Il était parti de lui-même, sans rien demander, désireux d’intégrité vis-à-vis de « son » club et de son équipe, pour laquelle il n’avait plus ni les idées, ni la force. Il revient, régénéré et déterminé, bien décidé à écrire une nouvelle page d’un livre dont il a écrit l’un des plus beaux chapitres. Julien Stéphan, chapitre II, c’est parti !
« Tout ce monde-là pour moi ? Eh bien, c’est beaucoup. Bonjour, et merci Messieurs… » Tout sourire, Julien Stéphan franchit les portes menant à la pelouse du Roazhon Park, maillot « Rouge et Noir » en mains aux côtés du président Olivier Cloarec. Face à lui, photographes et journalistes n’auraient pour rien au monde manqué ce moment, ces retrouvailles avec SES couleurs. Comme une promesse, rêvée par certains au moment d’un départ mal vécu et pas totalement digéré par la communauté « Rouge et Noir », alors éprise de celui qui lui offrit son unique trophée du 21e siècle.
Son retour avec Strasbourg, comme adversaire, avait été couronné d’une standing ovation. Ses regrets exprimés chez plusieurs médias, où il confia sa sensation de s’être trompé au moment de démissionner, indiquait que côté Stéphan, la fin de l’histoire n’était pas non plus celle qu’elle aurait dû être. Sur le passé, le nouvel entraîneur des « Rouge et Noir » est clair : « C’est une nouvelle aventure, le passé, c’est le passé, ce qui est important c’est de regarder devant soi ». Très bien mais ce chapitre nouveau de la belle histoire liant le technicien rennais au club qui l’a vu éclore s’imposait et arrive plus tôt que prévu, au grand bonheur de certains.
Avec quelles perspectives ? C’est surtout là que réside tout l’intérêt du choix opéré par la famille Pinault en premier lieu, que Julien Stéphan n’a pas manqué de remercier avant de souligner son envie : « Je pense que c’est une chance. Je sors de dix mois d’inactivité, je suis frais, déterminé, motivé, tout ça m’anime aujourd’hui. Il y a une grande fraîcheur, une énorme motivation pour relever le challenge. » Celui-ci est simple : remettre le Stade Rennais à sa place, au plus près de ses ambitions dans le haut de tableau quand l’équipe n’a gagné que deux petits matchs en Ligue 1 en douze journées. Première sortie contre Reims ? Un beau succès, comme un symbole. Et après ?
Avec un contrat courant jusqu’à la fin du championnat pour le moment, une première zone d’interrogation se pose, naturellement : Julien Stéphan, en mission, est-il programmé pour durer sur ses terres ? Lui se veut pour le moment uniquement animé de l’envie de redonner confiance à un groupe de grande qualité, qu’il a très largement observé depuis le début de saison et promet ne faire aucune révolution.
« C’est une évidence que je ne suis plus le même qu’il y a quatre ou cinq ans »
Pourtant, on imagine son ambition aller forcément au-delà d’une simple mission-commando : « Nous avons un accord moral, entre nous, et nous nous assiérons le temps voulu autour d’une table », ajoutait en conférence de presse de présentation le président Olivier Cloarec. Rien de contractuel, selon les intéressés mais une suite sans doute déjà profilée selon affinités et résultats, bien que les principaux intéressés s’en défendent à ce jour.
Il y a plus important pour l’instant que l’avenir contractuel des uns et des autres même si le contrat et la durée de l’engagement d’un technicien va souvent de pair avec le temps qui lui est donné pour mener son projet. Cependant, avec quelles prérogatives et possibilités Julien Stéphan pourra-t-il faire mieux, plus longtemps, que lors de son premier passage, aux forts contrastes ?
D’abord et avant tout, il faut remettre le soldat rennais sur pied sur le moyen et le long terme, retrouver l’allant, la cohésion, l’esprit d’aller de l’avant évaporé depuis un petit moment à force de contre-performances. Formateur dans l’âme, Julien Stéphan va retrouver une partie de ses premières amours avec un groupe très jeune, où Steve Mandanda, Nemanja Matic, Martin Terrier et Benjamin Bourigeaud seront de précieux relais.
Quelle influence sur le mercato ?
Du dispositif et des hommes choisis dépendra la suite des événements. En stabilisant sa défense, avec pourquoi pas la possibilité de redescendre Nemanja Matic ou Baptiste Santamaria en défense centrale pour amener expérience et première relance, dans un système à deux voire à trois où s’installeraient alors dans les couloirs deux pistons. Julien Stéphan solidifierait ainsi l’édifice avant de penser à l’embellir dans une animation où les profils devront s’adapter pour aller jusqu’à la trêve de Noël avec un programme costaud au départ (Marseille, Monaco), avant Clermont, et Toulouse.
Ensuite viendra le mercato. Quelle sera l’influence du technicien au cours de celui-ci ? L’évidence pour tous de la nécessité de recruter en défense (avec la possible absence à venir de Christopher Wooh notamment, lors de la CAN) sera-t-elle aussi celle du coach et de son directeur sportif, Florian Maurice ? S’il refuse d’évoquer le mercato pour le moment, nul ne doute que les idées et ciblages en règle sont déjà là. Et l’arrière-garde, régulièrement pointée du doigt, ne sera pas l’unique chantier. L’attaque devra aussi se réveiller et de nouveau, performer, en considérant l’absence à venir pour cause de CAN d’Amine Gouiri et Ibrahim Salah . Alors que décembre démarre, aucun des attaquants n’a marqué plus de trois fois en Ligue 1, excepté Ibrahim Salah, auteur de quatre buts en moins de 90 minutes si l’on cumule les minutes disputées en Ligue 1. Révélateur et inquiétant, mais aussi symptomatique du doute, seule certitude installée dans le onze rennais…
A renfort de mots, d’écoute, d’observation mais aussi de prise de décisions fortes, humaines comme tactiques, Julien Stéphan va devoir nouer une relation forte avec son groupe pour l’emmener loin d’une zone inconfortable du classement à laquelle tant de qualités et de promesses ne peuvent l’y tenir : « Pour le moment, il faut redynamiser la situation, améliorer le bilan comptable, ce sont des objectifs qui nous ont été assignés. Il faut redresser la situation. J’ai accepté la mission en bonne connaissance de cause. Place au travail, puis allons step by step. »
Ensuite, il sera temps de parler objectifs, classement, de redécouvrir celui qui avait tant séduit et plu à la communauté « Rouge et Noir » avant de perdre peu à peu le fil.
« Redynamiser la situation »
Comme tout un chacun, il l’assure, il a changé : « J’espère que ces cinq années m’ont fait évoluer dans beaucoup de domaines. C’est une évidence que je ne suis plus le même qu’il y a quatre ou cinq ans, c’est encore différent. C’est la vie qui veut ça, on est tous construit de cette manière-là, le temps nous permet de progresser et d’analyser. »
On a eu un premier aperçu de la patte Stéphan d’entrée, contre Reims. La magie opère toujours, la machine est (re)lancée. Les prochains résultats, eux, donneront rapidement la tendance et la confirmation, ou non, de la réussite de ces retrouvailles inattendues mais finalement bienvenues dans un moment où le Stade Rennais doit retrouver son esprit conquérant et son identité si séduisante des six dernières années. Pour cela, comme au bon vieux temps, comptons sur lui, car Julien Stéphan a déjà un plan…