Meilleur gardien ex-aequo de Starligue avec Samir Bellahcene l’an passé, Arnaud Tabarand ne connait pas la même réussite cette saison mais retrouve la confiance sur cette phase retour. Avec expérience, il évoque sa seconde et dernière année cessonnaise. Entretien garanti 100% sans langue de bois !
Nous t’avions laissé en décembre sur une blessure musculaire mais malgré tout, une participation aux deux derniers matchs. Comment vas-tu ?
Je me sens très bien. J’ai pleinement récupéré, à tous les niveaux et que je suis enfin à 100 %. J’avais joué très diminué les deux derniers matchs mais nous n’avions pas trop le choix avec la blessure de Milos. La trêve hivernale s’est bien déroulée et nous avons bien bossé. Je suis là, et je me sens bien, déterminé à faire une grosse seconde partie de championnat.
Ta première partie de saison a été très compliquée, avec des chiffres très nettement en dessous de la saison passée, mais aussi de tes standards en Starligue…
C’est vrai, je n’avais jamais connu dans ma carrière un aussi long passage à vide. Ce qui m’a permis de réussir une carrière relativement longue en D1, c’était ma régularité. Je ratais jusqu’ici rarement deux matchs de suite et sincèrement, j’ai commencé à douter fin octobre. Je ne parvenais pas à retrouver la confiance en mes capacités mais surtout, je n’étais plus capable de réussir un match plein.
J’avais soit la première période performante et la seconde moins, soit l’inverse. Parfois, aucune… C’est très difficile à vivre lorsque l’on ne trouve pas les solutions, qu’on ne parvient pas malgré un gros boulot en semaine, à changer la donne. Alors on a été patients puis j’ai choisi de changer des choses…
« J’ai vu que j’en avais encore sous la semelle et que j’étais prêt, physiquement, à répondre. »
Comment ?
J’ai demandé à Thibault Minel, notre préparateur physique, de mettre les bouchées doubles pour moi sur le plan physique. J’ai voulu me mettre dans le rouge, bousculer ma routine et aller chercher au plus loin dans mon corps. C’était risqué. Si ça « pétait», j’étais mal mais ça a tenu et avec le recul, cela m’a fait du bien. J’ai vu que j’en avais encore sous la semelle et que j’étais prêt, physiquement, à répondre.
Tu n’as pourtant pas été épargné cette saison, entre cette blessure aux ischios en décembre et ce choc ultra-violent et une commotion fin août à Istres…
C’est le jeu. Je ne vais certainement pas chercher à dissimuler mes mauvaises performances derrière cela. Quand je joue, c’est que je suis apte et prêt à 100 % pour jouer, au moins mentalement, sinon, je n’y vais pas. C’est une question de respect pour mes coéquipiers, mon club ou mon collègue gardien.
Quand il a fallu serrer les dents en décembre et jouer diminué, j’y suis allé et j’ai même plutôt performé. Contre Saran, une semaine après le KO vécu à Istres, je sais que je peux jouer, j’y vais. J’avoue que je n’ai jamais terminé un match aussi épuisé, mais j’étais prêt.
Que s’est-il passé à Istres, pour tous ceux qui n’ont pas vu les images…
Sur une contre-attaque d’Istres, j’anticipe et je veux intercepter la relance du gardien sur l’ailier. L’arbitre court derrière l’ailier et veut se replacer pour être le mieux situé mais prend sa course intérieure au lieu d’aller sur l’extérieur.
Il ne me voit pas, je ne le vois pas non plus, car je fixe le ballon, en l’air, et nous nous percutons de face. J’ai été KO, direct. L’action que je te raconte, on me l’a racontée puis je l’ai revue mais moi, je ne me souviens de rien. Peut-être que ça ne reviendra jamais.
On m’a dit que j’ai répondu à côté de la plaque aux questions du protocole commotion. Je disais que j’avais une femme mais pas d’enfant, j’ai dit que nous étions en 2004… J’étais là mais pas là, le regard hagard selon les copains et j’ai été amené à l’hôpital, où je me suis réveillé.
Là-bas, les examens ont été rassurants et j’ai pu rentrer avec les gars. J’ai eu deux dents cassées dans l’histoire dont une que l’on a pu sauver et l’autre pour laquelle j’ai encore des traitements. Mais je m’en sors quand même bien et je ne veux pas utiliser ça pour excuser mes performances insuffisantes.
Cléopatre Darleux a évoqué les commotions et leurs complications. As-tu comme elle changé d’humeur, vu des différences entre l’avant et l’après ?
Dans mon malheur, j’ai eu la chance de ne pas avoir de séquelles et surtout, contrairement à elle, de ne pas recevoir un ballon en pleine tête dès mon retour. Elle a eu le malheur d’en avoir plusieurs. Dans mon cas, je n’ai pas changé d’humeur, ni noté de choses particulières.
Contre Saran, j’étais aussi épuisé nerveusement car je ne voulais pas prendre un ballon en pleine tête, à cause des dents. J’avais encore des pansements et je me suis toujours demandé si les gars de Saran m’avaient épargné ce soir-là, en évitant les tirs dangereux pour moi. Pour autant, à partir du moment où les docs m’avaient donné le feu vert, je voulais jouer, ne pas gamberger.
On peut aussi évoquer la perte de ton papa, qui pèse forcément dans le quotidien et la performance ?
C’est lui qui m’a emmené au handball, qui m’a poussé à y réussir. Jouer après son départ le match à Créteil était le plus bel hommage que je pouvais lui rendre, même si je n’y avais pas performé. Mais il aurait voulu que je joue et je me sentais prêt à le faire, concentré sur mon match. Là non plus, ne comptez pas sur moi pour me cacher derrière le contexte.
Après la défaite contre Toulouse, ton coach vous a ciblé, Milos Mocevic et toi, parlant de vos performances défaillantes. Comment as-tu vécu cela ?
Il faut l’accepter, c’était la vérité, tout simplement. A partir du moment où l’on prend les louanges quand tout va bien, on doit aussi accepter la situation inverse. Et comment le contredire ? Nous ne faisions pas assez d’arrêts, nos prestations n’aidaient pas l’équipe et il a dit la vérité, tout simplement. Il ne m’a pas prévenu avant, et n’a pas à le faire. On en parlait la semaine, cependant, non pas pour critiquer mais pour trouver des solutions. Et la bascule s’est enfin faite…
Le match d’Ivry marque une vraie première bascule ?
Clairement oui. Sur ce match-là, je suis efficace, décisif mais surtout, je retrouve mes sensations en réussissant deux mi-temps pleines. Comme je le disais, la régularité a été, dans ma carrière, un point fort mais aussi mon point de repère. Pour me juger, il ne faut pas regarder ma première partie de saison, ni la saison dernière qui était incroyable. Mon niveau témoin est entre les deux et je l’ai retrouvé fin novembre.
Depuis la reprise, tu sembles en effet beaucoup mieux…
C’est le cas et cela apporte forcément à l’équipe. Cela fait du bien, vraiment et je me sens enfin revenu à bloc. L’arrivée d’Alejandro Romero est aussi un plus pour le groupe. Je le connais bien, c’est un bon mec et nos styles se ressemblent un peu, sont complémentaires. Notre duo doit apporter expérience mais surtout sérénité à l’équipe. Nous devons aussi gagner des points en étant décisifs. Il faut jouer sans complexe, se lâcher, comme nous l’avons fait en février mais ne surtout pas nous enflammer.
C’est-à-dire ?
On sait d’où l’on vient et combien il est difficile de gagner un match en Starligue. Nous sommes bien actuellement, les contenus sont bons mais c’est justement là où il faut se méfier le plus. Contre Ivry et Chartres en mars, puis quand nous jouerons Dijon, Saran, Créteil et les autres équipes à nos côtés au classement, il faudra mettre les mêmes ingrédients, ne surtout pas penser que parce qu’on a battu Nîmes, Chambéry en coupe ou Limoges, ce sera simple. Dans ces matchs-là, rien n’est jamais simple et il faudra être solides. C’est en gagnant ces matchs-là, souvent grâce au mental, que tu te maintiens.
Comment vois-tu la fin de ton aventure cessonnaise puis la fin de ta carrière à Billère, chez toi ?
J’ai eu cette opportunité de « rentrer à la maison », là où nous avons une maison et à partir de là, je ne pouvais pas refuser ou envisager autre chose. J’en ai averti Sébastien puis le président assez tôt. Le club n’a pas eu le temps de me proposer quoi que ce soit car ce retour au bercail était comme un signe pour boucler la boucle.
Sincèrement, si nous n’avions pas eu cette possibilité et notre maison là-bas, nous serions restés ici en Bretagne, même après le handball. J’aurais été très heureux de rester encore ici, où je me sens très bien et vis une aventure géniale. Je ne pouvais pas rêver d’une meilleure fin au plus haut niveau, même si rien ne m’interdit de rêver d’une dernière folie avec Billère. Ce serait dingue mais après tout, pourquoi pas ?
Je vais tout faire pour rendre à ce club ce qu’il m’avait donné il y a dix ans, quand j’avais eu besoin d’être auprès de mes proches. Après, beaucoup d’autres belles aventures nous attendent mais pour le moment, ma seule priorité est de remonter Cesson à une place qu’il mérite. Nos contenus, la qualité de notre effectif et la mentalité du groupe font que je suis convaincu que nous valons mieux que notre classement. A nous de le démontrer sur le terrain !