Engagé sur la transat Jacques Vabre, partie du Havre fin octobre, Fabrice Cahierc, habitué du large à l’enthousiasme intact, connaît trop bien la mer et les aléas d’une transatlantique pour fanfaronner. Il ne manquera cependant pas de faire briller son Ocean Fifty REALITES sur l’Atlantique aux côtés d’Aymeric Chappellier pour arriver le plus vite en Martinique.
Vous avez réalisé votre première traversée de l’Atlantique en 1992. Près de 31 ans plus tard, quel regard portez-vous sur l’évolution de votre sport ?
L’évolution est impressionnante sur tous les plans mais finalement, l’essence même de notre sport reste la même. Aujourd’hui, le pilotage automatique s’est amélioré, il y a un confort, on peut jouer sur la vitesse du bateau ou calculer les vents contraires, porteurs. En termes de vitesse, en 50 pieds, nous allons aujourd’hui plus vite que des bateaux qui faisaient 60 pieds à l’époque. Mais la vérité de la voile reste la même qu’il y a trente ans ou plus. Quand vous êtes en plein océan, dans un milieu des plus hostiles et imprévisible, vous êtes très peu de chose… L’humilité est indispensable et il faut toujours garder à l’esprit que l’on ne peut pas tout contrôler, et encore moins la nature, qui reste souveraine.
Vous êtes engagés avec un multicoque sur lequel vous avez travaillé pendant douze mois. Cela ajoute à l’excitation et la fierté de partir en mer avec un bateau que l’on a créé ?
C’est l’aboutissement d’un travail d’équipe, donc oui, il y a de l’émotion, beaucoup d’émotions même. C’est une naissance, c’est fort. Cela va de la sortie du hangar à la mise à l’eau. Beaucoup d’efforts, de temps passé récompensés lorsque la course est lancée, même si tout démarre aussi à ce moment-là : l’exigence, la compétition, le souhait de faire briller le bateau, d’écrire son histoire…
Être un marin expérimenté comme vous est-il un avantage au moment de concevoir le bateau ?
Cela apporte forcément, notamment dans les petits détails de confort, de performance. L’expérience du large donne des indications, le ressenti peut être précieux dans les choix et les conceptions. Alors je n’hésite pas à partager, à faire le maximum pour optimiser au mieux les possibilités.
Comment s’est écrite l’histoire avec REALITES ?
C’est une rencontre humaine, avant tout, avec Yoann Choin-Joubert, en 2016. Nous nous étions connus par nos activités professionnelles et j’ai intégré le groupe REalitEs dans le cadre d’un conseil des Sages. Notre relation a été naturelle, avec des principes et une conception de l’entreprise communes et nous nous sommes dit qu’il serait très intéressant de réaliser quelque chose ensemble. La voile s’est imposée d’elle-même, avec ses valeurs et tout ce que l’on a pu construire autour du team. Dans cet ordre d’idées, nous portons aussi la cause du fonds de dotation Planet Warriors, qui travaille sur la captation et le stockage de CO2, afin de trouver de nouvelles solutions pour les années à venir. Ce projet s’établit sur 15 ans et s’inscrit, comme nous, sur le long terme.
Quel sera l’objectif du REALITES Sailing Team sur cette Jacques Vabre, que vous allez disputer aux côtés d’Aymeric Chappellier ?
C’est un bateau neuf, qui n’a pas encore de références mais sur lequel les premières sensations sont très bonnes. Nous sommes six en course dans notre catégorie Ocean Fifty, on se connaît tous et nous avons évidemment l’envie d’aller au bout en étant le mieux classé possible. La course se jouera probablement autour du « Pot-au-Noir » (ndlr : zone autour de l’Equateur) car une fois au large des côtes sud-américaines, les dépassements et chamboulements au classement seront plus compliqués. Gagner serait super, mais nous voulons déjà réussir une belle course, avec beaucoup d’humilité.
Parlez-nous de votre binôme. Comment comptez-vous fonctionner ?
Nous avons fait la qualification ensemble, le feeling est bon. Aymeric nous a rejoints en avril dans l’aventure, il connaît très bien la classse Ocean Fifty et va courir sa cinquième Jacques Vabre. Il a souvent été 2e ou 3e et a aussi envie de gagner !
A bientôt 60 ans, qu’est ce qui vous pousse encore à partir au large, risquer votre vie et défier les éléments ?
La régate me passionne, tout simplement. J’aime le défi, la compétition, mais aussi la conception du bateau, la préparation. Toute cette exigence est récompensée par des sensations exceptionnelles, uniques. L’Ocean Fifty donne une sensation incroyable de glisse, comme si l’on surfait en continu sur une immense vague qui ne s’arrête jamais. Le virus de la navigation, je l’ai depuis mes 7 ans et je ne pense pas que je m’en débarrasserai un jour. Et cela me plaît bien !