Ceux qui imaginent déjà les « Rouge et Noir » filles aller défier les grosses cylindrées françaises voire européennes dans six ans, en dévorant la concurrence année après année sans pitié, devront patienter un peu. Le tandem Michel Sorin – Romain Danzé entend bien ne pas brûler les étapes et construire au-delà d’une équipe une section pensée pour durer.
C’était une anomalie, voire un anachronisme depuis une vingtaine d’années et le développement médiatique et professionnel du football féminin hexagonal. Jusque-là, le Stade Rennais pointait aux abonnés absents en la matière, n’ayant jamais pris le train vers le développement d’une section malgré une réelle demande sur un territoire riche de nombreux clubs féminins avec en porte-drapeau le CPB Bréquigny, aujourd’hui en Division 3. Les Cerclistes partagent aujourd’hui l’affiche avec leur voisin de la Route de Lorient.
A la tête du projet, Romain Danzé, assisté de Michel Sorin pour la partie terrain, présente son projet, mis en place depuis sa formation de manager sportif à Limoges : « J’ai choisi ce projet, avec la volonté de partir de la formation et des jeunes pour s’ancrer dans le paysage du foot féminin, en franchissant les étapes une à une. ». Là où certains imaginaient le Stade Rennais tenter de sauter les étapes ou de s’associer aux existants à proximité du haut niveau, il n’en fut pas question, à aucun moment, ni d’un côté, ni de l’autre. L’ancien capitaine des garçons, aujourd’hui directeur de la section féminine, détaille : « Nous avons trouvé un accord avec Nicolas Holveck, qui a mis définitivement le projet, qui était déjà sur les rails, en route. L’idée était claire : mettre en place des équipes jeunes en place, préparer l’avenir sur le moyen et long terme et structurer l’ensemble, avec l’arrivée d’une équipe senior en district. Celle-ci est arrivé en début de saison, plus rapidement que prévu. Des portes ouvertes ont été organisées, les filles ont candidaté et il a fallu ensuite faire des choix.»
« Pour venir s’entraîner trois fois par semaine après la journée de boulot, c’est qu’elles sont passionnées à mort ! »
Quand le Stade Rennais FC, ses couleurs, son histoire, arrive en terres jusque-là inconnues, cela ne passe forcément pas inaperçu et attise la curiosité. Pour faire face à cela, Romain Danzé et Michel Sorin, responsable des éducateurs arrivé directement de l’OL pour partager son immense expérience, sont allés à la rencontre de chacun : « Nous avons rencontré tour à tour le District, les autres clubs, avons échangé avec tous les acteurs locaux du foot féminin, pour expliquer notre projet, notre vision à long terme. Avec beaucoup d’humilité, car nous partons de tout en bas, avec un fonctionnement amateur. Nous avons été écoutés, respectés, je pense, et on a été bien acceptés et accueillis. » Pour ceux qui imaginaient des salaires, un budget hors-normes pour le niveau, en district 1, il est encore temps d’arrêter de fantasmer. L’argent n’est pas le cœur du projet, loin de là : « La Ville de Rennes a mis à notre disposition un terrain, nous avons pu démarrer en District 1 plutôt qu’en District 2 mais pour le reste, nous sommes amateur avec le nom Stade Rennais. Nous sommes 100 % amateur sur la section, avec les mêmes contraintes mais aussi la même convivialité que l’on peut rencontrer à ce niveau, le tout en structurant au mieux, au fur et à mesure. » Autre rumeur farfelue et « bienveillante , une éventuelle obligation Fédérale ou de la Ligue vis-à-vis de l’institution rennaise de se mettre à jour question foot féminin : « Personne ne nous a obligé par une quelconque règle à ouvrir une section féminine. C’est uniquement la volonté du club, et je suis très fier de m’occuper de ce projet. Nos joueuses sont forcément attirées par l’écusson, les couleurs et le nom Stade Rennais, mais elles sont étudiantes ou travaillent la journée. Le projet est sportif mais aussi socio-éducatif. Nous sommes en lien permanent pour les jeunes de l’école de foot avec les collèges, lycées et suivons de près le parcours de chacune. La notion de double projet prévaut autant que chez nos homologues des autres sports amateurs rennais. »
Des joueuses pour l’équipe sénior âgées de 17 à 32 ans, avec la R1 pour plus haute référence parmi les « Rouge et Noir », 87 licenciées réparties sur six catégories, des U8 aux seniors, l’élan est pris et la progression du projet positive. Ce, déjà, grâce à la grande détermination à progresser des Rennaises : « Pour venir s’entraîner trois fois par semaine après la journée de boulot, c’est qu’elles sont passionnées à mort ! Elles sont demandeuses, adorent le foot et veulent prendre part à cette nouvelle histoire dont nous écrivons les premières pages. Elles s’interrogent, demandent à comprendre les exercices, à donner du sens à ce qui est fait. Le projet est aussi passionnant pour les éducateurs, qui sont aussi des jeunes en devenir, déjà habitués à coacher des groupes féminins ». Capitale de la Bretagne oblige, l’identité bretonne est aussi au cœur du réacteur, évidemment, avec le souhait d’amener les jeunes filles au foot, de leur proposer un encadrement de qualité et de voir l’équipe fanion grimper au fil des années.
Aujourd’hui au-dessus du niveau District 1, l’équipe s’offre des oppositions amicales en semaine pour progresser, élever son niveau nettement au-dessus de celui de son championnat qu’elles dominent nettement. Si la coupe de France permet quelques belles oppositions et défis, le championnat et la montée, cette année comme l’an prochain, sont les premiers étages de la fusée à valider. Pour autant, la route vers les sommets sera longue, et semée d’embuches : « Aujourd’hui, tout Stade Rennais que nous sommes, nous sommes une équipe de district, qui ambitionne de monter en Ligue et d’atteindre à moyen terme à la R1. Pour certains matchs, nous partons à douze… Il y aura trois montées à valider, déjà, pour cela et cela demandera du temps. Si nous travaillons bien, cette ambition est raisonnable mais il faudra gagner les matchs et progresser, se préparer à arriver, à moyen terme, en R1. On sera alors arrivés à une nouvelle étape du projet mais tout ne sera pas si simple. » Au fil des années, les adversaires seront prévenues, plus étoffées et les meilleures joueuses seront forcément repérées ou demandées par des équipes évoluant plus haut : « C’est le jeu, il faut le respecter. Nous avons aussi le souhait, la volonté de former nos joueuses et de permettre au meilleur d’aller jouer au meilleur niveau, même si ce ne sera pas chez nous. C’est comme ça. Nous visons le niveau national U19, les filles sont en course en R1, nous verrons bien si nous y parvenons. Il faut fixer des caps, des ambitions, tout en continuant de structurer tout cela sur et en dehors du terrain. ». Côté études, le collège Cleunay a ouvert une section foot, afin d’offrir aux joueuses les meilleures conditions pour mener à bien études et pratique du foot. « La connexion est permanente entre nous, les profs, les éducateurs et les parents. Certains sont parfois surpris par le sérieux et l’implication du club pour définir un cadre où les joueuses peuvent se développer, progresser, dans les meilleures conditions. Des partenariats sont crées avec d’autres clubs, nous comptons progresser pas à pas, sereinement. » La garantie d’installer dans la durée une histoire attendue depuis trop longtemps et semblant lancée sur les bons rails.