Rugby – Nationale : Kévin Courties : « Ce groupe n’a pas été récompensé, il s’est payé du travail fourni ! »

Interview Kévin Courties.
Kévin Courties lors de la finale à Tours. @Crédit photo : JRS

Autour d’une belle assiette servie à la Cabane, où officie en cuisine son capitaine Alex Guéroult, pluriactif, Kévin Courties s’est livré pour «JRS» sur son second titre et sa quatrième montée en tant qu’entraîneur en neuf saisons. Emotions, moments clés, regard sur un groupe pas comme les autres, le coach âgé de 37 ans vous offre un délicieux entrée-plat-dessert tout en générosité.

Quelques jours après votre second titre de champion de France, quel sentiment prédomine, à titre personnel ?

Il y a un vrai sentiment du devoir accompli et on pouvait difficilement faire mieux en finissant en tête sur tous les classements ou presque. J’ai vécu quelque chose de grand, avec un groupe vraiment fort, du début à la fin. Sur le plan personnel, la finalité, avec ce bouclier, donne finalement raison au fait d’avoir sacrifié tant de temps auprès des gens que j’aime, qui m’aiment et que l’on ne voit pas autant qu’on le voudrait quand on part sur de longs déplacements, tout au long de la saison…

A Tours, 90% de ma famille et de mes amis et proches étaient là, au coup d’envoi, ne faisant pas cas de toutes les soirées ou anniversaires où je n’étais pas là. Eux étaient là, pour moi, pour l’équipe et ça, cela vaut toutes les reconnaissances du monde.

Ce titre est-il différent du premier et pourquoi ?

Après Langon l’an passé, j’avais promis à ma fille Romane, qui avait pleuré en voyant les « Rouge » gagner, que je ramènerais le bouclier, que la prochaine fois, il serait pour papa, pour le REC. C’est chouette d’avoir pu fêter cela avec elle et sa sœur, avec leur maman, mes proches. J’ai pu aussi voir mes parents dans un moment bien différent d’il y a un an, où ma mère s’était investie pour consoler chaque joueur. Elle voulait apporter quelque chose dans un moment compliqué. Cette fois-ci, nous n’avons eu que de la joie, c’était beau.

Il y a trois ans, pour le premier titre, l’émotion était vraiment différente, tant le scénario l’était aussi… Il y a trois ans, tout était si imprévisible, c’était la première fois. C’était improbable presque et pourtant… Nous avions sorti trois leaders des autres poules, on était allés au bout. Ce sont deux titres tout aussi importants et forts l’un que l’autre mais aux saveurs totalement différentes. En revanche, nous les avons tous les deux bien fêtés !

« Après la victoire face à Bedarrides, il s’est passé quelque chose que l’on n’imaginait pas arriver aussi tôt »

Avant la fête, il y a eu du travail, beaucoup d’heures d’entrainements et 20 victoires ! Quels ont été les moments fondateurs de votre titre ?

D’abord les quinze jours qui ont suivi Langon et la défaite en demi-finale. On a mis cartes sur table, avec la quasi-totalité des joueurs et acteurs de la saison. Tout le monde a décidé de se retrousser les manches, personne ne s’est dédouané.

Dans cet ordre d’idée, les joueurs ont organisé le stage d’avant-saison, de A à Z, toute l’intendance et les détails, ne laissant rien au hasard. Ils m’ont aussi demandé de remettre la Bretagne au cœur du projet, ce que j’ai fait. Je leur ai demandé de s’entraîner avec encore plus de précision, ne pas faire forcément plus mais tout autant et mieux. Chacun a mis plus, pour avoir plus de solutions et de moyens pour le résultat que l’on sait.

Dans la saison écoulée, quels ont été les autres moments clés ?

Après la victoire face à Bedarrides, il s’est passé quelque chose que l’on n’imaginait pas arriver aussi tôt. Nous gagnons 47-11, avec le bonus offensif mais l’équipe bascule. Les cadres, emmenés par Alex Fau et Ryan Dubois, réclament une réunion. Le lundi soir à Vivalto, lors de notre réunion hebdomadaire, les joueurs se parlent, pendant 35 minutes, sans filtre, avec une totale écoute les uns des autres. Les cadres ont mis la main sur l’équipe, conscients qu’on ne pouvait pas jouer ainsi sans conséquence…

Le match suivant au Stade Métropolitain, on fait une vraie belle performance d’équipe, humainement, rugbystiquement face à une équipe qui aurait dû finir beaucoup plus haut au vu de sa qualité mais qui a payé son début de saison difficile. C’est une autre saison qui a démarrée à ce moment-là et nous, le staff, avons dû nous adapter aux nouveaux paramètres fixés par les joueurs.

Avez-vous été surpris de cette initiative et de cette exigence, surtout à l’issue d’une large victoire ?

Surpris que ça arrive si tôt, sans que nous ayons besoin de le provoquer, oui, un peu mais connaissant le caractère de ce groupe, sa personnalité, pas tant que cela. Ce sont des grands garçons, il y a eu cinq nouveaux papas dans la saison. Cela vous renforce des personnalités, ça façonne un groupe.

Comptablement, quel regard portez-vous sur la saison ?

Le groupe a répondu présent, toute la saison et a tenu la promesse qu’il s’était faite il y a un an. Je ne dirais pas que les joueurs se sont récompensés, ils se sont payés de tous les efforts et sacrifices consentis. Nous avons validé tellement de choses… Cela offrira de la confiance pour revenir en National, aborder le challenge qui nous attend mais attention, pour exister à ce niveau-là, il faudra faire encore plus, encore mieux et être à 110% pour rivaliser. Les compteurs vont être remis à zéro.

« Il faudra faire encore plus, encore mieux et être à 110 % pour rivaliser. Les compteurs vont être remis à zéro »

L’expérience de votre premier passage à ce niveau sera-t-elle précieuse ?

L’histoire va être différente. Il y a trois ans, nous avions terminé le 12 juin, il n’y avait pas eu ou presque de préparation, de temps pour se mettre au niveau qui nous attendait. On doit se servir de ce que l’on a vécu à l’époque, dans le bon comme dans le plus compliqué, pour faire mieux. Il y a deux ans, nous avions subi, c’était compliqué.

Là, nous chercherons à exister, et le maintien, l’objectif du club, devra être la conséquence du travail mis en place. Ces gars-là ont prouvé qu’ils avaient le niveau pour évoluer au troisième niveau national, à eux désormais de se mettre au diapason sur la durée et la réalité de la Nationale.

Les jeunes, auteurs d’une très belle saison avec l’équipe espoir, auront-ils voix au chapitre ?

La formation fait partie de l’ADN du REC, nous regardons et observons chaque joueur, chaque évolution. Nous créons au quotidien les conditions de la progression. Après, ce sera à eux de saisir les opportunités. A eux de prouver mais ce qui est certain, c’est que je ne pourrai rien faire pour des jeunes en retard lors des entraînements de présaison !

Même s’il est tôt, peux-tu nous en dire plus sur le recrutement et les mouvements à venir ?

Ce que je peux dire, à défaut des noms, c’est que nous aurons entre 8 et 10 recrues, dont le plus vieux est de 1998. La majorité sera âgée de 21 à 25 ans, avec des profils travailleurs. Pour ce qui est des départs, nous avons fait le choix de ne pas conserver Jules Missland, Jack Higgins, Manzon Achard et Denzel Hill.

Gwen Belliot, lui, a choisi de rejoindre la région bordelaise. Alexandre Guéroult et Vincent Wenger, eux, arrêtent mais restent au club. Alex entre dans le CA, une bonne nouvelle tant il est important d’avoir des anciens sur ces secteurs, qui s’investissent dans le club tandis que Vincent accompagnera la réathlétisation dans le cadre de ses études de kiné.

Le club, au-delà du terrain, retrouve aussi un niveau et une dimension à laquelle il va falloir se hisser. Quel regard portes-tu sur tout ce qui entoure le rectangle vert ?

Je sais que ça bosse, sans relâche, que nos bénévoles sont là, que cette montée est aussi à eux. Nos dirigeants sont investis, j’ai confiance en eux, en leur travail et leur vision. Après, pour ce qui est des infrastructures, le REC fait son travail. Ce qui est sûr, c’est que deux bouts de moquette sur du béton, ce n’est pas une solution…

Les moments clés du coach

Le match référence de la saison :

« En championnat à Nantes et à Châteauroux lors de la demi-finale des phases finales contre Vienne, match le plus abouti de la saison.»

La causerie la plus marquante :

« Au Stade Métropolitain, où les joueurs ont confirmé les mots du début de semaine en réunion. La causerie de la demie finale m’a aussi occasionné pas mal de retours, avec le « Nous » au cœur des mots.»

Des rencontres inspirantes :

« Ils le sont tous, pas un plus que les autres. Je pourrais parler de Vincent Wenger, de tout ce qu’il a réalisé au club, de Clément Cavalière, auteur de la saison que l’on sait quand on se souvient de l’état dans lequel nous le récupérons. Je peux aussi citer Baptiste Beaujouan pour sa qualité, Caleb Aperahama, Breton malgré la barrière de la langue, ou encore les moments vécus par Yoann, Carlos Vincent dans le staff. Personne n’est resté dans sa zone de confort, et ça, c’est inspirant ! »

Signature de l'auteur, Julien Bouguerra.