Ces rendez-vous là ont toujours une saveur à part, un pied dans le présent, l’autre dans notre passé. Sinon le plaisir de goûter une madeleine de ce bon vieux Proust, il s’agit de retrouver un bout de sa propre histoire, de ses émotions enfouies, quand les saisons qui s’empilent s’amenuisent les unes après les autres sous le poids du temps qui passe. Rencontrer Shabani Nonda, ce mois-ci, avait la saveur et l’odeur de ce foot d’antan, une simplicité qui n’existe et n’existera plus, un rapport direct, souriant, franc du collier.
Pour une fois, place au « Je ». A l’époque, je suis au lycée Beaumont, à Redon, et vit mes premiers matchs au stade la Route de Lorient, debout derrière le grillage. Souvenir d’un Rennes – Saint-Etienne, vécu avec les copains, tous vêtus de « Rouge et Noir », pour un 4-1 sans appel. Né du côté de la Loire, mon cœur a forcément des reflets verts… Ce jour-là, les « Sha-sha-sha, Shabani Nonda » ont tonné à deux reprises. 25 ans plus tard, l’homme qui m’avait marqué par sa puissance « en vrai », près du terrain, est face à moi.
Il ne marquait pas pour lui, mais pour son club
25 ans de plus mais lui n’a presque pas bougé. Moi, un peu plus, ou moins selon ce dont on parle… Entre nous, juste une table, deux canapés très cosy, un café pour tout le monde et une heure à parler de foot, sans personne autour de nous si ce n’est un ami de Shabani et Adrien, mon collègue, à la photo. Pas de contrôle de ce qui pourrait être dit, pas de langue de bois mais le même langage, celui de la passion du foot.
Lui était sur le terrain, nous dans les tribunes, pour nos premiers émois du début de l’ère Pinault, à l’époque où le PSG perdait des matchs, où Lens et Metz pouvaient batailler pour un titre de champions. A l’époque aussi où la Data n’avait pas pollué le foot, où la folie, le chambrage et une vraie camaraderie avait lieu d’exister, même si la violence existait évidemment déjà, tout comme l’argent toujours prompt à dénaturer le rapport humain.
Shabani Nonda nous rappelle, non sans émotion de ce passé qu’il aussi vécu comme un amoureux du foot, s’être senti investi d’une mission lorsqu’il faisait face au public rennais. Il ne marquait pas pour lui, mais pour son club. Heureux de se souvenir des barbecues organisés après les victoires et forcément, des virées à l’Espace ou du côté de l’Etoile, où je l’avais croisé mais n’avais évidemment jamais osé l’approcher.
« Je n’ai aucun diplôme d’entraineur, alors pourquoi faire ? »
En reprenant une licence en vétéran dans ma commune, je l’aurais croisé sur les terrains cette saison, lui qui sera l’attraction du championnat avec sa nouvelle équipe de Vern. Parce qu’il aime toujours le foot, dévore chaque match sur lequel il tombe devant sa télé et dévoue tout son temps au développement de son académie. Aucun égo mal placé, quand on lui demande si le Stade Rennais l’a déjà sollicité pour collaborer : « Je n’ai aucun diplôme d’entraineur, alors pourquoi faire ? » lâche-t-il dans un éclat de rire.
Amoureux de la ville, de la région, où il rencontra sa femme, où l’une de ses filles est née, généreux et sans prise de tête, Shabani Nonda est un grand joueur de l’histoire du Stade Rennais mais surtout un mec resté simple, ayant réalisé son rêve de gosse et désireux de redonner à son tour de ce que la vie lui a offert de bon. Novembre et sa crise au Stade Rennais, sa pluie, la Toussaint et la nostalgie, tout ça tout ça. Cette année, rangez tout ça et chantez avec moi : Sha, sha, sha, Shabani Nonda !


 
									

