Football – Stade Rennais : Cette fois-ci, la légende est bel et bien partie…

Hommage à Benjamin Bourigeaud.
Après sept saisons au SRFC, Benjamin Bourigeaud s'est envolé vers d'autres horizons. @Crédit photo : JRS

Depuis plusieurs saisons, le serpent de mer du départ de « Baja » animait les mercatos estivaux. La rumeur est pourtant devenue réalité cet été, avec un départ du Chti’mi pour Al-Duhail (Qatar). Un choix qui interroge, fait mal et laisse orphelins des supporters qui auraient rêvé une autre fin. Pas ça, pas après tout ce que tu as fait ici, « Bourig »…

Ils sont rares les joueurs en France à être mis à l’honneur dans un documentaire diffusé en cinéma quelques jours à peine après avoir plié bagages. Peu importe la durée de l’idylle, les clubs et les supporters, encore plus, oublient vite et ont souvent la rancune tenace. On siffle parfois l’idole déchue coupable d’avoir choisi un autre chemin, au mieux on l’ignore.

63 passes décisives, 66 buts, 311 matchs disputés, une trace indélébile dans l’histoire du Stade Rennais

Si Benjamin Bourigeaud ne devrait pas tout de suite, au peut-être pas avant un an et demi maximum, refouler les pelouses françaises, son accueil, s’il revient un jour au Roazhon Park, sera probablement tout autre. Chaleureux, passionné, fait d’accolades de tous à un joueur arrivé gamin ayant tout à prouver et parti avec le statut désigné de légende du club, 66 buts et 63 passes décisives plus tard en sept ans. Mais qu’est qu’une légende ? La définition est limpide : c’est une représentation traditionnelle de personnages réels, déformée ou amplifiée.

Va donc pour la légende alors, puisqu’il ne s’agit ni d’exploits précis ou de titres remportés pour valider le (ou la) statut(e). Le joueur, lui, bottait en touche en conférence de presse, presque gêné : « Ce n’est pas à moi de vous dire si je dois avoir une statue ou pas, mais faire partie de l’histoire de ce club est vraiment quelque chose que j’apprécie au quotidien. Je ne l’aurais pas forcément imaginé en arrivant ici, mais comme je l’ai dit, je croque ce que j’ai à croquer et j’en profite un maximum car la carrière ne dure pas longtemps. J’essaie d’être moi-même tout simplement. »

L’histoire d’amour était belle

Et cela, personne ne pourra lui enlever tant le garçon est resté authentique. S’il n’a au final remporté qu’une seule coupe avec le Stade Rennais, le numéro 14 a été de toutes les aventures européennes, qu’il a marqué de son sceau : un but mythique contre Arsenal en huitièmes de finale d’Europa League, qui manqua de faire s’écrouler les tribunes, un triplé l’an passé face au Milan AC dans un match retour de furieux pour ne citer que les deux cartes postales XXL postées par «Bourig» .

Septième joueur de l’histoire ayant disputé le plus de matchs dans l’élite (311), il est le sixième buteur mais surtout le meilleur passeur de l’histoire du club. Un sacré double-double pour ce passionné de basket que le peuple rennais croisait régulièrement du côté de Colette-Besson pour y encourager l’URB, auprès de laquelle il avait songé un temps s’investir.

Peut-être partie remise ? Comme il aime Lens et son Nord, Benjamin Bourigeaud a aimé et vécu Rennes. De son retour du Stade de France aux Halles jusqu’aux nombreuses occasions de le croiser arpentant les rues de la capitale bretonne en compagnie de sa famille, l’homme a autant marqué le club qu’il n’a été tatoué au cœur par son Stade Rennais et « sa » ville. L’histoire d’amour était belle, intense mais pourquoi alors, avoir choisi cette fin, alors qu’une page, celle de la reconstruction dont il aurait été la pierre angulaire, restait à écrire ?

« Je ne sais pas si c’est vraiment le moment, l’avenir le dira… »

Que pouvait-il ambitionner de plus à Rennes ? Il a participé à l’unique campagne de Ligue des Champions, remporté la coupe de France 2019 dont il était le dernier rescapé avec le coach Stéphan, arpenté les routes européennes sous l’étendard breton, été capitaine, avant de redonner le brassard à Steve Mandanda lors du retour de Julien Stéphan, désireux de le décharger d’une peut-être trop grosse charge émotionnelle.

A Rennes, il aura connu tous les présidents et entraîneurs s’étant succédés depuis sept ans, demeurant toujours une priorité au moment d’inscrire les noms sur la feuille de match, au point d’être parmi les plus gros salaires du club. Devenu une légende, donc, dans un club où l’émotion, à défaut des titres, est souvent forte, Benjamin Bourigeaud qui entre tout juste dans la trentaine part… au Qatar.

Selon nos sources, le milieu de terrain offensif ne se voyait pas jouer ailleurs en Ligue 1, faute de trouver un challenge plus excitant que celui proposé à Rennes. Le train de l’équipe de France avant la coupe du monde… au Qatar est passé et ni Paris, ni Monaco ne sont ou seraient venus désormais. L’étranger, avec l’Italie et l’Espagne notamment, évoquée avec insistance ces deux dernières années, pouvaient être des options mais c’est finalement au Qatar qu’évoluera « Baja ».

Joueur brillant apprécié et respecté de tous

Un choix économique ? L’intéressé assure que ce n’est pas l’argument numéro 1 ayant motivé sa décision, lui qui était plutôt bien loti à Rennes. Sportif ? Pas d’humour ici, nous parlons sérieusement… Travailler avec Christophe Galtier ? Autant attendre que celui-ci rentre dans nos contrées, un jour ou l’autre, prochainement.

Le joueur lui-même, lors de son ultime passage devant la presse, restait évasif : « Je ne sais pas si c’est vraiment le moment, mais j’y ai réfléchi longuement, il y a aussi l’aspect familial. C’est une décision qui n’est pas simple, après sept ans ici. On connaît mon parcours ici, les émotions traversées. J’ai toujours espéré avoir un challenge différent. Je ne sais pas si c’est vraiment le moment, mais j’y ai réfléchi longuement, il y a aussi l’aspect familial. C’est une décision pas simple, après sept ans ici. On connaît mon parcours ici, les émotions traversées. »

Se répétant, noyé entre ses émotions d’homme, de joueur et le poids des mots, « Bourig » donna ce soir-là l’impression de ne pas tout dire et c’est bien son droit. Du côté des suiveurs, supporters ou passionnés, il reste, de fait, comme un petit goût amer, une fin d’histoire que nous aurions tous aimé plus belle. Un retour à Lens aurait eu plus de gueule, une aventure à Séville ou la Roma encore plus.

Le Qatar, un championnat et un pays qui lui ressemblent tellement peu…

Après le KO de Martin Terrier s’en allant chez Leverkusen ou Désiré Doué, à peine éclos, au PSG, le coup de grâce est tombé avec le départ de l’icône dans un anonymat ensoleillé et richissime. Le Qatar, un championnat et un pays qui lui ressemblent tellement peu, lui le travailleur, dévoué au collectif, ce joueur brillant apprécié et respecté de tous, aimé d’un public et d’un club qui voulaient évidemment toujours de lui.

Dans sa résidence, où le garçon ne rate probablement pas une miette, à distance, de l’actu de ses désormais ex-coéquipiers, lui seul possède les réponses, les tenants et aboutissants et peut-être même, comme à la plus belle époque de son ex-coach, un plan. Un retour dans quelques mois, une ou deux années tout au plus, pour boucler ensuite la boucle du côté de Bollaert ? Beaucoup y pensent. « Baja », lui, laisse parler et s’écrire scénarii divers et variés, n’y apposant pas son aval.

Les chiens aboient, la caravane passe et celle de Benjamin Bourigeaud traîne avec elle tout un morceau du meilleur de l’Histoire du Stade Rennais. Et ça, qu’il soit au Qatar, à Lens ou sur les bords de la Vilaine, le numéro 14 le sait. Le 14, un maillot définitivement légendaire, que l’on se nomme Johan Cruyff à l’Ajax, Thierry Henry à Arsenal, Jean Tigana à l’époque ou encore Blaise Matuidi chez les Bleus ou au PSG.

Ajoutez désormais un certain Benjamin Bourigeaud à Rennes, pour l’éternité, qui ne manquera pas, à l’occasion, de jeter un œil sur le documentaire lui étant consacré pour son désormais ex-club, une petite larme au coin de l’œil pour ne pas dépareiller de la grande famille « Rouge et Noir ». Merci pour tout et bon vent à toi, Légende !

Signature de l'auteur, Julien Bouguerra.