors du terrain.
Que fais-tu en dehors des terrains de la Ricoquais ?
J’ai pu m’inscrire et être prise en Master I avec des cours par correspondance à l’université de Paris. J’ai beaucoup de travail et de recherches à fournir et j’avoue que ça me prend énormément de temps. A côté de cela, je travaille comme surveillante au lycée Bréquigny sur une moitié de semaine, l’autre étant gérée par Sabrina. Cela m’a permis de trouver mon équilibre et j’en suis très heureuse. Forcément, avec ça, tu joues plus libérée sur le terrain.
On te sent apaisée, comme plus forte qu’à ton arrivée ?
C’est certain. On apprend tous les jours quand on s’en donne la peine. Aujourd’hui, je ne serais jamais la première à blâmer quelqu’un qui sort ni la dernière à le faire mais il faut être à l’écoute de son corps, des impératifs d’une discipline aussi exigeante que le hand, surtout à ce niveau. De plus, l’aspect collectif fait que l’on n’a pas le droit de mettre les copines dans la m… Je le savais mais avec mes erreurs, je l’ai désormais compris et appris à mes dépens. Aujourd’hui, je m’autorise des sorties uniquement si nous n’avons ni match ni entraînement le lendemain, tout en restant raisonnable.
Que peut-on te souhaiter pour 2019 ?
De continuer ainsi. Ce serait trop prétentieux de dire que la montée est une évidence mais nous voulons aller au bout, ça oui et j’espère continuer ici l’année prochaine en D2. Je suis en fin de contrat en juin et j’ai très envie de m’inscrire dans la durée avec ce groupe et de continuer à partager avec notre formidable public, juste incroyable à ce niveau-là. Pour eux, nous devons réussir.
Recueilli par Julien Bouguerra