En décembre dernier, il est devenu le premier français de l’histoire à participer aux championnats du monde de fléchettes. S’il vit de sa passion depuis deux ans, Thibault Tricole, originaire du Morbihan, entame sa première saison sur le circuit professionnel. Entretien avec « The French Touch ».
Tu es devenu un pionnier et le représentant des fléchettes en France, comment vis-tu cela ?
Après les championnats du monde, j’ai eu une à deux interviews par jour pendant trois semaines, c’était sympa. Je reçois encore pas mal de messages d’un peu partout en France. Je sens qu’il y a du soutien et de l’engouement. Ça se fait, petit à petit.
Cette notoriété m’apporte aussi des bons contacts dans des répertoires différents, mais ça prend beaucoup de temps car je ne suis pas encore entouré de plusieurs personnes et je fais pas mal de choses moi-même. Il y a également un petit sentiment de revanche. On s’est moqué de moi avant avec les fléchettes et maintenant il y a une petite reconnaissance, que ça soit pour moi ou pour la discipline.
Ce fût un long parcours pour devenir professionnel…
J’ai commencé à 13 ans et cela fait maintenant vingt-et-un ans que je joue aux fléchettes. J’ai gravi les échelons tranquillement et on ne s’imagine pas joueur de fléchettes à 20 ans. En 2020, j’ai été le premier Français à disputer le championnat du monde amateur et ça m’a permis de me faire connaître. Deux ans plus tard, j’ai refait ce même championnat du monde amateur et j’ai terminé vice-champion du monde.
Ça a eu un peu d’échos en France. Ensuite, j’ai commencé à faire des tournois de qualifications et, de temps en temps, à intégrer des tournois professionnels. J’étais encore amateur en novembre dernier et il y a eu un tournoi en Allemagne. Le vainqueur se qualifiait pour le championnat du monde professionnel et je l’ai remporté.
Depuis quand arrives-tu à en vivre ?
Je gagne suffisamment ma vie depuis deux ans pour en vivre, mais la donne est un petit peu rebattue pour les deux ans à venir. Je suis certain de faire des tournois professionnels, mais je n’ai plus le droit de participer aux tournois amateurs, donc en quelque sorte, de me rattraper.
Sur certains tournois, si je perds au premier tour, je repars avec rien. Ça devient intéressant si je passe des tours, mais le niveau est aussi plus élevé. Toutes les charges sont à nos frais et tu n’es pas qualifié d’office pour les tournois majeurs. De plus, il y a deux fois moins de tournois que les autres années. Je cherche des partenaires, notamment avec un ancrage breton.
À Rennes, j’ai Billard Pool Shop, qui est un partenaire historique et mon premier sponsor. C’est la première société à m’avoir fait confiance. Nous étions partis sur un contrat de deux ans et finalement, plus de six ans plus tard, BPC est toujours là. Sur le plan technique, c’est même Vincent, le dirigeant, qui m’a mis en relation avec la marque anglaise de fléchettes Winmau, reconnue internationalement. Ce qui m’a apporté beaucoup de crédit sportivement parlant.
Tu as donc été le premier Français à participer aux championnats du monde professionnels en décembre dernier, peux-tu nous raconter ce moment ?
C’est l’événement phare de l’année et le plus suivi. C’était à guichets fermés et les billets se sont vendus en quelques jours. Même si j’avais déjà participé au championnat du monde amateur, ça n’avait rien à voir. Avec la ferveur médiatique, c’était fou ! Ça s’est déroulé à l’Alexandra Palace de Londres qui est un lieu mythique et dans une ambiance dingue !
Pour être honnête, j’ai eu du mal à gérer mes émotions. Je parviens à gagner le premier match mais sans éclats. J’étais trop stressé et je n’ai pas pris tant de plaisir que ça au niveau du jeu, mais ça reste bonne expérience. Quand tu gagnes, tu as trois interviewes pour les télévisions et tu enchaînes avec une conférence de presse. Un autre monde. En plus, tout est en anglais et comme je suis loin d’être bilingue…
Où en sont les fléchettes en France ?
Il y a une petite « hype » et nous n’avons jamais autant parlé des fléchettes qu’aujourd’hui. Le fait que la chaine L’Equipe retransmette les matchs assez régulièrement aide et forcément, il y a aussi mes performances. Nous étions à 1.000 licenciés il y a deux ou trois ans et nous sommes remontés à 1.600. Des clubs se créent un peu partout et je suis presque sûr que ça va continuer de prendre de l’ampleur.
As-tu un programme d’entraînement ?
Je suis aidé par le fait d’avoir commencé jeune, mais je continue à m’entraîner quotidiennement chez moi pour garder le geste et la confiance. Je suis aussi président du club de fléchettes de Malguénac dans le Morbihan et le siège est au bar le Ty-Lou, dont ma compagne est la propriétaire, et je m’entrainais parfois là-bas avec du monde qui me regardait. Néanmoins, le meilleur entraînement, ce sont les tournois.
C’est un sport très peu physique et qui se joue davantage au mental. L’expérience des tournois fait beaucoup. Dès que nous tremblons et que nous avons un peu de stress, c’est pénalisé immédiatement. J’ai fait un peu de sophrologie et je cherche maintenant un préparateur mental.
Enfin, un mot sur « The French Touch ». D’où te vient ce surnom ?
Les fléchettes, à l’image du catch, c’est un peu folklorique. Chaque joueur incarne un personnage et a un surnom. C’est moi qui l’ai choisi avant qu’on ne m’en donne un. Par exemple, j’avais peur d’être surnommé « Crazy Frog » ou quelque chose comme ça (rires). Nous avons aussi une musique d’entrée. Pour ma part, j’ai choisi « Essentielles » d’Ibrahim Maalouf, car je voulais dénoter.