Ingrat, exigeant, difficile mais aussi spectaculaire, décisif et kiffant ! Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier le poste d’ailier, véritable clé du succès pour toute équipe de hand. Junior Tuzolana, ailier gauche du CRMHB, nous raconte son poste et tout ce qui va avec, avec l’ambitions de faire encore mieux que l’an passé.
La statistique, toujours et encore, parfois désavantageuse, parfois flatteuse mais implacable. Juge de paix et argument étalonnant la valeur pour les uns, véritable scalp d’ambitions voire de carrière pour d’autres, elle est ce chiffre qui résume à l’issue de chaque match, ce qui a été réussi, ou non. Paralysante ou galvanisante, rarement insignifiante. En bout de chaîne, que ce soit sur une action placée terminant à l’aile ou souvent, sur contre-attaque, l’ailier au hand connaît mieux que quiconque l’importance de celle-ci. Si la doctrine handball veut qu’un ailier performant ne soit pas à moins de 75% de réussite, y parvenir demeure une performance de tout premier plan, souvent réalisée avec l’expérience : « C’est un poste où l’on s’améliore avec l’âge, le vécu, introduit Junior Tuzolana. On le voit, les ailiers comme Sanad, Rivera, Ilic ou Caucheteux ont une longue histoire avec le championnat et le hand. Avoir déjà vécu les situations, connaître parfaitement les adversaires, les salles et aussi ses propres capacités, son jeu. Il y a de tout cela pour arriver à maturité. »
L’an passé, l’un des chouchous du public cessonnais a régalé, passant la barre des 100 buts pour la première fois de sa carrière, à 68 %. Proche des meilleurs donc, mais encore en progression : « Mettre plus de 100 buts, ce n’est pas évident et rééditer cela serait fort mais au-delà du chiffre, je veux surtout continuer à progresser, à gagner en efficacité pour durer longtemps. Un ailier peut jouer longtemps, au-delà de 35 ans et je compte bien durer ! » Pour cela, l’ancien Istréen ne ménage pas ses efforts !
S’il reconnait avoir des prédispositions physiques depuis petit pour la vitesse et le saut, le garçon n’est pas du genre à se reposer sur des acquis offerts par Dame Nature : « Il y a beaucoup de travail à réaliser sur le plan physique et motricité. Le fait d’avoir fait du foot assez longtemps me donne de vrais avantages sur les changements de directions ou les appuis brusques, qui peuvent être traumatiques. J’essaie de beaucoup travailler sur l’explosivité et il est certain que je ne vais pas charger la musculation comme le feront Romaric ou Kristen. Chaque poste à ses besoins. »
Pour y répondre, Thibault Minel personnalise chaque programme, à l’écoute des besoins de ses joueurs. Une relation de confiance et de travail primordial et très précieuse selon l’ancien joueur du HBC Nantes. « Avec Thibault, on sait où l’on va, il nous écoute, nous comprend et sait ce qui est bon ou non pour le développement du joueur. Il me donne beaucoup d’assouplissements à faire, on travaille aussi la course, le saut. J’essaie aussi, de mon côté, de m’enrichir des autres sports. Parfois, j’en regarde, même si je n’aime pas la discipline, pour simplement comprendre et prendre des techniques de courses des uns et des autres. »
« Une fois que j’ai sauté, et décidé du temps où je vais rester en l’air, je réfléchis et j’analyse »
De quoi expliquer une course assez caractéristique, souvent tête baissée, aux allures de sprinteur plus que de handballeur ? « Sans doute (rires) ! Pour l’aérodynamisme comme la vitesse, la position du corps ou de la nuque compte, chaque détail compte pour gagner toujours un petit plus. » Du renforcement donc, du gainage et de la rapidité mais ensuite ? Le gros du travail reste à faire, face à l’ennemi intime, le poste 1 en défense ou le gardien, dans un duel dont un seul sortira vainqueur. Pour ce faire, là encore, rien n’est laissé au hasard : « Il y a bien sûr un travail à la vidéo, important, où l’on identifie l’adversaire. On se croise aussi, au fil des années, on se connaît donc le travail en amont est là. Maintenant, la vérité, c’est aussi qu’il y a une part d’instinct, d’imprévisible dans chaque match, chaque duel. Une fois que j’ai sauté, et décidé du temps où je vais rester en l’air, dans les secondes suivantes, je réfléchis et j’analyse. Où dois-je mettre le ballon ? Comment ? Je ne me repasse pas la séance vidéo en tête mais j’ai retenu avant le match les choses essentielles à savoir. C’est un outil que l’on utilise, mais qui n’est pas automatique, loin de là. »
Ultra spectaculaire de par sa détente, Junior Tuzolana doit encore s’améliorer au moment de finir les actions. Sang-froid, précision du geste, variété? Il y a sans doute un peu de tout cela et le travail paie, avec une vraie progression depuis son arrivée il y a deux saisons en Bretagne, au contact de Sébastien Leriche : « Le coach est beaucoup sur mon dos pour le tir mais je sais qu’il a raison, que c’est pour mon bien. J’ai avancé dans ce domaine du tir, même si je dois travailler encore et encore pour faire mieux. » Faire mieux, ce sera donc passer le cap des 70% de réussite, pour s’approcher des meilleurs. En regardant déjà les copains, à l’entraînement. Niveau variété de tirs, Junior sait où regarder : « A mes débuts, à Nantes, il y avait Rivera à l’aile et franchement, je le dis sans souci, Youenn Cardinal, chez nous, n’a rien à lui envier sur la palette de tirs. Dans un gros jour à l’entraînement, Youenn met tout le monde d’accord, il peut être phénoménal. C’est un joueur ultra doué, avec ses caractéristiques, qui sait tout faire. Je ne manque pas d’apprendre à ses côtés. »
Encore jeune, l’ailier cessonnais sait la pression du poste mais savoure d’être parfaitement entouré : « A Cesson, le groupe est ultra bienveillant. Au-delà de l’ambiance, des mecs comme Théo et Sylvain, qui ont l’expérience, me parlent beaucoup. Chacun s’entraide, pense à l’autre. Sur ce poste d’ailier, nous n’avons pas le droit à l’erreur et mentalement, il faut être fort. Un duel perdu avec le gardien sera toujours assimilé à un échec du tireur. J’ai toujours du mal avec cette phrase très souvent entendue, le fameux « il a raté un shoot facile ». Allez-y, le faire ce shoot, et accessoirement, battre le gardien à coup sûr. Lui aussi a le droit de réussir un geste parfait sur un autre geste réussi, non ? Au haut niveau, la facilité n’existe pas ! Ce poste, c’est comme n°9 au foot, tu as peu de ballons mais quand tu en as, tu dois valider le boulot antérieur des copains, tu n’as pas le droit à l’erreur. Mais c’est aussi le charme du métier, surtout quand ça marche ! »
Courageux, le Cessonnais n’oublie pas l’aspect défensif du boulot, lui qui évolue aussi en poste 1 sur phase défensive avec plaisir : « J’aime défendre, c’est un autre rôle mais tout aussi plaisant. Tu vas au contact, tu lis le jeu et tu es le premier à pouvoir enclencher pour repartir de l’avant. C’est énergivore mais kiffant ! » Et le chambrage dans tout ça ? Si à Cesson, de l’autre côté, Arnaud Tabarand assume de parler et de chauffer l’adversaire, Junior Tuzolana, lui, vit les choses autrement : « Je ne parle pas pendant un match avec l’adversaire, je me concentre. Je préfère puiser mon énergie dans l’adversité, les regards. J’ai besoin de ressentir tout cela, une atmosphère. Une fois que c’est acquis, je peux tout donner, et même jouer avec le public, les emmener avec nous ! »
Si possible le plus loin et le plus haut possible. A Cesson ? « Pour le moment, mon contrat court jusqu’en 2025, comme pour beaucoup de joueurs de l’effectif. Nous avons une histoire à continuer d’écrire tous ensemble et nous verrons la suite bien plus tard. J’espère bien continuer d’avancer et de vivre de grands moments d’ici là ! » Les statistiques donneront sûrement une tendance pour valider cela dans un peu moins de deux ans.