C’est ce que l’on appelle avoir du flair… Lors du match opposant Vitré à l’Union Rennes Basket début octobre, nous avons eu le privilège d’entrer dans le secret du vestiaire « Noir et Blanc » pour vivre le derby de l’intérieur. Un « inside » qui a hélas tourné court avec l’arrêt de la rencontre après seulement dix minutes de jeu. Largement suffisant, pourtant, pour raconter une soirée pas comme les autres, bien au-delà du terrain et du sportif.
« Ça va être bien pour ton papier ! (rires) ». Forcément, en regagnant le vestiaire quelques minutes après l’arrêt du match, le groupe de Bastien Demeuré, Eliot Thillier en tête, ne peut s’empêcher de chambrer un peu avec une petite blague pour détendre l’atmosphère. Jusque-là dans leur bulle, les joueurs entament la discussion et se demandent bien ce que l’on pourra raconter dans cet « inside » avorté. À vrai dire, nous aussi… Si le rugby a le « French Flair », nous avons inauguré, question journalisme local, le « Breizh Flair » !
Depuis plusieurs années, au gré des montées et des descentes, les derbies ne manquent pas pour l’Union Rennes Basket. La Bretagne est une terre de basket et avec Lorient, Fougères, Quimper et donc Vitré, les supporters « Noir et Blanc » sont servis. Néanmoins, dans ce microcosme de “Breizh”, le derby face à l’Aurore garde une saveur particulière entre les deux voisins désormais bien implantés en Nationale 1.
Pour cette édition 2025-26 en terre vitréenne, nous prenons donc place auprès du groupe dès sa préparation du derby, infiltrant le secret du vestiaire en jour de match, de l’arrivée à la Poultière jusqu’au debrief d’après-match. Avant cela, la veille, les « Noir et Blanc » règlent les derniers détails à Colette-Besson.
Darwin ˈDeeˈ Davis en mode Stephen Curry
À 10h15 tapantes, après une première prise de parole de Bastien Demeuré demandant « sérieux et application », le préparateur physique Benjamin Gobin prend les commandes de l’échauffement. En bord de terrain et en attendant de basculer sur la séance spécifique du jour, l’entraîneur principal de l’URB et son adjoint Aymeric Bellour peaufinent quelques détails à la vidéo.
Au programme, l’attaque et la « zone press », soit le pressing. L’intensité est déjà de mise et la frustration de certains joueurs sur des paniers faciles ratés ou des systèmes mal exécutés confirment cette tendance. En fin de séance, Bastien Demeuré va également dans ce sens : « Le début de semaine n’a pas forcément été très bon mais là, nous sommes montés en régime et c’est la meilleure séance de la semaine ». Les joueurs terminent par des exercices libres. Certains travaillent proche du panier, d’autres beaucoup moins.
C’est le cas d’Hugo Kamdem et de Darwin ˈDeeˈ Davis. Dans la bonne humeur, les deux hommes se défient à (très) longue distance, au niveau du rond central, soit à plus de 12 mètres du panier. Impressionnant, l’Américain enchaîne trois paniers consécutifs à cette distance, laissant son jeune compère bouche bée. Juste après sa troisième « filoche », le meneur de jeu se retourne vers nous, bras levé, comme pour valider la séquence. Nous confirmons et il fallait être là pour y croire.

Retrouvailles avec Ewan Le Carour, aujourd’hui capitaine de Vitré
Plus individualisé, l’entraînement de l’après-midi est « à la carte », en fonction de l’état physique et du ressenti de chacun. Certains vont en séance de musculation avec le préparateur physique quand d’autres préfèrent le parquet avec Aymeric Bellour. Le lendemain matin, avant le rendez-vous à la Poultière prévu à 18h45, les joueurs se retrouvent à Colette-Besson pour le shooting d’avant-match mais aussi pour une ultime mise en place tactique.
Une fois cette dernière séance collective terminée, chacun rentre chez soi, ou pas, et met en place sa routine d’avant-match. Balade, sieste, coup de fil aux proches ou encore visualisation d’avant-match pour Warren Racine (comme il l’évoquait dans nos colonnes récemment), chacun y trouve son compte et surtout sa propre façon de rentrer dans sa bulle. Nous retrouvons le groupe et son meneur de jeu en fin d’après-midi à Vitré. Tout sourire, le numéro 3 rennais retrouve le club dans lequel il a évolué avec son frère Alexis lors de la saison 2023-24.
Avant de rejoindre les vestiaires, les joueurs et le staff se rendent d’abord sur le parquet de la Poultière pour saluer leurs hôtes du soir mais aussi une autre partie de la délégation rennaise déjà sur place. De leur côté, après les salutations, Joffrey Sclear et Eliot Thillier s’arrêtent quelques instants pour discuter avec une vieille connaissance, Ewan Le Carour, ancien joueur de l’URB aujourd’hui capitaine de Vitré.
Sabine, bénévole de l’Aurore : « C’est un match à part »
Si l’ambiance reste très bon enfant, ne vous y trompez pas : « C’est un match à part », sourit Sabine, bénévole de l’Aurore croisée au stand de bonbons. Même son de cloche chez Steven, ambianceur de la salle Colette-Besson avec son tambour et présent lui aussi pour ce derby : « Il y a un petit peu de tension et c’est un match que j’attends à chaque fois. J’irai même peut-être à celui contre Fougères », ajoute-t-il.
Évidemment, rien de comparable avec d’autres sports (et leurs dérives), mais voilà tout de même un match qui compte peut-être un petit peu plus que les autres, tout simplement. Vient alors le premier passage au vestiaire. Sur la table posée au milieu des joueurs, en plus des indispensables bouteilles d’eau, se trouvent raisins secs, compotes, bananes, amandes ou encore clémentines. « La petite fée » qui a déjà préparé le vestiaire se nomme Daniel Cote, l’intendant du club.
Une fois les joueurs installés, ce dernier distribue les maillots et la concentration monte encore d’un cran. Dans le même temps, le staff installe des fiches récapitulatives des deux côtés de la porte. À gauche, les systèmes du soir et à droite, les joueurs adverses avec quelques informations précieuses. En prenant le chemin du parquet pour l’échauffement, dans une petite pièce à droite du vestiaire, nous apercevons ˈDeeˈ Davis passant une dernière fois sous les mains de Maxime Louazel, l’un des kinés du club.
« On communique fort entre nous et on est tout de suite prêt à combattre ! »
Entre-temps, le reste de la délégation rennaise est arrivé, dont le président Olivier Perez que les joueurs saluent avant d’aller s’échauffer. Là encore, chaque joueur a sa routine, entre étirements, exercices de réflexes ou tirs. À 19h40, Benjamin Gobin prend la parole : « Dix minutes les gars dans le vestiaire ! » À 19h50, tout le monde est à son poste. Les accolades, sourires et autres petits chambrages lors de l’échauffement sont déjà loin. Les choses sérieuses commencent et c’est Aymeric Bellour qui brise le silence avec une présentation des différents systèmes.
En fond, en plus de la voix de l’entraîneur adjoint de l’URB, Channick Nkoma, en anglais, s’occupe de faire la traduction à l’Américain ˈDeeˈ Davis. Une fois les schémas présentés, Bastien Demeuré prend le relais de son adjoint pour l’ultime discours : « L’URB n’a gagné que deux fois ici sur les dix dernières années. Il faut qu’on se prépare à un gros combat dans une salle qui fait du bruit. On communique fort entre nous et on est tout de suite prêt à combattre ». Un dernier cri de guerre et les joueurs partent pour la présentation des équipes.

Dix minutes de jeu et puis c’est tout
Alors que le premier quart-temps se termine sur un score de 14-19 en faveur des Rennais, nettement dominateurs, la pause s’éternise. En cause, des problèmes avec les tableaux d’affichage et le chronomètre. Déjà, durant les dix premières minutes, le speaker vitréen avait dû prendre la parole au micro, et à plusieurs reprises, pour indiquer aux joueurs le temps restant, que ce soit sur les 24 secondes ou sur le temps de jeu effectif en fin de quart-temps. Lunaire !
Les minutes s’égrènent et le verdict finit par tomber, le match ne reprendra pas. Après plusieurs minutes d’incompréhension et de discussions entre les différents acteurs, une seule certitude ressort : les deux clubs ont 24h pour transmettre un rapport factuel sur les données de la rencontre au moment de son arrêt.
La Fédération Française de Basket-Ball tranchera ensuite sur la suite des événements. La décision est rendue le vendredi 17 octobre, avec un match à reprogrammer au plus tard le mardi 28 octobre, seule solution pour les deux équipes, deux journées de championnat étant déjà programmées le 21 et le 24 octobre. Dans la foulée de cette décision, l’Union Rennes Basket choisit de faire appel (l’article étant extrait du JRS de novembre, le deuxième match a depuis bien eu lieu le 28 octobre avec une victoire vitréenne. L’appel, lui, est toujours en cours et le verdict devrait être rendu dans les jours à venir, ndlr).
Les hôtes offrent les lasagnes maison
Retour à Vitré, donc, avec cette fin de match précoce (et inédite). Le retour aux vestiaires est bien plus détendu que prévu et source de discussions avec les joueurs. Nous suivons le groupe jusqu’à la dernière bouchée, et c’est le cas de le dire, puisque le club hôte, comme il est de coutume en Nationale 1, offre le repas d’après-match aux visiteurs.
Ce soir-là, des lasagnes maison attendent les papilles rennaises, pas si affamées qu’à l’habitude. Vers 22h30, tout ce petit monde reprend finalement la route direction Rennes, pour l’un des plus courts trajets de la saison. Notre résumé de match le sera aussi, mais l’histoire valait le déplacement !




