En retrait du banc pendant trois mois la saison passée, Sébastien Leriche a retrouvé ses fonctions et le devant de la scène en juillet dernier, à la tête d’une formation cessonnaise new-look. Sans éluder aucun sujet, le coach des Irréductibles n’entend pas s’attarder sur le passé et regarde droit devant avec pour seule priorité l’institution Cesson.
Ton retour à l’opérationnel, au quotidien, est effectif depuis juillet. Comment as-tu vécu ton retour en poste ?
Sincèrement, ce que j’ai pu ressentir ou penser importe peu. Pour moi, et je n’ai pas changé un instant d’avis depuis mars : le plus important était et reste que l’institution Cesson soit toujours en Starligue aujourd’hui. C’est un soulagement pour l’ensemble de club pour qui une descente aurait été une catastrophe. Alors, il convient de féliciter tous les acteurs ayant contribué à ce maintien, construit avec les vingt points obtenus sur une saison qui aura été difficile de bout en bout.
Au cours de ton retrait, tu as pu observer l’équipe depuis la tribune, ou devant la télé. Cela a-t-il modifié certaines approches de ton métier et ouvert d’autres perspectives ?
Aujourd’hui, je comprends mieux pourquoi les managers au rugby sont souvent en tribunes. Lorsque nous sommes au bord du terrain, sur la touche, il peut y avoir un manque de recul émotionnel, d’une part, mais aussi dans la vision du jeu, des déplacements, visuellement parlant. La perspective est différente mais modifie aussi l’analyse. Cette posture en tribune m’a ouvert des angles et je vais m’autoriser à l’avenir de prendre un peu de hauteur, aux entraînements notamment, et peut-être aussi à être un peu moins interventionniste.
Dans une situation difficile comme celle dont nous sortons, on se remet plus facilement en cause. Notre métier nécessite du recul, un sacrifice au quotidien, on ne compte pas, on donne mais il faut aussi garder de la lucidité et la remise en question doit être productive. Ce que j’ai vécu récemment, je l’ai aussi connu dans l’autre position, c’est vrai, à l’époque du départ de Christian Gaudin. Dans les deux cas, ce n’est pas simple. Maintenant, c’est du passé, et notre unique objectif à tous est la réussite du Cesson Rennes Métropole Handball.
Comment juges-tu la préparation écoulée ?
Elle ne fut pas simple, mais je suis satisfait du travail produit. Il y avait plusieurs enjeux, deux principaux notamment : il fallait qu’on découvre ce groupe et qu’il apprenne à se connaître, à vivre ensemble, développer des affinités et une cohésion indispensable pour un club comme le nôtre.
Le deuxième objectif était bien entendu de préparer les joueurs individuellement, notamment physiquement, et collectivement sur la mise en place du projet de jeu. Même si nous avions travaillé en amont sur ce dernier, il nous fallait encore quelques réponses à nos questions pour le finaliser. Seul le terrain et les premiers entrainements ainsi que les nombreux échanges avec les joueurs, pouvaient nous les apporter.
On a opté pour une co-construction du projet plutôt que d’imposer les choses. C’était essentiel pour que les joueurs y adhérent et s’y retrouvent en fonction de leurs qualités individuelles. Les garçons nous ont vraiment impressionnés par leur capacité à assimiler énormément d’informations en peu de temps, démontrant chacun une grosse culture handball, parfois différente, mais très riche pour tous.
Comment définis-tu le style de cette équipe et quelle sera sa personnalité ?
Ce sont des réponses qu’on ne peut pas donner aujourd’hui, le vécu va les apporter, la compétition aussi mais nous constatons déjà que nous avons une équipe qui joue et aime le ballon. Désormais, elle doit trouver et construire son identité, sans comparaison avec les précédentes. Elle écrira son histoire, développera sa propre personnalité. Malgré cela, j’ai quand même insisté avec eux sur l’histoire du club et l’importance de la culture de la défense.
Historiquement, tout le monde connait les valeurs et l’identité de Cesson par son aspect défensif. Je ne veux pas qu’on le perde de vue, on marquera peut-être un peu plus de buts car on a une équipe qui en a le profil, mais je ne souhaite pas qu’on ait besoin de marquer plus de 35 buts à chaque match pour le gagner. Avec le staff, nous sommes garants de cet équilibre et le projet de jeu va avancer au fur et à mesure, il faudra du temps.
Cela étant, il a fallu innover durant la préparation, en travaillant les cycles offensifs et défensifs en même temps, ce qui est plutôt novateur. Nous n’avons eu que six semaines pour travailler, c’est peu et il faudra du temps pour valider les articulations, gagner des certitudes. A nous de faire avancer le plus vite tout cela car les points n’attendront pas. Début septembre, nous ne serons peut-être qu’à 60-70% du potentiel de cet effectif mais je suis convaincu que cela peut suffire pour remporter des matchs et avancer.
« Les leaders vont se révéler d’eux-mêmes au fur et à mesure que le groupe va se connaître, gagner ou perdre »
Parlons des joueurs. As-tu déjà identifié tes leaders et quels sont les profils d’un effectif très cosmopolite ?
Les leaders vont se révéler d’eux-mêmes au fur et à mesure que le groupe va se connaître, gagner ou perdre. Ils seront primordiaux pour garder le cap ou se révolter quand les choses ne tourneront pas et nous avons vu en préparation contre Cherbourg ou Irun où cela a fait défaut. Les réactions en revanche face à Porto ou Logrono ont été révélatrices. Pour l’instant, nous sommes bons dans la réaction car les claques qu’on a prises pendant la prépa nous ont fédérés et ont enclenché la volonté de réagir.
Ce qui prouve que cette équipe a du caractère, c’est une bonne chose. On doit être meilleurs maintenant dans l’action. Pour cela, il faut qu’on parvienne à s’appuyer sur un socle solide, qu’on doit encore construire. Ce groupe est constitué de garçons qui ont envie de prouver, qui ont quelque chose à gagner ou à dépasser. Ce sera une force, avec des objectifs personnels pour chacun destinés à servir le collectif. Nous avancerons step by step, avec les personnalités et qualités de chacun.

Et au cas par cas ?
Nous avons un groupe de 14 joueurs professionnels pour cette saison, c’est la première fois depuis un bon moment, chacun va donc avoir son importance. Nous avons des jeunes désireux de confirmer, comme Michal Baran, qui entame son premier contrat de joueur professionnel, mais aussi comme Alexandre Baradat, auteur d’une très belle compétition avec les Bleus U19 et sur qui nous compterons, évidemment, tout comme Tristan Michel, stagiaire pro cette année.
Parmi nos recrues, il y a des profils de garçons dominants en Proligue, comme Alex Moran et Jean Kouassi, arrivés à maturité pour la Starligue et nos étrangers qui ont envie de se mettre au niveau du championnat, de passer un cap. Simon Ooms revient presque dix ans après avoir été le petit jeune ici. Josep Folques est un ailier atypique qui va nous aider des deux côtés du terrain.
Egon Hanusz va en surprendre plus d’un, Asier Nieto est très performant et précieux dans le projet, et Gustavo Rodrigues va apporter sa grinta et son envie de relever un nouveau challenge, en plus de ses qualités handballistiques. Enfin, Erik Szeitl est le pivot de position que nous recherchions, il doit maintenant développer les affinités dans le jeu avec ses partenaires. Si on y ajoute, Maté Sunjic, Théophile Caussé, Xavier Labigang, Mathieu Salou et Mathéo Briffe, riches de leurs expériences passées avec le club, nous avons de la qualité. A nous, désormais, de donner vie à tout cela de façon collective.
Les nominations de Mate Sunjic et Théophile Caussé comme capitaine et vice-capitaine étaient-elles évidentes à tes yeux ?
C’est quelque chose qui s’est fait de manière naturelle et très simplement. Ce sont les deux joueurs qui étaient les plus légitimes dans ce rôle. Maté sera capitaine et sera un peu la tête froide, avec plus de recul de par son poste déjà et par son expérience et son tempérament. Théo sait fédérer et créer du lien dans le vestiaire, mais aussi imposer l’exigence et l’état d’esprit nécessaire sur le terrain.
Le tempérament des deux et leurs caractères font que c’est un binôme très complémentaires. Ceci étant, cela ne veut pas dire que d’autres joueurs n’auront pas aussi un leadership à assumer. Chacun pourra le faire à sa manière, sans forcer le trait mais en apportant sa pierre à l’édifice.
Un mot sur le calendrier. Comment l’évalues-tu ?
Je pense qu’il est équilibré notamment sur la phase aller. J’espère que nous aurons la capacité de bien rentrer dans notre saison, on sait combien c’est important et cela conditionne la suite. Il suffit pour cela de regarder nos dernières années. Quand on compte 14 ou 16 points à Noël, c’est plus simple de construire. Après, attention : je vois certains se réjouir de jouer d’entrée Sélestat, en journée 2. Ce n’est pas un cadeau !
Nous avons les moyens de faire un résultat, bien sûr, mais ce sera tout sauf facile face à une équipe surfant sur sa montée, pour sa première à domicile. Ce n’est pas un piège mais certainement pas un cadeau. Saint-Raphaël et Aix à la Glaz, ce sera du solide face auxquels il faudra fournir de grosses prestations. Prenons chaque match avec la volonté ferme de l’emporter, en y mettant les ingrédients et nous verrons où cela mène. Restons concentrés sur notre équipe, renforçons notre base sans forcément s’adapter en permanence à nos adversaires.
Vous attaquez la saison sans Mathéo Briffe, avec une base arrière un peu dépeuplée à gauche. Est-ce inquiétant ?
C’est inquiétant surtout en termes de santé pour Mathéo, pas guéri de sa blessure de la saison passée (ndlr : fissure de fatigue aux deux tibias) qui manquera le début de saison. Cela nous a amené à vite revoir nos plans dès le début de la préparation et à nous adapter. Nous avons sur le poste Asier Nieto, Michal Baran qui peut y évoluer et Alexandre Baradat.
Beaucoup de jeunesse et une prise de risques, c’est certains, mais c’est forcément le cas à partir du moment où nous avons un effectif de 14 pros cette saison. Notre gestion de celui-ci, avec Yann et Thibaut, sera prépondérante dans la réussite de la saison. Il faudra aussi compter sur le centre de formation et les jeunes, déjà très présents l’an passé, qui seront indispensables pour avoir les bonnes conditions d’entraînement et performer.
« Je suis convaincu que le potentiel est très intéressant individuellement comme collectivement »
L’objectif, au début d’un nouveau cycle et après la saison vécue l’an passée, est le maintien mais pas que ?
Nous allons discuter très prochainement avec les dirigeants dans un premier temps, puis avec les joueurs, des objectifs pour cette saison. Je ne peux en dire plus pour le moment. Nous sortons d’une saison difficile où rien n’était encore fait à la 28e journée. Je pense qu’il faut fonctionner par étapes avec ce nouveau groupe. Il faudra peut-être baliser notre saison et juger de notre progression dans le temps. Il doit y avoir une montée en puissance de cette équipe au fur et à mesure que la saison avance.
Nous partons un peu dans l’inconnu, mais je suis convaincu que nous pouvons faire de belles choses. Malgré cela, il y a des choses que nous essayons d’anticiper au mieux mais que nous ne maitrisons pas. Soyons prêts pour l’instant à tout donner pour battre chacun de nos adversaires. Il faudra tirer la quintessence de chacun de nos joueurs et ne pas connaître trop de blessures, mais je suis convaincu que le potentiel est très intéressant individuellement comme collectivement. Nous repartons d’une page blanche, à nous d’y écrire une nouvelle histoire.
