Handball – Starligue : Les transferts dans le hand : comme s’il y avait besoin de ça…

Les transferts dans le hand.
Youenn Cardinal évoluera à Chartres la saison prochaine. @Crédit photo : JRS

Le handball a ses spécificités qui font son charme, mais aussi ses « fonctionnements » qui posent question… Celle des mouvements de joueurs, d’un club à l’autre, six mois à minima avant la fin des saisons, est épineuse et problématique. Logique contractuellement, elle met tout le monde en difficulté au moment du sprint sportif final. Et Cesson, cette année, sera loin d’être épargné…

Allez, fermez les yeux et imaginez un peu… Istres – Cesson, dernier match de la saison, le 7 juin. Josep Folques, à 29-30, part en contre-attaque pour Istres à 3 secondes de la fin. Il est presque 22 heures… Le nul sauve son club, Istres et condamne à la descente les Bretons. L’an prochain, l’ailier espagnol évoluera en Bretagne, cela étant officiel depuis janvier.

De son tir, et le but éventuel, dépendent le sort des deux équipes et son quotidien la saison suivante… Quelques jours plus tôt, à la Glaz Arena, Youenn Cardinal, qui évoluera à Chartres l’an prochain, peut être dans la même situation et envoyer son futur club à l’étage du dessous… Début mai, Gustavo Rodrigues, futur renfort XXL des Irréductibles affrontait ses futures couleurs avec Chambéry.

Et Robin Cantegrel envoya son futur club en Proligue…

Ainsi va le handball pro, avec ce particularisme si complexe à intégrer. Il y a quelques années, Robin Cantegrel, qui avait signé à Cesson en décembre pour la saison suivante, avait ainsi envoyé son futur club en Proligue au prix d’un match ébouriffant avec Pontault-Combault. Tout le monde s’en souvient et le gardien passé par le HBC Nantes, n’avait, par la suite et ce même si cela n’a jamais eu un lien démontré, pas vécu une grande histoire avec le club breton… Autant le dire de suite, il est hors de question de remettre en cause l’intégrité morale des joueurs, ni leur éthique.

Interrogé sur le sujet en janvier, Sébastien Leriche, entraîneur des Irréductibles, était sans équivoque sur le sujet : « Nous sommes habitués dans le hand à ces situations, depuis longtemps. Je sais que si Gustavo, début mai, doit nous marquer des buts, il ne se privera pas, pas plus que Josep avec Istres lors du dernier match. Ce sont des professionnels, qui servent quoi qu’il arrive par la suite le club qui les emploie et croyez-moi, il n’y a aucun doute là-dessus. ».

Aucun doute sur la loyauté, OK mais en revanche, une grosse zone d’interrogation totalement légitime autour de décorum posé ainsi autour de garçons qui peuvent tout naturellement gamberger ou tergiverser. Rien de plus humain que de penser à son avenir mais d’être également tiraillé avec le présent d’une vie de groupe qui peut basculer. L’égoïsme ou la loyauté ? Assurer l’avenir personnel ou faire preuve d’un altruisme inaltérable ?

« Nous sommes habitués, comme les joueurs, à ces fonctionnements et on réfléchit généralement à N+1 aux groupes que l’on constitue »

A chacun sa conscience mais voilà une situation terrible et révélatrice d’un inconfort total pour les joueurs et imposé par le système. Celui-ci, basé sur des CDD à durée déterminée de un à trois ans en règle générale, contraint forcément à l’anticipation. Parfois un an et demi à l’avance pour certains joueurs, qui disputent parfois une saison pleine en sachant déjà qu’elle sera la dernière sous leurs couleurs. Idem, évidemment, pour les entraîneurs, pour qui la lisibilité des projets n’en est que plus complexe.

Une saison n’est pas la même avec ou sans l’Europe, en Starligue ou en Proligue. Que faire alors ? « Nous sommes habitués, comme les joueurs, à ces fonctionnements et on réfléchit généralement à N+1 aux groupes que l’on constitue, sur l’année en cours mais aussi celle qui suit avec les joueurs amenés à partir et ceux à arriver. » Deux saisons superposées, donc, qui ne facilitent évidemment pas le présent. Le CRMHB a ainsi pu déjà le vérifier cette année avec dix départs actés en juin dont plus de la moitié étaient déjà décidés à l’automne.

Contrairement aux cousins du football, les « transferts » du handball ne sont pas soumis à une fenêtre de dates autorisant les clubs à gérer leurs transactions. Et pour cause, rares sont les indemnités versées entre clubs. Quand elles sont présentes, elles représentent les salaires restant dus des CDD en cours et parfois, une valeur ajoutée par le club « vendeur ». Mais l’écosystème handball ne permet pas à ce jour de mouvements de plusieurs milliers (millions) d’euros à volo, quand le système économique de chaque club tient déjà difficilement l’équilibre chaque saison, hors PSG, Nantes et Montpellier, bien entendu.

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« Difficile de garder tout le monde en cas de descente »

Quelques rachats de contrats s’opèrent, ici et là, et ce souvent en raison d’un choix affirmé et fort du joueur et de son agent de changer d’air, contrairement au football où les transferts se réalisent de gré à gré entre clubs et agents, parfois même sans en aviser les joueurs. Ceux-ci sont-ils pour autant ceux qui décident, seuls ? Non, comme dans le football d’ailleurs, les agents jouent forcément un rôle primordial, convaincus de la valeur de leur « poulains » et désireux de négocier les meilleurs contrats pour, logiquement, être indexés en commission sur ceux-ci.

Le fonctionnement même de ce métier où parfois, l’intérêt n’est pas pour celui que l’on pense. Il faut ainsi savoir dégainer au bon moment, surfer sur un excellent début de saison d’un joueur et négocier avec un club à la destinée incertaine en octobre ou novembre, forcément. Alors oui, des clauses existent. Dans nos colonnes, Stéphane Clémenceau en avril concédait « qu’il serait difficile pour le CRMHB de garder l’intégralité de l’effectif construit pour 2025-2026 en cas de descente ».

Dans le camp des joueurs, une clause ou parfois une discussion peut aussi casser un engagement, à l’image de Senjamin Buric lors de la saison qui vit le CRMHB descendre en 2018. Une solution parfois inévitable pour tous les camps mais parfois, des joueurs qui pensent avoir le bon filon à exploiter six mois plus tard mais qui faute de tergiversation ou de promesses non tenues, de clubs ou d’agents, se retrouvent sans rien, l’été venu…

Se pencher sur le problème dans les années à venir

La Ligue Nationale de Handball et la Fédération ont tout intérêt, dans les années à venir, à se pencher sur le problème. Pourquoi pas imaginer une clause empêchant un joueur d’affronter son futur club réglerait les éventuels tourments de garçons dont l’implication ne serait alors plus jamais mise sur le banc des accusés. Pour les clubs et les staffs, l’impossibilité alors d’utiliser le temps d’un match un joueur mais l’opportunité, aussi, de donner sa chance à un jeune du centre de formation ou à un élément moins utilisé.

Les effectifs sont pensés pour offrir des rotations, d’un match à l’autre et même en cours de match, voilà une inconnue de plus dans l’équation qui ne serait pourtant pas insoluble. Tout ceci étant dit, si ce fameux tir de notre futur ami Josep Folques se présente, le 7 juin prochain, personne ne lui en voudra du côté de Cesson de trouver la barre ou son futur coéquipier, Mate Sunjic, bien au contraire. L’idéal pour tout le monde serait d’ailleurs que ce scénario n’arrive pas, tout simplement. Aux Irréductibles de faire le travail avant ce fameux 7 juin aux alentours de 22 heures…

Signature de l'auteur, Julien Bouguerra.