JRS 70 – Édito : Humains, tout simplement…

Une minute, une heure, une nuit, parfois beaucoup plus… Quand le vestiaire se ferme et que la lumière s’éteint, il n’y a guère plus de compagnie ou de réconfort pour l’entraîneur ou l’adjoint, seul avec ses émotions. Avec la victoire, elles sont positives et retrouver les obligations de la presse, des partenaires ou tout simplement la famille et les amis revêt alors d’un caractère plutôt sympa, même si le prochain match est déjà dans un coin de la tête. En cas contraire, c’est une autre histoire, bien moins simple à vivre, encore plus difficile à expliquer, à dompter. La bête de la culpabilité, le sentiment de ne pas avoir fait ce qu’il fallait dévorent alors l’esprit, sans l’adrénaline, retombée au plus bas, pour lutter. On veut refaire ce match, le revivre, changer ce moment où tout se bouscule mais cette quête aux allures de torture est vaine. Rien ne changera. On dit que l’expérience, ou l’âge, sont bons conseillers pour passer rapidement à la suite mais les techniciens le savent, l’excellence prête peu d’égards aux services rendus quand le résultat n’est pas là.

Face à l’échec, qu’il soit le temps d’une défaite ou sur une longue période compliquée, les entraîneurs vivent une solitude éreintante, comme pris dans le tambour d’une machine à laver tournant à plein régime, avant l’essorage final. Il faut être solide, si possible bien entouré par les adjoints ou les proches, et avoir cette capacité à garder lucidité et clairvoyance. Si les joueurs peuvent se rejeter la faute les uns sur les autres, écouter leurs agents toujours prompts à les rassurer sur leur “valeur” ou encore passer vite à autre chose, le coach, lui, a la responsabilité qu’eux n’auront jamais, celle d’un groupe entier d’individus programmés pour gagner. Toute défaite est un dysfonctionnement où l’architecte est alors mis en cause, sans détour et autre solution que de devoir proposer une solution. Parfois, il n’y en pas… ou plus.

Ainsi, Bruno Genesio n’avait pas de nouveau logiciel à proposer et a préféré s’en aller. Si certains jugeront que cela était facile, comme on a pu l’entendre, d’autres comprendront aussi que c’est une forme d’honnêteté vis-à-vis d’un groupe de joueurs qui attendait peut-être trop de lui une solution qu’ils étaient pourtant les seuls à détenir. Avant lui, Julien Stéphan, lui aussi démissionnaire, avait aussi ressenti cette usure, toute aussi mentale que physique, guère liée à l’année de naissance mais bien plus à l’accumulation de nuits blanches passées à chercher ce qui cloche et pire, la solution pour y remédier. A Cesson, Sébastien Leriche comme Yann Lemaire, eux aussi, se torturent l’esprit, pris entre la certitude d’avoir des garçons donnant tout et travaillant bien et des résultats pourtant pas à la hauteur de l’investissement général et des attentes.

Quand chacun regagne ses pénates après un match, avec le sourire ou en jurant, les coachs, eux, continuent le match, n’ont ni repos, ni répit, parfois jusqu’à l’usure. Oublient parfois qu’ils sont aussi des maris, des pères, dorment mal. Cela force le respect, la tolérance aussi, et rappelle que derrière chaque nom posé sur une feuille de match, existe un homme, avec ses forces mais aussi ses faiblesses. Et que cela n’est ni un gros mot, ni un défaut mais être humain, tout simplement.