A l’initiative et l’origine des combinaisons, des tactiques et des inspirations offensives, les demi-centres sont au handball ce qu’étaient les numéros 10 au football. Pourtant, leur rôle comme leur morphotype ont évolué avec les années. Trentenaires tous les deux, Romain Briffe et Robin Molinié, tour à tour demi-centre et arrière gauche, décryptent avec nous les tendances d’hier et aujourd’hui.
Vous vous partagez le poste de demi-centre à Cesson depuis un peu plus d’un an. Quel est votre rapport au poste depuis vos débuts ?
Romain Briffe : A mes débuts, on m’avait collé à l’aile, pensant que je n’étais pas assez costaud sur ce poste. Après, il est vrai qu’en D2, il y a un peu plus de dix ans, tu te faisais découper, c’était un poste où tu allais souvent au casse-pipe !
Robin Molinié : On m’avait dit, de mon côté, qu’il valait mieux faire 100 Kg pour être sur ce poste ! A l’époque, j’étais encore arrière et pas dans cette norme. Le jeu a évolué, les gabarits aussi et je pense qu’aujourd’hui, il y a moins de coups violents, nous sommes mieux protégés.
Quels sont les aspects du poste qui vous ont attiré ?
R.B : J’aime organiser, distribuer les passes, avoir d’une certaine façon des responsabilités dans le jeu. J’ai été attiré par le côté collectif du poste.
R.M : Romain a résumé ce qui nous y attire. J’y ajoute à titre personnel que je suis très attiré par le but et que ce positionnement permet des initiatives, des shoots différents de ceux d’arrière. J’aime marquer, j’avoue avoir besoin de cela pour être pleinement satisfait. Ce petit côté égoïste fait partie du jeu et de la palette, mais tous ne l’ont pas. Si nous gagnons mais que je n’ai mis qu’un ou deux buts, j’avoue qu’il me manque un petit quelque chose pour être satisfait.
R.B : Récemment, on m’a encore reproché de ne pas shooter assez. Peut-être que ce n’est pas mon obsession et je n’ai pas la même qualité dans l’exercice que Robin par exemple. J’avoue ne pas être obsédé par le fait de marquer, très loin de là, une très belle passe me donne autant de plaisir. Après, quand je suis au poste d’arrière gauche et de fait, que je n’ai plus la responsabilité du jeu, le shoot vient sans doute un peu plus naturellement mais je suis plus dans la création de l’espace, du décalage.
Robin Molinié : « Ce que fait Romain en défense, c’est unique ou presque en Starligue ! »
On constate l’arrivée de petits gabarits sur ce poste. Que pensez-vous de cette évolution ?
R.M : Je suis admiratif de ce que fait Luc Steins. Je ne peux évidemment pas reproduire cela, nous sommes trop différents mais c’est très intéressant à regarder. J’ai toujours voulu être demi-centre, j’ai été formé là-dessus et c’est vrai qu’on voit que le poste change, se diversifie et c’est forcément une source de progression pour tous.
R.B : Balenciaga à Toulouse, Lambroso à Limoges ou Skube à Montpellier sont des gabarits également plus petits, très vifs. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une mode mais plutôt d’une palette qui se diversifie avec l’apport des joueurs et coachs étrangers dans notre championnat. Le défi physique reste la clé mais on voit aussi que cela va très vite.
R.M : Avant, les matchs à plus de 30 buts pour une équipe étaient plutôt rares. Force est de constater que cela a bien changé.
Sur le terrain, comment définissez-vous votre rôle et votre impact ?
R.M : Il y a un côté impact mental, leadership, qui est nécessaire pour évoluer sur ce poste. On donne les consignes sur les combinaisons, on replace au besoin les coéquipiers et on doit aussi se fier à notre instinct. Des circuits préférentiels sont définis avec le coach la semaine, et même pour la saison, nous les connaissons tous par cœur, demi-centres comme tous les autres joueurs mais c’est au demi-centre que revient de choisir, en quelques secondes, la solution adaptée à l’instant mais aussi à l’adversaire. Tu es l’acteur de tes décisions et tu dois aussi rebondir rapidement quand cela rate.
R.B : Tu dois amener les enchaînements, surprendre l’adversaire et être acteur du match, de la stratégie adoptée. C’est agréable quand ça marche, c’est clair. Il y a un panel de possibilités et on y va. Il faut de la lucidité, une vraie lecture de jeu et je pense, de l’expérience. Corentin Lorvellec, par exemple, ne doit pas avoir peur avec nous de l’ouvrir, de replacer des mecs plus vieux que lui comme nous, sans que personne ne râle. C’est là que les jeunes demi-centres, à Cesson ou ailleurs, ont le plus gros du boulot.
Romain Briffe : « L’échange permanent avec le staff est très enrichissant »
Sur le rôle défensif, le demi-centre reste-il proactif ?
R.B : Pour ma part, oui. Sébastien Leriche m’implique pleinement dans le projet défensif. J’aime beaucoup cela mais il est vrai que cela peut parfois coûter un peu de lucidité ou de puissance en attaque. Il faut switcher rapidement. L’an passé, je défendais surtout en 1-2 mais cette saison, j’ai beaucoup plus de responsabilités, comme c’était le cas à Chambéry.
R.M : Il est modeste (rire) ! Franchement, ce que fait Romain en défense et en attaque, c’est unique ou presque en Starligue ! Je ne vois pas beaucoup de demi-centres capables de défendre et d’attaquer avec une telle intensité, avec cette efficacité. Il défend en numéro 3 et cela demande une intensité dingue. Pour ma part, c’est plus facile de pouvoir être efficace à mon poste en attaque car je joue moins en défense, même si j’aime cela et que je l’ai fait l’an passé, en 1 ou 2. J’attaque avec moins de puissance si je suis en défense juste avant alors que les 30 secondes que tu peux avoir en break sur le banc permettent un échange avec le staff, les joueurs, pour adopter la bonne stratégie au retour sur le terrain.
La relation avec le staff est primordiale pour performer au mieux ?
R.B : Oui, forcément, nous échangeons sur les ressentis, personnels, mais aussi ceux des partenaires, en semaine comme lors du match. Nous avons aussi des séances vidéo supplémentaires pour identifier les meilleures tactiques possibles. Cet échange permanent est très enrichissant.
R.M : Le staff va aussi échanger avec Romaric et Sylvain, pour la partie défensive. Dans ma carrière, je n’avais jamais connu un management aussi « participatif », où l’avis et la sensibilité du joueur pouvaient être prise en compte de la sorte. C’est un réel plaisir de vivre notre poste dans ces conditions.
Un dernier mot l’un sur l’autre. Concurrents, coéquipiers, potes ?
R.B : Nous sommes de la même génération, on s’entend très bien sur et en dehors du terrain et l’échange comme le partage du poste, avec Corentin, est très sain, positif, avec la victoire de l’équipe comme unique objectif. Robin, c’est un shooter de très haut niveau, on l’a vu la saison passée mais aussi un vrai leader.
R.M : Franchement, je nous vois bien plus complémentaires que concurrents. On s’entend très bien, à l’image d’un groupe qui marche très bien ensemble. Si l’assise est là défensivement, comme le montrent les résultats, à nous de trouver plus de solutions et de résultats sur le jeu offensif. Nous avons une grosse marge de progression bien que les résultats soient encourageants et c’est très positif pour la suite !