Le talent n’attend pas toujours les années et l’âge n’est pas obligatoirement un critère pour réussir. Ainsi va le sport où les belles histoires du genre ne manquent pas. Lou Saramito, 18 ans en janvier 2026, écrit la sienne, installée au cœur d’un Saint-Grégoire RMH qui carbure en cette entame de championnat. Entretien sans calcul, pour le plaisir du jeu !
Avec deux grands frères dans le handball et des parents ayant également joué, et même entraîné pour ton père, pouvais-tu raisonnablement échapper à la petite balle pégueuse ?
Clairement, je ne crois pas, non ! Le handball semble génétique dans la famille (rires) ! C’est une passion au cœur de la maison, de mon quotidien, depuis toujours. Au point que mon ambition au-delà de ma carrière de joueuse, est de devenir coach par la suite. Je ne suis donc qu’au début !
Des débuts à l’âge de 9 ans, après avoir fait un peu de gym, au milieu des garçons de ton âge, à Cesson. Voilà une première expérience plutôt formatrice ?
Oui, question caractère, cela aide à le forger, c’est sûr. Après la gym, qui m’a sans doute donné de bonnes bases pour les appuis et le saut notamment, j’ai eu envie de venir aussi au hand. A cet âge-là, les équipes sont mixtes et ce jusqu’aux U11 et je dois bien dire que cela n’a pas été toujours facile pour moi !
J’étais la seule fille dans l’équipe et les gars ne vous lâchent pas la balle facilement. J’ai dû batailler pour me faire une place et c’était compliqué les deux premières années. Lors de la troisième, à force de persévérance mais aussi parce que je réussissais quelques trucs, j’ai joué et été acceptée.

As-tu eu ton père, Cyril, entraîneur à Cesson, comme coach ?
Non et franchement, je préfère l’avoir comme papa, c’est plus simple. Je pense qu’on obéit plus facilement et avec plus d’application à un coach qui n’est pas aussi son père, même si bien sûr, vous imaginez bien que l’on débriefe très souvent mes matchs et qu’il me donne son avis (rires) !
La suite de ta formation est une belle histoire et tes aptitudes te font rapidement sauter des catégories, jusqu’aux U17. Comment l’as-tu vécu ?
Je rejoins le SGRMH en U13 et j’y ai évolué jusqu’en première année de U17, en étant à chaque fois surclassée. C’était le choix des coachs, plus qu’une volonté personnelle. Moi, je me suis toujours amusée sur le terrain et n’imaginais pas toucher au haut niveau. J’ai simplement toujours eu l’envie d’aller chercher plus loin, de progresser et les changements de catégories ont été faits dans cette optique.
En U17, j’ai eu la possibilité de rejoindre le Pôle de Brest pour mes deuxième et troisième années. Lors de la première, je suis encore à Rennes et j’ai l’opportunité de faire un entraînement avec le CPB. J’étais impressionnée mais cela s’est super bien passé et j’ai pris la décision d’y partir pour une saison. Je voulais me frotter au niveau sénior et la N1 était idéale pour cela.
« Je trouve ça dingue d’évoluer dans cette division, avec des filles de ce niveau à mes côtés. »
Là-bas, une fois encore, le passage au niveau du dessus s’opère sans difficulté, avec des buts, du temps de jeu, puis une blessure…
Je ne me suis pas posé de question. J’ai adoré mon passage à Géniaux, où j’allais déjà très souvent voir les matchs et où je connaissais du monde. Ma première saison a été super, tout le monde était bienveillant et j’ai joué libérée. Je m’entraînais la semaine à Brest, au Pôle et j’avais un entraînement le vendredi soir avec les filles, avant d’enchaîner sur le match le samedi.
Je crois que je termine troisième marqueuse derrière Camille De Sousa et Elodie Royer, qui sont les patronnes, quand même ! Malheureusement, je termine la saison en me blessant au genou gauche lors du dernier match, aux ligaments croisés. J’ai eu après ça dix mois d’arrêt.
Comment as-tu vécu ce premier coup dur dans ton ascension ?
Franchement, plutôt tranquillement, c’est passé assez vite et j’ai repris en avril 2025, sans complication. J’ai pu jouer quelques matchs avec le CPB, trois, avant de partir.

L’arrivée de Romain Corre, qui te suivait forcément à Brest, a-t-elle pesé dans ton retour à Saint-Grégoire ?
Quand j’ai appris que Romain arrivait ici, sachant qu’il me suivait déjà depuis un moment et après avoir échangé avec lui, j’ai décidé de tenter ma chance. J’étais aussi très bien au CPB et j’avais la possibilité d’aller à Brest évoluer avec la N1 mais la tentation d’essayer de gratter du temps en D2 était la plus forte. Surtout quand on voit aujourd’hui l’effectif et les noms qui le composent, je ne regrette vraiment pas et je trouve ça dingue d’évoluer dans cette division, avec des filles de ce niveau à mes côtés.
« En retournant me placer, j’étais trop contente et je me disais « bon, ça, c’est fait, tu es dedans, désormais »
Tu as aussi disputé le championnat d’Europe U18 avec l’équipe de France cet été. Les « Bleues », est-ce un objectif pour toi ?
C’est génial d’être appelée en équipe de France, j’ai eu cette chance à plusieurs reprises déjà et je me régale à chaque fois, c’est quelque chose de particulier mais si cela se reproduit, ce sera par le biais de mes performances en club. C’est avant tout sur les entraînements au Pôle et avec Saint-Grégoire que je dois mettre toute mon énergie. Le reste, c’est du bonus.
Le début de saison parfait de ton équipe, tes premiers buts dont un face à la Stella en coupe, ton intégration au groupe de D2… Tout semble aller vite mais surtout parfaitement bien pour toi…
C’est le cas, je me régale. J’ai évidemment beaucoup de travail à réaliser pour m’installer et durer à ce niveau. Quand j’ai marqué mon premier but face à une D1 en plus, en coupe, j’ai réalisé… En retournant me placer, dans ma tête, j’étais trop contente et je me disais « bon, ça, c’est fait, tu es dedans, désormais. »
Je me sens super bien dans le groupe et je n’aurais jamais imaginé que nous allions réussir de tels résultats d’entrée, avec ces écarts. Cela facilite forcément les choses. Le professionnalisme, sincèrement, je n’y pensais pas mais c’est un rêve qui est en train de prendre forme et c’est à moi de tout faire pour qu’il se réalise à termes.

Tu es l’une des petites jeunes du groupe, qui va passer son Bac en juin prochain et qui sera majeure en janvier. Comment se passe la vie au sein du groupe ? Te sens-tu un peu maternée ?
Franchement, à Saint-Grégoire, maternée, non. J’ai plutôt l’impression d’être une petite sœur qu’une petite fille (rires) ! Au CPB, Camille et Elodie avaient ce côté maman et se sont super bien occupées de moi ! Ici, c’est différent, je suis traitée comme les autres, dans la bienveillance comme dans l’exigence et c’est super pour progresser. Après, au moment de sortir ou de fêter une victoire, c’est vrai que je vais plutôt être avec les filles de mon âge du centre de formation qu’avec l’équipe de D2 mais ça ne m’empêche pas de partager les bons moments avec elles.
Quels sont tes axes de progression et où veux-tu progresser le plus dans les mois à venir ?
Je pense que la défense est le secteur où je dois le plus m’améliorer. Romain ne me lâche pas la-dessus et je dois continuer de me faire mal. En attaque, je dois encore me faire plus confiance, notamment sur les tirs en appui. Entourée comme je le suis ici, j’ai toutes les cartes en main et je vais tout faire pour y parvenir.
L’avis de… son ex-coach, Alan Gauvineau

« Chez nous, c’était sa première année en senior, sachant qu’elle était dans le giron CPB-RMH en U17 de l’Entente. Elle n’était pas inconnue au bataillon et malgré ses 15 ans, ce n’était pas un pari, loin de là. Beaucoup de coachs, dont moi, pensions qu’elle pouvait faire ses armes sur la N1, d’où son choix de nous rejoindre. C’est une joueuse qui était déjà très déterminée pour son âge. Sa période d’adaptation a été express, elle n’a pas froid aux yeux et a confiance en ses capacités.
Elle a été au niveau, ce qui facilite l’intégration. Ses atouts sont ses qualités offensives, dans les duels et la gamme de tirs, qu’elle peut déclencher de loin comme à mi-distance. Sa capacité à jouer vers l’extérieur s’est améliorée au fur et à mesure. Discrète dans ses paroles, mais pas dans les actes, elle est très entreprenante. Elle est aussi capable d’accepter des consignes liées au projet de jeu et de match alors qu’à cet âge, on aime surtout faire ce que l’on sait faire.
Elle a pu améliorer ce point et on voit qu’en D2, ces qualités-là sont toujours présentes. Pour une joueuse de 17 ans, elle s’en sort déjà très bien. Jusqu’où pourra-t-elle aller ? Je pense qu’on peut raisonnablement penser qu’elle ira côtoyer l’élite française un jour ou l’autre et au gré des possibilités, peut-être un jour découvrir l’Europe. C’est en tous cas tout le mal que je lui souhaite. »




