À l’heure d’un dernier tango sur le pré vert et au terme d’une riche carrière, Carlos Muzzio a fait le choix de la reconversion. Dorénavant entraîneur des avants au REC Rugby, il va apporter un vécu considérable à un groupe en reconstruction. Retour sur un parcours atypique, de la Fédérale 3 aux Pumas.
« Je suis arrivé en France en 2007. J’ai tout plaqué pour venir ici car je voulais réussir dans le rugby. J’ai démarré en Fédérale 3, mais le niveau n’était pas celui que je pensais, c’était assez faible. Je pensais que je m’étais engagé en 3e division nationale ! » Carlos Muzzio se souvient de ses premiers pas dans l’hexagone. Originaire du nord-est de l’Argentine, le troisième-ligne reconverti pilier, déchante à son arrivée sur le sol français. Il débute avec le club omnisports de St-Denis, mais très vite, il se blesse : « L’éloignement avec la famille a été difficile et ça été très dur pendant deux ou trois ans. J’étais agent de sécurité le soir et à la suite de ma blessure, j’ai failli rentrer au pays. Finalement, j’ai eu un contact pour aller à Vannes qui évoluait à l’époque en Fédérale 1. »
En Bretagne, l’enfant de Corrientes fait ses gammes et évolue à un niveau plus en adéquation avec son talent. Après deux années passées dans le Morbihan, Pierre-Henry Broncan le repère et lui propose de rejoindre Tarbes en Pro D2. Carlos Muzzio ne tarit d’éloges sur son entraîneur de l’époque : « Même si j’essaie de mettre ma propre empreinte aujourd’hui, c’est l’un des coachs qui m’a beaucoup marqué dans ma carrière et dont je m’inspire ».
Avec Tarbes, le pilier découvre le monde professionnel. Deux saisons pleines qui lui permettent de signer au Stade Montois à l’aube de la saison 2014-15. C’est le début d’une grande histoire d’amour avec Mont-de-Marsan. Huit saisons au club, deux finales de Pro D2 disputées, malheureusement perdues, et finalement le Graal, avec trois sélections chez les Pumas. Un rêve devenu réalité pour celui qui avait suivi l’un des amis au rugby après avoir commencé par le football et le basket dans son pays : « C’est une immense fierté. Ça a récompensé tout le travail effectué. J’avais 37 ans à ce moment-là et j’ai tout apprécié, même les moments pendant les tournées. Je me donnais à fond dans tous ce que je faisais. Je viens d’une petite ville et c’était une fierté à Corrientes. J’en ai encore des frissons. Mais j’ai davantage profité après car j’étais trop concentré pendant ces rassemblements. Maintenant quand j’y repense, c’était dingue ».
Kévin Courties : « En tant qu’entraîneur, Carlos s’investit avec la même énergie et la même détermination qu’il avait en tant que joueur »
Plus vieux joueur à faire ses débuts avec la sélection argentine, Carlos Muzzio a quelques anecdotes « à la Pierre Richard » de son passage chez les Pumas : « Lors d’un déplacement en Europe, nous avons fait escale à Madrid avant de rejoindre Paris, mais au moment de partir, je me suis rendu compte que j’avais perdu ma carte d’embarquement ! Une autre fois, on était au Pays de Galles avec l’Argentine. J’étais réserviste pour ce rassemblement et j’étais tellement stressé que j’avais oublié mes crampons pour le match (rires) ». Ce qui ne l’a pas empêcher d’être rappelé par la suite et de disputer trois matchs avec sa sélection, face à l’Afrique du Sud et deux fois face à la Nouvelle-Zélande, excusez du peu !
L’an passé, Carlos Muzzio rejoint le REC et y termine sa carrière de joueur. Vient alors le temps de la reconversion, en tant qu’entraîneur des avants. Au moment de jeter un œil dans le rétroviseur, l’ancien pilier savoure : « Finalement, tout ce que j’ai fait valait le coup et je n’ai aucun regret. Allez, j’aurais peut-être pu jouer en Top 14, mais j’ai joué contre les deux plus belles nations au monde avec mon pays et j’ai disputé deux finales de Pro D2. Je suis parti tout en bas de la chaîne et on ne m’a rien donné. C’est beaucoup de travail. Je ne suis pas sûr que j’aurais pu rêver de tout ça ».
Une reconversion déjà préparée au moment de signer chez les « Noir et Blanc », dans un contexte qui lui correspond : « C’était le projet pour lequel je suis venu. Kévin Courties m’a proposé cette reconversion et ça s’est fait naturellement. J’aurais pu jouer pendant encore un an ou deux, mais je voulais me reconvertir le plus tôt possible. La région m’a intéressé, tout comme la ville, à la fois grande et à taille humaine ».
Une fois par mois du côté de Marcoussy pour passer ses diplômes d’entraîneur, le coach des avants reconnaît découvrir un tout nouveau monde, loin de sa carrière de joueur : « Ce n’était pas évident au début car le contexte est différent. Je suis un peu plus âgé et les nouvelles générations ne sont pas les mêmes qu’avant. C’est un nouveau métier et ce n’est pas aussi facile que d’être joueur. Cependant, les garçons adhèrent au message que je veux faire passer et nous sommes sur la bonne voie. J’ai la chance d’être avec un staff qui me fait confiance et avec qui je m’entends super bien. »
À l’origine de sa venue au REC, le manager du club, Kévin Courties, en dit plus sur ce nouveau rôle : « En tant qu’entraîneur, Carlos s’investit avec la même énergie et la même détermination qu’il avait en tant que joueur. La différence, c’est qu’il est maintenant davantage dans l’apprentissage que quand il était joueur ici. Le fer n’est pas froid, il se forge intelligemment, au fil du temps ».
Séance quotidienne de muscu
Dans des journées bien remplies, l’ancien international argentin continue d’apprendre. Une fois les entraînements terminés, place au débrief et à la préparation pour le lendemain, avec en toile de fond, le projet de jeu. Adepte de musculation, Carlos Muzzio n’en n’oublie pas sa « petite » séance quotidienne et tente désespérément de ramener les autres membres du staff avec lui. Si certains commencent à se laisser tenter, il faudra encore du temps pour convaincre les réfractaires. Mais comme tout au long de sa carrière et dans son nouveau projet de reconversion, le travail finira sans doute par payer.